L’objectif est d’exercer une pression sur les prix au profit du consommateur. Dix jours après l’installation des points de vente producteur-consommateur, quel constat ? Le gouvernement demeure incapable de freiner définitivement l’augmentation des prix. Mais cette expérience des points de vente producteur-consommateur pourrait-elle réussir un jour ?
Baisse de la production de certains produits, multiplication des intermédiaires et renforcement de la contrebande, notamment vers la Libye, sont les principales causes de la montée des prix. Le gouvernement a été, jusque-là, incapable de stopper la flambée des prix malgré les bonnes et multiples intentions engagées. En tout, pas moins de 24 points de vente «producteur-consommateur » étaient programmés pour le mois de Ramadan. Sachant qu’à la veille du mois saint, qui se caractérise par une forte hausse de la consommation alimentaire (20 à 30% en plus comparativement à une période normale) les prix se sont déjà envolés. Dix jours après, nous enregistrons une vingtaine de ces points de vente déjà opérationnelle.
Les attentes
L’effet sur la baisse des prix ne sera pas perceptible uniquement sur les produits exposés et dont les prix seront fixés sur la base des prix en vigueur sur le marché de gros, en plus d’une marge au profit de l’agriculteur ne dépassant pas les 10%, mais s’allongera sur les autres marchés et points de vente conventionnels, pour rester dans la course. Cette initiative a pour but de réduire le nombre des intermédiaires sur le marché du côté de l’offre et de celui de la demande. Sachant qu’entre le producteur et le consommateur il existe des intermédiaires et le commerçant de vente au détail, deux maillons qui peuvent faire grimper les prix jusqu’à 30% de plus du prix du gros. C’est le grand nombre d’intervenants sur le marché qui fait que le produit est vendu à un prix très élevé au consommateur. Finalement nous nous rendons compte que l’agriculteur n’est pas responsable de la cherté des produits agricoles.
Constat, dix jours après
Au cours des premières journées d’activité, l’espace de vente de Ben Arous a connu une grande affluence de consommateurs qui se sont jetés sur les viandes rouges dont le prix était fixé à 14,500 dinars le kilo (viandes ovines et agneau) soit une baisse de plus de 15% par rapport aux marchés conventionnels. Selon, M. Jedi Ahmed, vétérinaire de la société tunisienne de développement LHIMA spécialisée dans la vente de viande rouge locale et importée, sollicitée par le groupement professionnel de Ben Arous, «C’est seulement l’intérêt national qui nous a motivés à participer à ce point de vente.
Le ministère du Commerce a fixé le prix du kilo à 16 dinars et nous nous l’avons baissé jusqu’à 14.500 pour en faire profiter les familles nécessiteuses. Mais ça reste toujours rentable». La participation de M. Mohamed Enaifer, producteur d’œufs, au point de vente de Ben Arous, va lui coûter de l’argent, puisqu’il vend l’œuf à 150 millimes, au même prix que chez lui. Avec ce point de vente, il faut compter le transport et le recrutement d’un vendeur. Il participe par solidarité envers le consommateur et par défi aux intermédiaires. Il espère toutefois, vendre plus pour compenser les coûts. Pour la plupart des citoyens présents sur les lieux, l’idée est pertinente.
Ainsi les citoyens moyen et pauvre aussi, pourront acheter des produits agricoles à des prix très raisonnables qui leur permettront de préserver leur pouvoir d’achat en perpétuelle dégradation. Mais ils restent quand même sceptiques sur la continuité des prix durant tout le mois de Ramadan.
Trop d’intervenants
L’initiative de créer des points de vente «producteur-consommateur » figurait parmi de multiples suggestions proposées par le Comité national des prix présidé par la présidence du gouvernement. Cette suggestion a été adoptée lors d’un Conseil ministériel et est exécutée par différentes parties prenantes, (et c’est peut-être parmi les raisons de l’échec de cette initiative), à savoir le ministère de l’Agriculture, le ministère de l’Intérieur, le ministère du Commerce, l’UTAP, les groupements professionnels et l’ODC (l’organisation de la défense du consommateur). Le ministère de l’Investissement et de la Coopération internationale a mobilisé une enveloppe d’une valeur de 2,4 millions de dinars, soit une moyenne de 100.000 dinars pour chaque gouvernorat pour l’aménagement des espaces de vente du producteur au consommateur. Les producteurs qui exposent leurs produits sont exonérés d’impôts et des redevances. Les producteurs n’étaient pas soumis à des contrats ou engagement écrit, seul un engagement moral liait les différentes parties. Donc le jour de l’ouverture de chaque point de vente on ne peut pas savoir si tous les producteurs vont venir ou pas. À titre d’exemple, lors de l’ouverture du point de vente à Medenine, l’affluence des producteurs était très faible et les rayons étaient presque vides malgré les accords donnés par des producteurs quelques jours avant l’ouverture. Les producteurs ne trouvent pas toujours leur compte et certains ont préféré s’esquiver. Parmi les conditions de vente, les producteurs qui souhaitent s’engager dans cette expérience sont tenus de respecter les prix convenus et à poursuivre l’approvisionnement des points de vente durant tout le mois saint. Ce qui n’a pas été le cas pour la plupart des points de vente, puisque quelques jours après, les prix se sont envolés. En effet des intermédiaires ont réussi à s’infiltrer dans ces points de vente, pour profiter des exonérations d’impôts. Les producteurs étaient aussi appelés à garantir et à respecter les normes de qualité des produits. Cela était perceptible les premiers jours, mais la qualité s’est dégradée au fur et à mesure. Une fois les contrôleurs ont le dos tourné, les prix se sont rapidement envolés.
N.J