L’Institut national des statistiques vient de publier son indice mensuel des prix pour le mois de mars dernier. Hélas, les nouvelles ne sont malheureusement pas bonnes. En effet, l’inflation a connu un nouveau bond et s’établit à un taux de 7,6% alors qu’elle n’était que de 7,1% au mois de février et de 6,9% au mois de janvier.
Cette hausse s’explique selon l’Institut des statistiques par l’accélération des prix des produits agricoles, passée de 7,7% à 8% entre les mois de février et de mars. Les chiffres de l’Institut indiquent que ce sont les prix des fruits qui ont connu la plus importante progression avec un taux de 23,4%. Les autres produits alimentaires ne sont pas en reste avec une augmentation de 13,7% pour les huiles agricoles, 10,4% pour les poissons, et 9,7% pour les viandes.
L’autre source de ce rebond inflationniste concerne la hausse des prix du transport qui ont connu une progression de 10%. Cette hausse trouve ses origines dans celle de l’augmentation des prix des voitures qui ont progressé de 16,6%, des pièces détachées avec une progression annuelle de 10% et des prix du carburant.
La troisième source provient de l’augmentation des prix des produits textiles, habillement et chaussures, avec la fin des soldes hivernales et le retour des prix à la normale.
Les chiffres publiés par l’Institut des statistiques et le rebond de l’inflation soulèvent deux questions essentielles. La première concerne le niveau que pourrait atteindre l’inflation. Plus précisément, jusqu’où irait l’inflation et sommes-nous à la veille du déclenchement d’une spirale inflationniste qui risque d’échapper au contrôle des pouvoirs publics ? A ce niveau, tout porte à croire que si la tendance entamée depuis le début de l’année est poursuivie et que nous entrons dans une période de grande turbulence, les enchaînements inflationnistes pourraient nous conduire à une crise plus grave. Pour s’en convaincre, rappelons que nous avons fini l’année avec un taux d’inflation de 6,4% qui est passé à 7,6% à la fin du premier trimestre, soit une progression de 1,2% et une augmentation mensuelle de 0,4%. Si ce trend est maintenu, nous risquons bien de dépasser le seuil symbolique de 10% à la fin de l’année et nous rentrerons alors dans une zone d’une grande incertitude et de grands risques inflationnistes avec des enchaînements et des anticipations qui se nourriront les uns les autres et pourraient nous entraîner dans une spirale difficile à maîtriser.
La seconde question que l’on pourrait se poser concerne la capacité des politiques mises en œuvre aujourd’hui à faire face à cette accélération de l’inflation. Rappelons que le gouvernement avec le FMI, ont misé sur la politique monétaire pour faire face à l’inflation et empêcher la transformation de ces hausses en une spirale inflationniste. Ainsi, la Banque centrale a-t-elle augmenté ses taux directeurs de 75 points de base, ce qui a été à l’origine d’une forte augmentation des taux sur les marchés qui ont atteint 6,5% et commencent à peser lourdement sur les capacités d’endettement des entreprises et des consommateurs.
Ainsi, le pari a été fait par les pouvoirs publics et le FMI de miser sur les politiques monétaires restrictives pour faire face à cette tentation inflationniste. Or, les résultats publiés par l’Institut des statistiques montrent que l’inflation n’est pas d’origine monétaire et que le recours aux banques et aux crédits ne peut expliquer de manière forte les rebonds inflationnistes. Au contraire, ces chiffres nous poussent à penser que l’inflation trouve ses origines dans les circuits de distribution (les produits alimentaires et les fruits), la flexibilité du dinar et l’inflation importée (les prix des voitures, des pièces détachées et des produits textiles) et le recul des subventions de l’énergie avec l’application du mécanisme d’ajustement automatique des prix (les prix du transport). Or, les deux dernières sources, la flexibilité du dinar et les prix de l’énergie, vont s’aggraver lors des prochains mois, suite aux injonctions du FMI, ce qui accélérera l’inflation. Ainsi, le changement de politique monétaire et la sortie d’une politique expansionniste avec le recours à des choix plus restrictifs, risquent non seulement d’avoir un effet limité sur l’inflation mais vont certainement couper l’élan du retour à la croissance que nous avons enregistré à la fin de l’année passée.
Le rebond des tensions inflationnistes pose un défi de taille pour l’économie tunisienne et risque de se transformer en une spirale difficile à arrêter. La véritable lutte contre cette tentation inflationniste passe par une sortie des carcans orthodoxes pour définir des politiques plus efficaces et capables non seulement de maîtriser l’inflation mais surtout de renforcer les débuts du retour de la croissance et de l’investissement. n