Par Yasmine Arabi
La campagne référendaire bat son plein et les appels à voter « pour » ou « contre » le projet de nouvelle constitution ou à boycotter carrément le référendum se font de plus en plus insistants, malgré le tollé provoqué par le projet de constitution du président Kaïs Saïed et les peurs suscitées par certains de ses articles qualifiés par des constitutionnalistes de dangereux pour la démocratie, pour le caractère civil de l’Etat tunisien et pour les droits des femmes.
Dans un contexte d’interdiction des sondages d’opinion, par l’Isie (…), les réseaux sociaux, en tant que principale plateforme de communication entre les masses, se présentent comme l’unique jauge qui permet de se faire une idée sur les différentes tendances des avis des uns et des autres et sur l’impact des polémiques sur les citoyens. Les médias jouent un rôle important dans le relais et le traitement des polémiques et de la crise, mais le citoyen lambda n’intervient pas sur les questions stratégiques et les médias restent un espace de communication et de débats pour les élites.
Il ressort des réactions sur les réseaux sociaux deux faits importants qui pourront peser sur les résultats du référendum : l’un, aucun commentaire ne souhaite le retour à l’avant 25 juillet 2021, donc, Rached Ghannouchi et son mouvement Ennahdha, c’est fini. L’autre, c’en est fini également des partis politiques qui n’ont pas dénoncé avant le 25 juillet 2021 la mainmise de Rached Ghannouchi sur le pays et la responsabilité des islamistes et de leurs alliés dans la faillite économique, financière, sociale, culturelle, éthique, du pays. Ces partis qui, aujourd’hui, appellent au boycott du référendum (Ennahdha, le courant démocratique, Al Joumhouri, Attakatol, parti des travailleurs) ou à voter « non » contre la constitution de Kaïs Saïed, dont Afak Tounes qui l’a franchement annoncé. Sauf que tous ces partis ont perdu du poids depuis le 25 juillet 2021. Leurs descentes dans la rue pour manifester contre la consultation numérique et le projet de constitution de Kaïs Saïed ont été très peu suivies, quelques dizaines, voire quelques centaines de manifestants, avec un impact zéro sur l’opinion publique. Les commentaires soutenant le président Kaïs Saïed et son projet de constitution sont, quant à eux, souvent majoritaires et d’un ton déterminé.
Le désaveu
Peut-on d’ores et déjà stipuler que le « oui » l’emportera le jour du référendum? Pas évident. Le « non » est en train de prendre du volume depuis le 30 juin, date de publication au JORT du projet de constitution de Kaïs Saïed et son désaveu par les constitutionnalistes Sadok Belaïd, président de la commission consultative sur la nouvelle constitution, et Amine Mahfoudh, un des rédacteurs de l’avant-projet de Loi fondamentale remis le 20 juin dernier au chef de l’Etat par le doyen Belaïd. Bien qu’ayant été fortement critiqués, pour avoir accepté de participer à la rédaction de la nouvelle constitution, les deux constitutionnalistes ont lâché une bombe en rejetant totalement le texte de Kaïs Saïed qui « n’a rien à voir avec la copie de la commission consultative » et que le doyen Belaïd juge « dangereux » (Le Monde, 3 juillet 2022). Pour Amine Mahfoudh, « le texte du président doit être revu avant le 25 juillet, sinon si le texte est voté tel qu’il est, avec ses fautes grammaticales et ses articles qui n’ont rien à voir avec le régime démocratique, ce sera une honte ».
Le troisième homme du président dans l’élaboration de la nouvelle constitution est le doyen des avocats, moins déçu et moins choqué que ses collègues, il tempère : « Notre rôle était consultatif, nous savions que le président allait apporter des modifications ; finalement, il y a de bons articles dans le texte de Kaïs Saïed, des convergences avec notre avant-projet et d’autres articles devront et pourront être révisés ». Et le doyen de poursuivre : « A mon avis, il faut que le projet de Kaïs Saïed passe, sinon ce sera le retour de la composante du 24 juillet 2021, c’est-à-dire l’ancienne ARP avec Rached Ghannouchi à sa tête et la constitution de 2014 avec tous ses pièges et le blocage des institutions, c’est le seul scénario juridique légal puisque le « non » signifiera l’échec du processus du 25 juillet 2021 et celui de Kaïs Saïed». Pour Brahim Bouderbala, rien n’est définitif, « les articles et passages du projet de Kaïs Saïed qui prêtent à équivoque ou qui sont refusés par une partie de l’élite et des partis politiques devront être amendés, il faudra faire pression sur le président ».
