Les perfides machiavéliques et les “rires” affreux des hyènes

« Les traits structurels des régimes démocratiques sont bien les élections « affirme Raymond Aron. Le règne (cratos) du peuple (démos) se résume aussi selon Marcel Préot à l’élection, puisque «le peuple possède juridiquement une physionomie précise, une composition certaine. Il est l’ensemble des citoyens, inscrits sur une liste électorale et distribués par circonscriptions et bureaux, afin d’élire et statuer». Cela veut dire clairement que la démocratie implique la participation maximale des citoyens aux affaires publiques. Mais malheureusement, ce n’est pas le cas dans notre pays où le peuple se trouve égaré sans boussole. Ce désarroi souligne, une fois encore, la grande pitié de cette jeune démocratie très vulnérable et mal appliquée. En passant de la théorie à la pratique, le rapport de nos élus à la réalité a perdu une part de son innocence pour laisser place au soupçon. Après tout, ce n’est pas un hasard si la démocratie ne s’est jusqu’alors incarnée que dans des Etats-nations, c’est-à-dire dans un cadre où la solidarité est possible, mais aussi la reconnaissance des individus particuliers dans ceux qui les représentent et qui sont censés exprimer l’intérêt général. Si les messages d’intérêt général sont considérés comme ayant la puissance de réunir les citoyens, l’obscénité est au contraire considérée comme séparatrice et diabolique. Et c’est cette obscénité blessante qui s’est manifestée dans le comportement de nos responsables politiques qui n’ont jamais fait valoir la primauté de l’intérêt général sur l’intérêt personnel. Une de bonnes et moins bonnes raisons, fantasmes et fadaises qui ont noirci pendant neuf ans l’humeur nationale et ont semé, dans une opinion affolée, la nervosité et l’hystérie polémique ( le passeport diplomatique en exemple frappant). Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir et interdit aux autres d’ouvrir les yeux.
Comment avons-nous pu laisser faire cela ? Et par quel mécanisme intellectuel tant de personnes ont pu se laisser abuser par des politicards qui faisaient furieusement le Mal au nom du Bien ? Les leviers de notre patrie seraient-ils, à tous les niveaux, entre les mains de perfides machiavéliques et pyromanes qui n’ont aucun sens de l’intérêt général ? Cette situation catastrophique en dit long sur l’amateurisme et la désinvolture de ceux qui nous gouvernent. Ils ne savent pas ce qu’ils font. En plus, ils le font mal.
Il est certainement vrai que, contrairement à ce que pouvaient penser nos «sages bien-pensants», la chose la mieux partagée entre nos politiciens ces dernières années n’est pas le bon sens, mais l’envie de pourrir la vie des citoyens, voilà d’ailleurs l’une des caractéristiques les plus affligeantes de notre classe politique. Il faut avoir une imagination débordante ou faire preuve d’une dose élevée de mauvaise foi, ou les deux en même temps, pour continuer à affirmer que nos responsables mènent une politique de redressement général qui «casse» le modèle défaillant hérité de «la dictature» !  Il va sans dire que les Tunisiens ont fini par s’habituer au pire, mais les plus à plaindre dans cette atmosphère de désarroi, sont les lanceurs d’alerte, qui ont été systématiquement bâillonnés, ostracisés, calomniés. À l’heure où les « rires» affreux des hyènes couvrent de plus en plus les rares appels à la raison, que sommes-nous en train de faire de notre pays ? N’est-il pas temps, à ce stade de décrépitude, de chercher les moyens de nous ressaisir enfin ?
Loin, très loin des « solutions» populistes qui sont, comme toujours, des miroirs aux alouettes,  il faut,  pour sortir de la crise, que tout décideur politique et social se reconnaisse pleinement dans deux piliers fondamentaux d’un projet «de sauvetage» : le dépassement des clivages partisans traditionnels, pour faire barrage aux offensives contre la démocratie et les valeurs humanistes de liberté, de tolérance et de respect ; et l’engagement déterminé en faveur d’une Tunisie unie, souveraine, solidaire, sans peur ni non-dit ni discrimination.

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