Les réformes économiques, une urgence

Les réformes économiques sont essentielles aux systèmes économiques modernes. Elles leur permettent d’effectuer des changements de politiques publiques et institutionnelles nécessaires à une plus grande efficience et à une meilleure allocation des ressources afin d’enregistrer un niveau de croissance élevé et une satisfaction des besoins des populations. Le mouvement des réformes dans le monde s’est accéléré pour répondre à une économie globale en pleine transformation et en ébullition. La Tunisie a rejoint ce mouvement et a entamé depuis la Révolution une série de réformes importantes pour sortir des rigidités qui ont marqué notre système économique lors de la dernière décennie avant la Révolution. Ces changements ont été entamés de manière timide pour s’accélérer ces derniers mois et « basculer » dans les réformes pour utiliser les termes de M. Chedly Ayari, le gouverneur de la Banque centrale.

Les réformes se sont également accompagnées d’un important débat public sur leur contenu, les différentes options à mettre en œuvre ainsi que les difficultés à les mettre en place. C’est dans le cadre de ce dialogue public que s’inscrit la journée de réflexion organisée par l’IACE dans le cadre du Tunisia Economic Forum du 13 mars 2014. Une journée couronnée de succès par la qualité des participants, avec notamment l’ouverture par le Chef du gouvernement Si Habib Essid, la présence de ministres, d’universitaires et d’hommes d’affaires. Cette session a été également un important succès par la qualité du débat sur l’actualité des réformes. Mais, il faut aussi mentionner l’excellent document présenté par les collègues universitaires Sofiène Ghali, Sami Mouely, Rassem Mehdi et Sami Rezgui et que l’IACE a appelé le livre blanc sur l’économie politique des réformes.

Or, s’il y a un consensus sur la nécessité et l’urgence des réformes afin d’adapter de manière régulière le système économique et lui permettre d’accroître son efficience afin de répondre aux transformations du monde global, la question qui se pose est la difficulté de leur mise en place. Cette réflexion sur les blocages n’est plus une question technique et la littérature économique récente met l’accent sur l’imbrication entre le politique, l’économique et le social. Ces analyses ont été à l’origine du développement d’un champ important dans la réflexion économique appelée l’économie politique des réformes.  Plusieurs raisons ont été évoquées par les nouveaux théoriciens d’une discipline en vogue pour comprendre les entraves qui sont à l’origine des retards et parfois des reculs dans les mouvements de réforme. Le premier concerne l’incertitude sur l’impact et les résultats des réformes et particulièrement la distribution des gains et des pertes entre les différents groupes sociaux. Cette incertitude est à l’origine de l’opposition des perdants qui exigent des compensations et laisse les futurs gagnants plutôt discrets. Une autre source de difficulté est liée à la fragmentation et à la polarisation politique ou sociale qui ne favorisent pas la recherche de consensus nécessaire aux réformes. Les groupes d’intérêts et particulièrement les secteurs sociaux qui bénéficiaient de situations de rentes vont résister aux réformes. Enfin, il faut aussi souligner dans bien des pays des faibles capacités de l’Administration à mettre en place et à exécuter les réformes.

La seconde question au cœur des échanges concerne l’exécution des réformes. A ce niveau, il faut d’abord souligner les questions de méthode. Faut-il opter pour la thérapie de choc ou par l’application graduelle. Même si les bienfaits du big bang sont soulignés, les méthodes progressives semblent plus favorables à la formation des consensus nécessaires à la conduite des réformes. D’autres questions sont également au cœur du débat sur les moments propices de la mise en place des réformes : faut-il les impulser en période de crise ou plutôt en période de prospérité ? Une autre question est liée à la séquence des réformes et là un consensus semble se dégager sur la priorité aux réformes de nature à stabiliser et à assainir l’ordre macroéconomique avant de se lancer dans les réformes structurelles de long-terme.

Une troisième question concerne le financement des réformes économiques, particulièrement dans les pays en développement. Car les réformes coûtent cher, notamment lorsqu’il faut compenser les perdants ou les manques à gagner pour les finances publiques suite aux réformes fiscales ou les ressources nécessaires à la recapitalisation et à la restructuration des banques. A ce niveau, un consensus semble également se dégager sur l’importance de maintenir un équilibre entre le financement interne, notamment par le budget de l’Etat, et le recours aussi aux institutions multilatérales ou bilatérales qui appuient les réformes globales ou sectorielles.

Les réformes sont aujourd’hui un pilier essentiel dans la transformation des économies modernes et l’amélioration de leur efficience afin de générer une croissance plus forte et de mieux s’adapter à l’économie globale. La Tunisie a entamé un programme ambitieux de réformes notamment dans les domaines bancaire et financier, fiscal, des subventions et bien d’autres réformes sectorielles. Ces réformes sont rapidement devenues une constante dans les politiques économiques des différents gouvernements depuis la Révolution. Ce mouvement devrait probablement être plus coordonné et nous devons évaluer ses performances afin d’apporter les corrections nécessaires.

Mais, ces réformes sont aussi une urgence qui nécessite la mobilisation de tous les réformateurs afin d’en faire un pilier essentiel de la transition économique de notre pays et la construction d’un nouveau modèle de développement. Alors réformateurs d’ici et d’ailleurs unissez-vous !

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