Positions extrémistes
Au moment où les partis socio-démocrates et les islamistes d’Ennahdha, « les 24 juillettistes », font bloc ensemble contre Kaïs Saïed l’accusant de préparer un système présidentialiste autoritaire dans son projet de nouvelle constitution, d’autres formations plus nationalistes et plus proches de la masse populaire se rangent derrière lui, appelant à voter en masse pour tourner la page de la décennie noire, celle de la démocratie de façade, de l’islam politique et de la grande corruption. Leurs arguments s’appuient sur les points forts du projet de Kaïs Saïed tels que l’interdiction du tourisme parlementaire : le député ne peut plus changer d’un bloc parlementaire à un autre, et de toute activité professionnelle (même privée) parallèlement à la députation pour éviter les conflits d’intérêt.
Rien ne prédit donc de manière tranchée si ce projet passera ou ne passera pas par le référendum du 25 juillet 2022. Outre la forte probabilité d’un taux d’abstention dépassant les 60%, taux relevé lors des précédentes échéances électorales, à l’exception des élections de 2011 au lendemain de la révolution du 14 janvier, et relayés par l’ensemble des sondages politiques de ces dernières années, la division entre les partisans du OUI et ceux du NON est de plus en plus marquée, devenant dans certains cas obsessionnelle et extrémiste. Dans cette catégorie, il y a les partisans inconditionnels de Kaïs Saïed, qui soutiennent sans conteste tout le processus du 25 juillet avec ses décrets présidentiels, sa consultation numérique, son projet de constitution et son référendum, et il y a les irréductibles opposants de Kaïs Saïed, qui rejettent tout en bloc sans distinction. Il s’agit pour les premiers, les « adorateurs », de soutenir le président de la République quelles que soient ses erreurs et ses dérives. Pour les seconds, il faut tout faire, y compris la diffamation et la propagande, pour diaboliser l’homme et faire tomber le président. Le boycott du référendum est leur choix unique dans le seul but de ne pas offrir à Kaïs Saïed le privilège d’organiser un référendum et de le mener à terme sans ambages, ce qui est en soi une réussite.
Le projet de constitution 2022 voulu unilatéralement par Kaïs Saïed est paru dans un contexte de tensions syndicales, de menaces terroristes et de divorce politique entre le chef de l’Etat et une bonne partie de la classe politique. Une vague d’oppositions et de critiques agite l’actualité nationale, suscitée par ce projet qui souffrira d’un déficit de légitimité et d’adhésion que nécessite l’adoption d’une nouvelle constitution même si le OUI l’emporte le 25 juillet. Ce texte n’est en effet ni le fruit d’un dialogue national inclusif, unanimement revendiqué en vain, ni celui du dialogue sélectif consultatif présidé par le doyen Sadok Belaïd à Dar Edhiafa et dont le projet de constitution (copie zéro) remis au chef de l’Etat sans être dévoilé au public a été fondamentalement modifié, selon le professeur Amine Mahfoudh, un des rédacteurs du projet de constitution, qui a confié sur sa page facebook : « Je ne reconnais pas mon fils ».
L’épouvantail du Calife
Il est à juste titre celui de Kaïs Saïed et le même Amine Mahfoudh assurait quelques jours plus tôt à Rendez-vous 9 (Attassiâa TV) que « le projet de constitution est celui de Kaïs Saïed, nous avons fait des propositions, il en fera ce qu’il voudra ». Le bâtonnier des avocats Brahim Bouderbala, qui a présidé la commission des affaires économiques et sociales, l’a confirmé : « Il y a bien eu des changements mais le texte a gardé plusieurs convergences ». Le chef de file de l’ensemble de l’opération d’élaboration de la nouvelle constitution Sadok Belaïd, hospitalisé juste après pour une intervention chirurgicale, n’a pas eu de réaction immédiate, mais sa désapprobation viendra trois jours plus tard pour exploser comme une bombe. Le président de la République a, en effet, changé l’article premier initialement consacré au volet économique et social, rédigé un long préambule à connotation historique que ses détracteurs se sont amusés à rabaisser et surtout éparpillé la question de l’islam et de l’identité arabo-islamique sur plusieurs articles tout en ajoutant des références théologiques et en supprimant celle relative à la civilité de l’Etat. L’alerte est donc lancée : « Kaïs Saïed se prépare à devenir Calife, à instaurer la Charia islamique et à revenir sur les acquis en matière de libertés ». Les détracteurs de Kaïs Saïed n’y ont vu que du feu et espèrent réveiller les vieux démons avec une histoire supposée résolue entre les Tunisiens et les islamistes radicaux. Or, le projet de Kaïs Saïed reconnaît la liberté de culte, de conscience et de croyance. Ce qui prête réellement à équivoque et mérite des éclairages. De la part de qui ? Du président Kaïs Saïed, en principe, mais qui n’explique jamais rien.
