Les nouveaux courtisans, piliers du pouvoir

Pourquoi un pouvoir dérive-t-il ? Pourquoi un gouvernant se transforme-t-il en dictateur,  en tyran, en autocrate ou au mieux en égocentrique aveugle ? Pourquoi l’exercice du pouvoir en général s’accompagne-t-il souvent par des malversations, des passe-droits, par la transgression des lois, par la genèse d’une caste au service du pouvoir et qui, au fond, est, celle qui choisit de servir le pouvoir ?

La transformation des hommes de pouvoir n’est pas une mutation génétique auto-immune, non ! C’est une évolution progressive au fur et à mesure de l’exercice du pouvoir. Évolution lente chez les personnes intelligentes, fortes de personnalité et idéologues, mais très rapide chez les personnes faibles, incompétentes et sans personnalité.

En fait cette mutation qui transforme les gouvernants, provient de la promiscuité d’une catégorie particulière de personnes vivant et évoluant au sein des strates du pouvoir, en constituant les arcanes et portant en eux les germes de la compromission, de la turpitude, de l’ignominie et surtout d’une forte propension à l’autocratie.

Depuis la nuit des temps, les puissants, les régnants, les gouvernants et ceux qui y aspirent, entretiennent ce qui furent et sont toujours des courtisans, des lavais, des bouffons, des aristocrates, des banquiers, des commerçants et du temps des premiers empires antiques, les grandes fortunes, qu’étaient les grands propriétaires terriens, les gouverneurs de provinces et les dignitaires militaires. Lorsque le pouvoir s’accroit et que le dirigeant augmente son emprise sur les peuples, les corsaires et autres bandits mercenaires (les voleurs, mafieux et contrebandiers d’aujourd’hui) deviennent un nouveau cercle parmi les soumis, les serfs, et autres lavais qui, à la recherche de la protection  et de l’immunité du pouvoir, payaient un tribu au roi (dirigeant) ou aux courtisans du premier cercle du pouvoir.

La cour vit pour certains, directement de ce que le pouvoir distribue en revenus , fonctions, avantages, privilèges et positions sociales, pour d’autres la cour est un moyen d’influencer le pouvoir, de le modeler aux fins de garantir la préservation de leurs intérêts, de leur influence et d’accroitre leur richesse, mais et surtout de se doter d’une immunité leur garantissant le droit de transgresser les lois .

Tous les courtisans et  autres larbins ont, pour trait commun, une démarche volontaire de servitude au pouvoir, à l’asservissement au dirigeant, et une facilité naturelle à l’avilissement. La démarche volontaire d’avilissement et de servitude, se justifie auprès des courtisans par l’obtention de différents bénéfices selon la position qu’occupe le courtisan et sa distance par rapport à l’homme de pouvoir. Les courtisans les plus proches du pouvoir et les plus influents, en arrivent même à développer leur propre cour et leurs propres serfs, créant ainsi à leur propre égard une servitude et un avilissement tout aussi équivalent qu’au leur envers le dirigeant.

La proximité au dirigeant, (régnant), quelque soit la position occupée par le serf dans la société courtisane constituée de : fonctionnaires, bouffons, argentiers, politiques (sénateurs, députés, élus locaux, membres de partis, etc..), se caractérise par l’effacement de la personnalité du courtisan devant celle du dirigeant au profit d’un asservissement, qui se révèle par l’encensement, l’idolâtrie et le culte du dirigeant. Ainsi les courtisans se plaisent-ils à  faire croire au dirigeant qu’il est l’homme providentiel et que toutes personnes qui ne vois pas en lui, la magnificence, ne sont que renégats, qu’il faut bannir et honnir.

Les courtisans se chargent souvent eux même des basses besognes, en combattant souvent avec violence (de nos jours en utilisant l’appareil répressif public ou la justice) ceux qui d’une manière ou d’une autre, entravent ou pourraient entraver le chemin qu’ils ont tracé pour le dirigeant et le pouvoir en place.

En réalité, les courtisans et les serfs, consentent volontairement, voire même, recherchent ardemment la servitude, abandonnant leur liberté de conscience et faisant le choix de vivre selon le bon gré du dirigeant, au lieu du juste choix, que de vivre en totale liberté de conscience et de pensée et dans un État de droit.

Dans les temps anciens, on naissait serf et on le demeurait, La culture de l’asservissement au maître était inculquée dès le plus jeune âge. Aujourd’hui, on ne naît pas serf, mais la culture de l’asservissement est instaurée et cultivée par le pouvoir et les dirigeants au sein même des structures sociales et éducatives.

