Les phosphates ont-ils encore un avenir dans notre pays ?

Le feuilleton dramatique des phosphates se poursuit depuis près de six ans dans le bassin minier de Gafsa avec ses rebondissements, ses coups de théâtre, ses sit-in brutaux et ses reprises de travail incertaines, laborieuses et partielles.
Il ne passe pas une semaine sans que la paralysie frappe un ou plusieurs centres miniers à la fois au niveau des zones de production du phosphate brut, que du transport vers les laveries, ou bien vers les usines de traitement et de transformation industrielle.
Jusqu’ici, la CPG a résisté car elle a vécu sur son “matelas antérieur” : ses réserves financières et matérielles, mais avec le temps ils sont épuisés.
Payer des salaires confortables à un effectif de 18.000 salariés alors que seulement 8000 sont “théoriquement actifs”, mais que seulement 4000 sont productifs, ne peut durer éternellement. Les banques continuent à faire confiance à la CPG, car il y a la garantie de l’Etat derrière tout cela.
Or le déficit du budget de l’Etat pour 2016 a atteint 6,5 milliards de dinars selon une hypothèse optimiste, alors que le déficit de 2017 serait de 8 milliards de dinars.
L’Etat serait obligé de “lâcher” la CPG pour ne pas “sombrer avec elle” s’il n’y a pas une reprise imminente de la production. Si la CPG s’écroule, tout l’édifice de la transformation industrielle des phosphates s’effondre avec elle, y compris les usines du Groupe chimique de Gabès, la Skhira et Sfax. Quel gâchis !
Quelle est la situation actuelle de la CPG étant donné que celle-ci est mouvante chaque semaine et se dégrade de plus en plus?
Au bout de neuf mois d’activité, la production n’a pas dépassé 2,5 millions de tonnes contre des prévisions de 6 Mt alors qu’en 2010 la production était de 8 Mt. Après une accalmie tout à fait relative, il y a une recrudescence des perturbations sociales : la production sur le site de Redeyef qui était fermé depuis cinq ans a repris durant quelques jours, mais c’est maintenant le tour du transport des phosphates qui est bloqué par les diplômés au chômage.
Mdhilla et Metlaoui sont à l’arrêt.
Les responsables de la compagnie négocient avec les sit-inneurs le libre accès aux lieux du travail faisant miroiter les recrutements, mais ont-ils l’autorité et le “poids politique” nécessaires pour faire valoir l’intérêt supérieur du pays ?
En effet, la CPG a annoncé le 20 septembre son intention de recruter 1700 agents d’exécution, décision technique et non politique semble-t-il, or les diplômés du supérieur au chômage contestent les critères retenus et exigent d’être concernés par le recrutement.
L’intention consiste une fois recrutés, d’exiger leur reclassement en fonction de leurs diplômes, une manœuvre astucieuse et détournée.
De son côté, la société de transport a décidé de recruter 67 salariés, tout cela n’a pas empêché la poursuite des blocages paralysants.
S’achemine-t-on vers un scénario à la Petrofac où les négociations avec les contestataires se soldent par une abdication des pouvoirs publics et la satisfaction de presque toutes les revendications, même si elles sont exagérées, peu rationnelles et injustifiées ?
Pourvu qu’il n’y ait pas recours à la force pour faire sauter les sit-in des chômeurs diplômés et pourvu que le processus de production et de transport reprenne alors que les plafonds des surenchères revendicatives augmentent chaque jour de façon illimitée et insoutenable, au point que l’on est en droit de se poser la question brûlante ; qui est derrière tout cela ? Qui manipule les sit-ineurs et dans quel but ? Jusqu’où ? Les pouvoirs publics connaissent-ils les instigateurs de ces troubles (politiques et contrebandiers) et n’osent-ils pas les impliquer et sévir ? Des interrogations légitimes sans réponses.
Pourtant, la CPG est engagée dans plusieurs projets d’avenir pour lesquels elle dispose de l’expertise et des compétences humaines nécessaires et surtout elle “maîtrise” les clients étrangers et les marchés à l’export.
Il s’agit de l’’exploitation du gisement de phosphate d’Oum El Kechab, en cours d’étude avancée, il deviendrait opérationnel fin 2017 avec un recrutement de 500 salariés.
Il y a également le projet d’exploitation du gisement de Tozeur-Nefta annoncé pour 2018-2019 mais pour cela il faut investir.
La réalisation de l’usine de Mdhilla II de fabrication de produits chimiques a atteint un taux de réalisation de 70%, l’emploi attendu est de 500 salariés, l’investissement est de 600 MD.
Il faut dire que la CPG qui est actuellement victime d’une tempête fatale qu’elle ne mérite pas, a beaucoup fait et continue à faire beaucoup en matière de responsabilité sociale de l’entreprise.
Financement des activités sociales, culturelles et sportives de la région, création d’un fonds d’investissement pour financer les jeunes promoteurs, financement d’une station d’adoucissement d’eau pour un montant de 100 MD afin de réduire la pression sur les prélèvements faits sur le réseau de distribution de la SONEDE aux dépens de la collectivité.
Que fait l’Etat pour diversifier l’économie de la région depuis des décennies ? Si peu. Il serait grand temps de commencer
Il est évident que la CPG ne peut à elle seule assurer le développement de toute la région ni recruter tous les demandeurs d’emploi diplômés ou non diplômés, ni financer toutes les activités sociales, culturelles et sportives qui incombent à l’Etat.
Certes, sa responsabilité est engagée pour tout ce qui est pollution de l’environnement, or rien n’est fait dans ce sens.
D’ailleurs l’envolée des prix donc l’embellie des phosphates sur le marché mondial est en train de pâlir : on assiste à un effondrement des prix. Nous avons laissé passer l’âge d’or. Si le gouvernement ne réussit pas en 30 jours à sortir de la crise des phosphates, il sera recalé à son examen de passage.
N’oublions pas qu’une CPG en bonne santé alimenterait le budget de l’Etat à concurrence de 10% !

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