Ce chapitre des libertés n’a cependant pas suscité le moindre intérêt, alors qu’il a été repris de la constitution de 2014. Cette mauvaise foi des détracteurs de Kaïs Saïed utilisée pour manipuler l’opinion et la remonter contre lui a aussi un effet sur l’approche individualiste de Kaïs Saïed dans la gestion des affaires de l’Etat et des Tunisiens. Il continue à n’écouter personne et à mener à terme tout ce qu’il entreprend contre vents et marées. Cette approche continue d’ailleurs d’être une source de tension et de bras de fer politiques, syndicaux, judiciaires, depuis l’accession de Saïed à la magistrature suprême en 2019 et davantage depuis le 22 septembre 2021, date de publication du décret présidentiel 117 qui a concentré tous les pouvoirs entre ses mains et qui lui a permis de prendre unilatéralement toutes les mesures-sanctions qui ont suivi.
Les Tunisiens sont plus que jamais divisés en camps adverses et la peur est grande de ce qui va advenir du référendum du 25 juillet. En cas de victoire du « Oui », les anti-Kaïs Saïed promettent de redescendre dans la rue pour protester, ce qui annonce une autre crise politique interminable défavorable à toute relance économique. Dans le cas où ce serait le « Non » qui vaincra, c’est la stabilité du pays et la paix sociale qui seront menacées.
Les pour, les contre et les boycotteurs
Par Yasmine Arabi
La campagne référendaire bat son plein et les appels à voter « pour » ou « contre » le projet de nouvelle constitution ou à boycotter carrément le référendum se font de plus en plus insistants, malgré le tollé provoqué par le projet de constitution du président Kaïs Saïed et les peurs suscitées par certains de ses articles qualifiés par des constitutionnalistes de dangereux pour la démocratie, pour le caractère civil de l’Etat tunisien et pour les droits des femmes.
Dans un contexte d’interdiction des sondages d’opinion, par l’Isie (…), les réseaux sociaux, en tant que principale plateforme de communication entre les masses, se présentent comme l’unique jauge qui permet de se faire une idée sur les différentes tendances des avis des uns et des autres et sur l’impact des polémiques sur les citoyens. Les médias jouent un rôle important dans le relais et le traitement des polémiques et de la crise, mais le citoyen lambda n’intervient pas sur les questions stratégiques et les médias restent un espace de communication et de débats pour les élites.
Il ressort des réactions sur les réseaux sociaux deux faits importants qui pourront peser sur les résultats du référendum : l’un, aucun commentaire ne souhaite le retour à l’avant 25 juillet 2021, donc, Rached Ghannouchi et son mouvement Ennahdha, c’est fini. L’autre, c’en est fini également des partis politiques qui n’ont pas dénoncé avant le 25 juillet 2021 la mainmise de Rached Ghannouchi sur le pays et la responsabilité des islamistes et de leurs alliés dans la faillite économique, financière, sociale, culturelle, éthique, du pays. Ces partis qui, aujourd’hui, appellent au boycott du référendum (Ennahdha, le courant démocratique, Al Joumhouri, Attakatol, parti des travailleurs) ou à voter « non » contre la constitution de Kaïs Saïed, dont Afak Tounes qui l’a franchement annoncé. Sauf que tous ces partis ont perdu du poids depuis le 25 juillet 2021. Leurs descentes dans la rue pour manifester contre la consultation numérique et le projet de constitution de Kaïs Saïed ont été très peu suivies, quelques dizaines, voire quelques centaines de manifestants, avec un impact zéro sur l’opinion publique. Les commentaires soutenant le président Kaïs Saïed et son projet de constitution sont, quant à eux, souvent majoritaires et d’un ton déterminé.
