Après une longue attente et de nombreux reports, le plan de développement 2016-2020 a été adopté par l’ARP, dans une sorte d’indifférence, de désintérêt et de questionnements. Ce qui a le plus surpris, pour un projet d’une telle importance, c’est le nombre record d’absents parmi les députés. 147 présents sur 217. Ce qui témoigne étrangement de leur faible mobilisation pour la discussion d’une stratégie, censée marquer une rupture avec les anciens modèles de développement et du peu d’intérêt qu’ils ont accordé à un projet qui devrait aider le pays à sortir de la crise. Pourtant, son adoption, après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’investissement notamment, aurait dû constituer un signal fort et un argument qui, en temps ordinaire, aurait pu être exploité à fond pour faire le marketing de la nouvelle Tunisie, qui offre enfin une visibilité, présente de bonnes opportunités d’investissement et de partenariat et suscite l’intérêt et la confiance des acteurs économiques. Malheureusement ce fut un non-événement. En ces temps de doute et de crise, le moral des Tunisiens n’était pas au beau fixe, les soucis du quotidien semblent accaparer toute leur attention. Il en est de même pour les politiques dont les centres d’intérêt se situent loin, très loin de ces enjeux stratégiques. Obnubilés par les luttes de positionnement en prévision des prochaines législatives, la majorité des acteurs se dépensent sans sourciller dans des guéguerres sans fin au moment où le pays connaît des mouvements sociaux dont la rapide contagion renseigne bien sur le désenchantement des populations des régions intérieures lassées d’attendre un changement qui ne vient pas.
Les pouvoirs publics, pour leur part, affichent une attitude où laxisme et ambiguïté font bon ménage. A défaut de convaincre, d’anticiper et de prendre l’initiative, ils se trouvent souvent pris à court par les événements. Ils ne sont même plus en mesure de jouer le rôle de pompiers. Alors que dans le bouillonnement que connaissent les régions, les jeunes et les marginalisés demandent des solutions immédiates, nos responsables ne trouvent pas les bons arguments, ni l’appui nécessaire et encore moins les moyens adéquats pour apaiser la colère qui gronde et la tension qui monte. En effet, le gouvernement d’union nationale a du mal à trouver ses repères avec un Nidaa Tounes en lambeaux, un parti Ennahdha dont l’appétit pour accaparer les postes névralgiques de l’Etat est insatiable et une UGTT qui n’hésite pas à remuer le couteau là où il fait le plus mal. Son principal tort, c’est qu’il n’a pas réussi à dire la vérité aux Tunisiens, de mettre tous ses partenaires devant leurs responsabilités, d’avoir cédé à toutes les formes de pression et de ne pouvoir appliquer la loi. La situation de tension extrême que connaît le pays actuellement, la résurgence des grèves dans pratiquement tous les secteurs après que le gouvernement s’est résigné à augmenter les salaires pour les fonctionnaires et les agents du secteur privé, montrent une fuite en avant dangereuse rendant toute possibilité de compromis social caduc, voire même impossible. Dans ce climat délétère, quel pourrait être l’apport d’un plan ? Comment peut-on traduire les orientations en programmes et projets et les intentions en investissements et création de nouvelles richesses ? Comment peut-on restaurer la confiance, qui est un préalable nécessaire pour que la machine économique redémarre, la croissance se consolide et les Tunisiens se remettent au travail ?
Comment peut-on convaincre des groupes étrangers à investir dans notre pays au moment où l’environnement de l’entreprise ne cesse de se dégrader, nos routes sont constamment bloquées, les entreprises, dont un grand nombre vit sous perfusion depuis maintenant plus de six ans, continuent à subir le diktat des syndicats et leurs caprices et avec une Administration défaillante et peu transparente ?
Manifestement, le caractère ambitieux de toute stratégie constitue un facteur déterminant pour sa réussite et pour conférer aux programmes et projets effectivité. Dans notre contexte difficile et incertain, un brin de réalisme ne peut qu’aider à prendre la bonne direction. Il aurait fallu, en effet, que nos députés saisissent ce projet, non pas pour se lancer dans un débat démagogique infructueux, mais d’approfondir la réflexion sur les préalables qui devraient être satisfaits pour réaliser les objectifs tracés.
De la sorte, il serait possible d’atteindre sinon de dépasser une croissance de 3,7%, de gagner plus de 5 points dans le taux d’épargne, plus de quatre point dans le taux d’investissement et de baisser de quelques points le taux de chômage à l’horizon 2020.