Les propositions de l’ATUGE pour remédier au déficit de 10 Milliards TND

Un webinaire  a été organisé mercredi 28 octobre par le Club Finance de l’ATUGE pour débattre du projet de loi de finances complémentaire 2020 et du projet de loi de finances 2021 actuellement en discussion à la commission finance de l’ARP.

L’objectif de cette rencontre  a été de présenter la philosophie sur laquelle s’est basée l’élaboration de ces projets et comment pourraient-t-ils corriger la situation des finances publiques, relancer l’économie et absorber la pression sociale, indique un communiqué de l’ATUGE qui nous est parvenu.

Une occasion, également, de proposer des pistes d’amélioration ou d’évolution de certains articles, face à un panel composé de Ali Kooli: Ministre de l’économie, des finances et de l’appui à l’investissement ;  Hichem Ajbouni : Député et Membre de la commission finance de l’ARP ; Fatma Marrakchi : Economiste et Walid Ben Salah : Expert-comptable et enseignant universitaire.

Selon la même source, le ministre de l’Economie, des finances et de l’appui à l’investissement a estimé que le projet de la loi des Finances 2021 est réaliste, courageux et volontariste. Selon-lui, « Ce gouvernement a hérité d’une situation déjà très difficile et compliquée, aggravée par une crise sanitaire inédite dont les coûts ont été importants et en dépassement des prévisions. Il se voit donc subir un déficit budgétaire de l’année 2020 déjà acté : la plupart des dépenses constatées  étant des dépenses déjà faites. En effet, une recette de 8 milliards de dinars prévues dans la Loi de Finances 2020 n’a pas pu être collectée et par conséquent ce montant doit être trouvé pour pouvoir boucler le budget de l’année en cours ».

Le recours au financement extérieur n’est pas opportun en ce moment, tout comme la cession de certains biens publics qui demeure une solution de long terme. Le Ministre compte encore sur le support de la banque centrale et son intervention par le mécanisme du financement intérieur du déficit budgétaire.

Le ministre a dans ce contexte  estimé, que le marché financier tunisien dispose de la profondeur nécessaire pour répondre à nos besoins budgétaires additionnels. Il a en outre déclaré que le recours à l’endettement intérieur n’est pas une mesure inflationniste et c’est la pratique la plus commune et la plus utilisée en ce temps de crise inédite par d’autres pays à l’instar de la BCE ou la FED.

Il a aussi rajouté que le dialogue avec tous les partenaires financiers internationaux se poursuit en vue de trouver une alternative.

Enfin, concernant le projet de la loi des Finances 2021, le ministre a souligné que pour la première fois depuis des années, il y a eu une rationalisation des dépenses budgétaires qui se traduit par une baisse de 2% des dépenses publiques. Néanmoins, les dispositions pour rediriger la compensation ne rentrent pas dans le cadre de la LF, nous y travaillerons les mois prochains, afin de cibler l’aide vers ceux qui le méritent.

Toujours selon le communiqué, la majorité des panélistes n’ont pas partagé les propos du ministre. En effet, les conséquences de la levée de fonds de 10 milliards de dinars sur le marché local pourraient être graves. Le recours aux BTA pour ces montants aura des tendances inflationnistes. C’une somme inédite et c’est très risqué de la solliciter en local car il n’y pas assez de profondeur sur le marché local. Cette pratique entrainera l’inflation, aura un effet sur le taux de change et va non seulement dégrader le pouvoir d’achat et déprécier la valeur du dinar mais privera aussi les entreprises et plus particulièrement les PME de financement suite à l’assèchement de la liquidité. Ce qui va réduire l’investissement et la consommation privée.

Hichem Ajbouni a rappelé les propos du Gouverneur de la BCT auditionné le même jour par la commission des Finances à l’ARP qui a déclaré que la BCT pourrait éventuellement accepter de financer 3 milliards TND mais pas plus. D’ailleurs la commission des Finances a demandé au gouvernement de retirer son projet de LFC 2020 et de revoir sa copie.

Selon Walid Ben Salah, la majeure partie de cet argent, soit 4,5 Milliards TND va servir à payer les fournisseurs de l’état et essentiellement deux entreprises publiques ; à savoir la STIR (1,5 Milliards) et l’Office Tunisien des Céréales OCT (1,5Milliards TND). WB s’interroge sur le choix de ces 2 entreprises au détriment des autres firmes publiques et le fait de convertir ces dettes Long terme en les payant tout de suite va créer davantage de l’inflation. Il a aussi rajouté qu’uniquement 5% seront alloué au secteur privé.

De son coté, Fatma Marrakchi a insisté sur la nécessité de pour suivre les réformes déjà initiées par le Gouvernement Chahed pour pouvoir relancer un programme avec le FMI. En effet, un programme avec le FMI aurait un effet d’entrainement sur tous les autres Bailleurs de Fonds parce que la revue du FMI qui épluche et atteste tous les agrégats financiers de la Tunisie est un gage de confiance pour les autres institutions. L’économiste a souligné l’importance d’engager les partenaires sociaux dans ce processus de réformes.

Mme Marrakchi pense que les priorités de l’état doivent inclure la digitalisation de l’administration pour instaurer la traçabilité et permettre à l’état d’augmenter ses ressources, le système de compensation qui doit se transformer en cash transfert et enfin la gouvernance des entreprises publiques à l’instar de ce qui a été fait avec les banques publiques

Walid Ben Salah reproche à l’état de ne pas jouer correctement son rôle de contrôle fiscal, ni d’accomplir son devoir de recouvrement aves des créances fiscales impayées qui ont atteint 10 milliards TND dont 3,5 milliards TND sont des créances recouvrables tout de suite. L’Expert-comptable s’interroge également sur l’augmentation du montant de la compensation allouée aux céréales qui passe de 1,3 milliards TND en 2020 à 1,8 Milliards TND en 2021. Ce dernier a également rappelé que 5 milliards TND sont actuellement alloués à la Tunisie par des bailleurs et ne sont toujours pas décaissés à cause de la bureaucratie.

Enfin, tous les intervenants étaient d’accord sur la proposition suivante pour remédier à ce déficit de 10 Milliards TND :

  • Revoir les priorités des dépenses programmées pour un montant de 4 milliards TND : Est-ce nécessaire de combler les déficits des entreprises publiques aujourd’hui ? Dans l’attente de restructurer ces entreprises, on peut temporiser et leur trouver une solution en rééchelonnant leurs dettes avec le secteur bancaire
  •  Prendre les 3,5 milliards de la BCT mais sous forme de facilité de Caisse sur 6 mois auprès de la BCT, sans pour autant toucher aux statuts de la BCT et amender l’article 25
  •  Pour le reste des 3 milliards : on peut les avoir à travers une amnistie, à travers le recouvrement, à travers la vente des participations de l’Etat dans les entreprises non stratégiques, et à travers le changement des billets de banque.

 

 

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