Le désaveu
Peut-on d’ores et déjà stipuler que le « oui » l’emportera le jour du référendum? Pas évident. Le « non » est en train de prendre du volume depuis le 30 juin, date de publication au JORT du projet de constitution de Kaïs Saïed et son désaveu par les constitutionnalistes Sadok Belaïd, président de la commission consultative sur la nouvelle constitution, et Amine Mahfoudh, un des rédacteurs de l’avant-projet de Loi fondamentale remis le 20 juin dernier au chef de l’Etat par le doyen Belaïd. Bien qu’ayant été fortement critiqués, pour avoir accepté de participer à la rédaction de la nouvelle constitution, les deux constitutionnalistes ont lâché une bombe en rejetant totalement le texte de Kaïs Saïed qui « n’a rien à voir avec la copie de la commission consultative » et que le doyen Belaïd juge « dangereux » (Le Monde, 3 juillet 2022). Pour Amine Mahfoudh, « le texte du président doit être revu avant le 25 juillet, sinon si le texte est voté tel qu’il est, avec ses fautes grammaticales et ses articles qui n’ont rien à voir avec le régime démocratique, ce sera une honte ».
Le troisième homme du président dans l’élaboration de la nouvelle constitution est le doyen des avocats, moins déçu et moins choqué que ses collègues, il tempère : « Notre rôle était consultatif, nous savions que le président allait apporter des modifications ; finalement, il y a de bons articles dans le texte de Kaïs Saïed, des convergences avec notre avant-projet et d’autres articles devront et pourront être révisés ». Et le doyen de poursuivre : « A mon avis, il faut que le projet de Kaïs Saïed passe, sinon ce sera le retour de la composante du 24 juillet 2021, c’est-à-dire l’ancienne ARP avec Rached Ghannouchi à sa tête et la constitution de 2014 avec tous ses pièges et le blocage des institutions, c’est le seul scénario juridique légal puisque le « non » signifiera l’échec du processus du 25 juillet 2021 et celui de Kaïs Saïed». Pour Brahim Bouderbala, rien n’est définitif, « les articles et passages du projet de Kaïs Saïed qui prêtent à équivoque ou qui sont refusés par une partie de l’élite et des partis politiques devront être amendés, il faudra faire pression sur le président ».
Positions extrémistes
Au moment où les partis socio-démocrates et les islamistes d’Ennahdha, « les 24 juillettistes », font bloc ensemble contre Kaïs Saïed l’accusant de préparer un système présidentialiste autoritaire dans son projet de nouvelle constitution, d’autres formations plus nationalistes et plus proches de la masse populaire se rangent derrière lui, appelant à voter en masse pour tourner la page de la décennie noire, celle de la démocratie de façade, de l’islam politique et de la grande corruption. Leurs arguments s’appuient sur les points forts du projet de Kaïs Saïed tels que l’interdiction du tourisme parlementaire : le député ne peut plus changer d’un bloc parlementaire à un autre, et de toute activité professionnelle (même privée) parallèlement à la députation pour éviter les conflits d’intérêt.
Rien ne prédit donc de manière tranchée si ce projet passera ou ne passera pas par le référendum du 25 juillet 2022. Outre la forte probabilité d’un taux d’abstention dépassant les 60%, taux relevé lors des précédentes échéances électorales, à l’exception des élections de 2011 au lendemain de la révolution du 14 janvier, et relayés par l’ensemble des sondages politiques de ces dernières années, la division entre les partisans du OUI et ceux du NON est de plus en plus marquée, devenant dans certains cas obsessionnelle et extrémiste. Dans cette catégorie, il y a les partisans inconditionnels de Kaïs Saïed, qui soutiennent sans conteste tout le processus du 25 juillet avec ses décrets présidentiels, sa consultation numérique, son projet de constitution et son référendum, et il y a les irréductibles opposants de Kaïs Saïed, qui rejettent tout en bloc sans distinction. Il s’agit pour les premiers, les « adorateurs », de soutenir le président de la République quelles que soient ses erreurs et ses dérives. Pour les seconds, il faut tout faire, y compris la diffamation et la propagande, pour diaboliser l’homme et faire tomber le président. Le boycott du référendum est leur choix unique dans le seul but de ne pas offrir à Kaïs Saïed le privilège d’organiser un référendum et de le mener à terme sans ambages, ce qui est en soi une réussite.