De nos jours, le pouvoir détruit le système éducatif permettant l’émancipation de la pensée, le développement des personnalités et du soi, au profit de l’instauration d’un système basé sur la justification de l’opportunisme, la recherche du bénéfice personnel simple et rapide et la crainte de la sanction (le bâton et la carotte), menant ainsi les personnes à abandonner volontairement leurs Soi à la servitude ; le chemin de l’aisance (supposée) et de la prospérité, étant plus cours que celui d’une démarche naturelle de progression sociale basée sur le labeur et la méritocratie, le libre arbitre étant le socle de la société.

Le dirigeant, par le développement d’un discours approprié souvent associé à la proposition d’une motivation basée sur l’opportunité d’un pécune ou d’une  position sociale, installe une fascination de son pouvoir, non pas par l’utilisation de la force, mais par la conviction auprès de ses courtisans, que seul l’asservissement à son bon plaisir peut mener à  un meilleur avenir,  la force et la contrainte exercée sur le peuple devenant un élément de dissuasion.

Au sein de la cour et sous l’autorité du dirigeant, les hommes deviennent lâches, vils et peureux. Aussi, lorsqu’on perd sa liberté, ou qu’on choisit de la sacrifier, on perd avec elle la vaillance, le mépris du danger, la convoitise de l’honneur et surtout la gloire qu’apporte le combat pour la liberté. Dés lors que l’emprise sur les personnes est acquise par une démarche volontaire, voire même par le développement d’une envie profonde et d’une motivation spontanée que de servir le dirigeant, l’éducation devient l’outil et la source de la pérennité du servage naturel.

En réalité, les courtisans et les serfs, se complaisent dans la servitude et c’est en fait cela qui explique que l’asservissement est volontaire et constitue de fait la source nourricière du pouvoir. En assurant le bon vivre aux courtisans, le pouvoir s’assure de leur asservissement volontaire ; le bon vivre devenant l’opium qui assure l’aliénation des courtisans et leur reconnaissance.

La renonciation au soi facilite l’asservissement et fait des objectifs de réalisation de profits, de bénéfices et d’avantages un justificatif moralement opposable aux tiers, qui nonobstant la reconnaissance de sa servilité et de son asservissement par le courtisan, permet, aux yeux du courtisan, de lui donner une relative valeur.

Comme la cour naguère, la société des serfs de nos jours est organisée, structurée et hiérarchisée ; nous y retrouvons quasiment des représentants de toutes les catégories sociales mais majoritairement, les grands fortunés, les fonctionnaires, les politiques, les élus, les journalistes, les nouveaux mafieux en cols blancs et les contrebandiers

La démarche de servitude, peut prendre différentes formes allant de la servilité au don de soi le plus vil, en passant par la mise au service du dirigeant de toute forme de ressources et de moyens, lui permettant d’assoir son autorité et de conforter sa main mise sur le pouvoir et la société. La forme que revêt la servilité dépend, en fait, du statut de la personne dans la société des courtisans et des intérêts en jeu.

Il est une première catégorie de personnes qui, pour justifier leur servilité, leur asservissement et leur renonciation totale et définitive à leur soi intérieur au profit du dirigeant, mettent en avant leur réussite sociale, leur richesse accumulée, l’impunité, les passe-droits auxquels ils ont accès et ceux dont ils peuvent faire bénéficier d’autres et leur proximité des cercles les plus proche du dirigeant, même si pour cela ils font abstraction de toutes les exactions, violences, injustices commises par le pouvoir et détournent le regard, voire justifient toutes les atteintes aux libertés et à la justice et auxquels ils en sont souvent les associés, voire les instigateurs.

Dans l’organisation de la société des courtisans ou des serfs, se distingue une seconde catégorie particulièrement proche du régnant (dirigeant), que représentent les personnes en charge des affaires et de l’administration du pouvoir. Cette catégorie de personnes a la particularité d’avoir totalement effacé sa personnalité au profit du pouvoir, au point où elles ne peuvent imaginer exister hors du cercle du pouvoir. Leur engagement à servir le dirigeant ou le régnant est autant ancré en eux, qu’elles sont dénudées de tout état d’âme, ne présentent aucun ressentiment et n’ont aucune objection à appliquer, souvent avec zèle, les directives du dirigeant quelle qu’elles soient, allant jusqu’à anticiper (à tort ou à raison)  ce qu’elles considèrent comme étant le bien pour le pouvoir prenant des décisions et agissant en lieux et place du dirigeant.

Cette seconde catégorie de serfs, est souvent assimilée de nos jours, à de hauts fonctionnaires ou à des fonctionnaires dont la seule aspiration est de se hisser dans la hiérarchie du pouvoir. Parfois, ces personnes, peuvent être particulièrement compétentes et intelligentes dans leurs domaines d’intervention et c’est ce qui souvent fait d’eux, des personnes particulièrement dangereuses et zélées dans la répression, le contournement des lois, la violence et le niveau d’avilissement et de servitude au dirigeant.