Le projet de constitution 2022 voulu unilatéralement par Kaïs Saïed est paru dans un contexte de tensions syndicales, de menaces terroristes et de divorce politique entre le chef de l’Etat et une bonne partie de la classe politique. Une vague d’oppositions et de critiques agite l’actualité nationale, suscitée par ce projet qui souffrira d’un déficit de légitimité et d’adhésion que nécessite l’adoption d’une nouvelle constitution même si le OUI l’emporte le 25 juillet. Ce texte n’est en effet ni le fruit d’un dialogue national inclusif, unanimement revendiqué en vain, ni celui du dialogue sélectif consultatif présidé par le doyen Sadok Belaïd à Dar Edhiafa et dont le projet de constitution (copie zéro) remis au chef de l’Etat sans être dévoilé au public a été fondamentalement modifié, selon le professeur Amine Mahfoudh, un des rédacteurs du projet de constitution, qui a confié sur sa page facebook : « Je ne reconnais pas mon fils ».
L’épouvantail du Calife
Il est à juste titre celui de Kaïs Saïed et le même Amine Mahfoudh assurait quelques jours plus tôt à Rendez-vous 9 (Attassiâa TV) que « le projet de constitution est celui de Kaïs Saïed, nous avons fait des propositions, il en fera ce qu’il voudra ». Le bâtonnier des avocats Brahim Bouderbala, qui a présidé la commission des affaires économiques et sociales, l’a confirmé : « Il y a bien eu des changements mais le texte a gardé plusieurs convergences ». Le chef de file de l’ensemble de l’opération d’élaboration de la nouvelle constitution Sadok Belaïd, hospitalisé juste après pour une intervention chirurgicale, n’a pas eu de réaction immédiate, mais sa désapprobation viendra trois jours plus tard pour exploser comme une bombe. Le président de la République a, en effet, changé l’article premier initialement consacré au volet économique et social, rédigé un long préambule à connotation historique que ses détracteurs se sont amusés à rabaisser et surtout éparpillé la question de l’islam et de l’identité arabo-islamique sur plusieurs articles tout en ajoutant des références théologiques et en supprimant celle relative à la civilité de l’Etat. L’alerte est donc lancée : « Kaïs Saïed se prépare à devenir Calife, à instaurer la Charia islamique et à revenir sur les acquis en matière de libertés ». Les détracteurs de Kaïs Saïed n’y ont vu que du feu et espèrent réveiller les vieux démons avec une histoire supposée résolue entre les Tunisiens et les islamistes radicaux. Or, le projet de Kaïs Saïed reconnaît la liberté de culte, de conscience et de croyance. Ce qui prête réellement à équivoque et mérite des éclairages. De la part de qui ? Du président Kaïs Saïed, en principe, mais qui n’explique jamais rien.
Ce chapitre des libertés n’a cependant pas suscité le moindre intérêt, alors qu’il a été repris de la constitution de 2014. Cette mauvaise foi des détracteurs de Kaïs Saïed utilisée pour manipuler l’opinion et la remonter contre lui a aussi un effet sur l’approche individualiste de Kaïs Saïed dans la gestion des affaires de l’Etat et des Tunisiens. Il continue à n’écouter personne et à mener à terme tout ce qu’il entreprend contre vents et marées. Cette approche continue d’ailleurs d’être une source de tension et de bras de fer politiques, syndicaux, judiciaires, depuis l’accession de Saïed à la magistrature suprême en 2019 et davantage depuis le 22 septembre 2021, date de publication du décret présidentiel 117 qui a concentré tous les pouvoirs entre ses mains et qui lui a permis de prendre unilatéralement toutes les mesures-sanctions qui ont suivi.
Les Tunisiens sont plus que jamais divisés en camps adverses et la peur est grande de ce qui va advenir du référendum du 25 juillet. En cas de victoire du « Oui », les anti-Kaïs Saïed promettent de redescendre dans la rue pour protester, ce qui annonce une autre crise politique interminable défavorable à toute relance économique. Dans le cas où ce serait le « Non » qui vaincra, c’est la stabilité du pays et la paix sociale qui seront menacées.