Le plus souvent, autant que l’est la première catégorie, cette seconde catégorie arrive à servir plusieurs dirigeants successifs et à faire de sorte que les arcanes du pouvoir soient totalement inféodés au service du pouvoir du moment. Elles ne servent ni l’État, la Nation, la liberté, la démocratie ni la justice, elles servent le pouvoir en totale abnégation, pour préserver leurs privilèges et au passage leurs passe-droits.

Si jadis ces serfs servaient le roi à vie puis son héritier, aujourd’hui elles servent le dirigeant élu et font en sorte qu’il demeure au pouvoir par tous les moyens et à tous prix. Lorsque le pouvoir s’épuise, ou vacille, elles sont les premières à se mettre au service du nouveau pouvoir, voire même provoquer la chute du dirigeant au profit du nouveau prétendant ou du nouvel élu de la cour.

Dans la société des courtisans et des serfs, il existe une autre catégorie qui fait partie intégrante du système de pouvoir du dirigeant, mais qui est souvent invisible aux plus grand nombre et qui est pourtant d’une importance capitale.

Cette catégorie a pour caractéristique d’être totalement dénudée de toute personnalité et de tout soi. Sa dévotion et sa servitude est absolue au point d’épouser totalement celle du pouvoir et de se fondre entièrement dans la personnalité globale du culte du pouvoir en général et celle du dirigeant en particulier.

Cette catégorie de personnes, est celle qui crée : le culte de la personnalité du dirigeant, l’image populiste du dirigeant, l’écho populaire du discours officiel, la caisse de résonnance de la société des courtisans et des serfs auprès du peuple. La dilution de la personnalité propre du serf ou larbin dans celle du pouvoir et du dirigeant est une démarche nullement imposée mais bel et bien volontaire de la personne en soi.

Toutefois et à contrario des deux catégories précédentes où la démarche volontaire est motivée, réfléchie et, en apparence justifiée pour les courtisans et autres serfs, dans le cas de ce dernier groupe, l’avilissement et la servitude apparaissent comme totalement innés et naturels ; ils sont le fruit d’un long apprentissage, un endoctrinement, une programmation au sein des cercles et structures de la société des courtisans qui s’étendent vers la société civile et vers le peuple.

Dans les temps anciens, il s’agissait souvent des précepteurs, des  chefs de villages, des tenanciers, des régisseurs, qui outre leur rôles totalement dépendant des seigneurs et donc indirectement du pouvoir, étaient les gardiens du maintien de l’hégémonie du pouvoir sur le peuple.

Par transposition, de nos jours, des personnes dans différentes strates de la société, portent volontairement ce rôle, sans avoir grands espoir de gravir l’échelle du pouvoir ou de la richesse, mais se contentant d’un statut local ou social mineur avec de minces privilèges, il s’agit souvent de membres de partis politiques propagandistes ou de simple soutiens du dirigeant, de petits députés et d’élus ou de fonctionnaires locaux et régionaux. Ceux-ci accumulent souvent différentes allégeances, notamment syndicales, associatives et partisanes, leur permettant ainsi, de servir différents régimes et différents dirigeants.

Le pouvoir et particulièrement le dirigeant, adoubé par sa cour et ensemencé par ses serfs, finit par être totalement isolé de la réalité de la société et du peuple. L’isolement entretenu par la cours et l’idolâtrie, le culte de la personnalité et la flatterie qui lui est servie par la société des courtisans, l’amènent rapidement à ne plus écouter, entendre ni comprendre ce qui se doit d’être dans l’exercice du pouvoir ; le dirigeant deviens rapidement, s’il ne l’est pas dès le départ, un autocrate, voire un dictateur, l’ivresse du pouvoir aidant.

L’excitation de l’ego du pouvoir et son faste, amène le dirigeant à développer un syndrome connu de tous, à savoir ‘la peur de la perte du pouvoir’. Tout, autour du dirigeant devient suspect,  sa méfiance grandit  et son cercle de confiance se réduit comme peau de chagrin. Toutefois et malgré tout, pour le dirigeant,  la cour et la société des courtisans, demeurent un havre de confiance, croyant en maitriser les contours et les conflits, puisque tous, dans cette antre, lui sont totalement asservis et dévoués.

C’est la perversion qui se crée autour du pouvoir, où d’une part,  le dirigeant et le système de pouvoir en place, se nourrissent, se maintiennent et ne peuvent survivre sans les courtisans, serfs, vassaux et autres soumis et d’autre part tous les membres de la société des courtisans, qui ne peuvent survivre et ne peuvent imaginer vivre, voire survivre, ailleurs et sans la cour ; qui donne naissance à tous les abus possibles, toutes les perversions imaginables et toutes les transgressions vis-à-vis des populations, de la libre pensée, de la liberté de choix et de liberté individuelle.

S’agit-il pour autant en ces temps modernes, d’une fatalité historique?, peut-on œuvrer  à la création d’une nation où le pouvoir ne peut être perverti et les hommes asservis, même volontairement et où la courtisanerie n’aurait plus lieu d’être ? L’asservissement volontaire est une culture, un démarche progressivement acquise, parfois transmise en héritage (celui qui nait parmi les courtisans devient courtisan) et le plus souvent inculquée par la culture sociale dominante.

Le système de pouvoir et spécifiquement le pouvoir des dirigeants, se nourrit de l’avilissement des courtisans et autres serfs, leur pouvoir augmente, par la croissance et l’extension de la cour, mais aussi  par l’ancrage de la culture de l’avilissement et de la servilité dans toutes les strates de la société. En cultivant les instincts primaires des hommes, tels que la cupidité, l’avidité, l’envie et  même l’agressivité animale basique, le dirigeant et le système de pouvoir, organisent l’instauration de l’asservissement et de la servitude volontaire.

Le dirigeant et son système de pouvoir, se nourrissent d’une cour qu’ils alimentent à leur tour, pour asseoir une main mise sur leur environnement et sur la société et la nation qu’il dirige. De nos, jour et à des niveaux différents, les dirigeants, afin d’assoir leur emprise sur le système de pouvoir et de perdurer (se faire réélire, voire changer les règles pour durer), ont besoin de créer autour d’eux une cour, des serfs et des courtisans, dont le rôle est de modifier les régles, de façonner l’opinion et de maitriser les rouages et les structures d’exercice du pouvoir, au profit de leur dessein.

Les dirigeants d’aujourd’hui  entretiennent un microcosme de courtisans et de serfs qui couvrent toutes les strates de la société : fonctionnaires, élus, membres de partis, chefs d’entreprises et journalistes ; cette cour qui œuvre pour le dirigeants, pour le système de pouvoir, ne fait pas allégeance sous la contraintes, mais ont une démarche volontaire mûrement réfléchie et structurée. Les nouveaux courtisans assurent le culte de la personnalité du dirigeant, forment plusieurs cercles protecteurs autour du dirigeant, et créent en leur sein des serfs dont le rôle est de se sacrifier en lieu et place du dirigeant ou des premiers courtisans (fusibles ou pares chocs) ; ils peuvent ainsi assumer pour leur compte les contrecoups ou les levées de boucliers ou les réactions populaires vis-à-vis des dépassements du pouvoir, des passe-droits accordés aux courtisans, des entorses à la loi, de l’impunité des courtisans et des serfs.

Qu’est ce qui peut pousser une personne à renoncer à soi même et à se soumettre entièrement au pouvoir, au point d’accepter volontairement de se substituer au dirigeant et assumer pour son compte et à sa place, les conséquences des actes du pouvoir ? Les personnes qui acceptent de se donner entièrement au pouvoir ne sont pas contraintes ; elles ne sont pas endoctrinées, elles sont parfaitement consciente de leur don de soi, de leur sacrifice et y trouvent même une raison de satisfaction et une justification de leur dévouement au dirigeant. Certains y trouvent la reconnaissance des autres courtisans et de la cours, atteignant le statut de militant héroïque. Quelle ironie que d’être qualifié de héros pour avoir atteint le niveau de servitude quasiment ultime ?

Paradoxalement, les héros qui se sacrifient pour la liberté de conscience, l’épanouissement du soi, la libre pensée, le libre arbitre, la liberté d’expression, le droit d’exister sans contraintes, la justice et l’équité, sont targués d’opposants, de renégats, d’ingrats, d’idéalistes de ‘complotistes’ et même de traitres. Ce qui rend la servilité volontaire moderne plus complexe et plus difficile à identifier, puis à combattre, c’est que souvent ceux qui font cette démarche, considèrent qu’ils le font par conviction à un idéal ou à un projet porté par le dirigeant ou le pouvoir.

Pour autant ils ne voient pas, ou font mine de ne pas voir, tous les dépassements et autres entorses aux libertés et à l’exercice de la justice ; ils y trouvent même justification au nom du bien être collectif et de la justesse du projet du dirigeant. La protection de leurs intérêts fusionne avec leur conviction de servir le pouvoir ; le dogme de l’intérêt suprême prenant le pas sur les principes de la liberté, de l’équité et de la justice.

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