LES RESIDUS DE LA DICTATURE

Zouhair Ben Jemaa

Cette fois, la leçon a été reçue cinq sur cinq par les responsables politiques, et la marche pacifique organisée par les Sfaxiens pour hurler DEGAGE à la SIAPE est une grande réussite : de part le nombre, plus de cinq mille personnes, et de part le symbole, toutes les grandes figures de la capitale du sud ont répondu à l’appel. Mais la vedette de cette belle marche était sans conteste la jeunesse qui a excellé par son énergie, sa fermeté et son organisation ! Les banderoles n’étaient pas encore rangées que le Directeur de la SIAPE est allé attiser encore davantage les tensions sur le plateau de la TV nationale et persister dans l’arrogance du groupe qu’il représente pour narguer les citoyens de Sfax en confirmant que l’usine de la mort qu’il dirige continuera de fonctionner, que son patriotisme lui dicte de protéger les 400 emplois existants, qu’il était en possession d’une étude de l’Agence de l’Energie Atomique qui atteste que la SIAPE était NEC plus ultra, et là où le toupet atteint l’insupportable, c’est quand une doctorante en art s’est plainte sur le même plateau où se trouvait ce pseudo responsable, de maltraitance subie par trois videurs de la SIAPE alors qu’elle peignait en face de l’usine, ils l’ont retenue pendant plus de trois heures, détruit son travail de peinture et exigé que la police du coin dresse un PV et fasse signer de force un engagement par la victime pour ne plus approcher les environs de l’usine pollueuse tueuse, ils lui ont rappelé que la SIAPE a le même statut qu’une caserne. Et devinez quelle fût la réaction du torse bombé ? Et bien il a félicité ses gaillards en rappelant que les risques du moment exigeaient une prudence totale, nous voilà informés que le directeur de la SIAPE est chargé de nous protéger contre l’insécurité culturelle ! Mais revenons au cœur du problème et rappelons la vérité que beaucoup de responsables essaient de cacher.

D’abord, il faut peut être rappeler l’article 45 de la constitution qui garantit aux citoyens un environnement sain. Ensuite il faut mettre sur la table l’étude réalisée par la COMETE en 2008 pour le compte du ministère de l’environnement et qui confirme que la SIAPE dépasse de beaucoup toutes les normes de pollution admises ! IL faut rappeler les sondages effectués sur des profondeurs allant de 25 à 150 mètres et qui ont tous confirmé l’existence du cadmium, un poison des plus cancéreux. Il faut rappeler que la SIAPE possède plusieurs unités de production, et switcher l’activité de SFAX qui ne fonctionne qu’à 10 % de ses capacités ne lui causera aucun problème logistique si ce n’est le coût de dépollution qu’elle cherche à éviter par tous les moyens, surtout que les autres usines de la SIAPE disposent elles,des installations de protection de l’environnement. Ce même responsable a reconnu sur une antenne radio que son usine produit du SSP, et reconnu que ce produit est polluant et que cette activité a été pratiquée sans autorisation de l’ANPE. La manipulation du phosphogypse est interdite par la loi tunisienne car ce produit est classé sur la liste A et représente un danger de radioactivité pour tout ce qui vit, et seule une autorisation du ministre de l’environnement en personne pourrait permettre l’utilisation de ce produit, et là notre ministre n’a jamais signé un tel document ! Il faut donc rappeler que la SIAPE se comporte comme un contrebandier qui agit sans respecter la loi : il n’y a pas besoin d’outils précis pour constater ce que la SIAPE déverse dans la mer comme déchets toxiques, ce qu’elle libère comme fumées chargées de métaux lourds, ce qu’elle libère en plein centre ville dans le port de Sfax comme quantités de souffre perdu lors du chargement par des ouvriers aux mains et aux visages nus et qui s’évaporent pour aller se loger dans les poumons des innocents, il faut rappeler qu’un plan social a été élaboré par le groupe chimique en 2010 lorsque la décision de fermeture avait été prise, et ce plan était comme suit :

-100 % de retraite pour tous ceux ayant 50 ans et plus et ayant 20 ans de service.

-Un laboratoire pour tout le groupe chimique d’un investissement de 30 Millions de dinars devait embaucher un bon nombre de cadres.

-Une usine mécanique pour la fabrication des pièces de rechanges pour tout le groupe devait également embaucher une autre partie.

Le restant des ouvriers devaient être transférés à la SKHIRA. Il faut rappeler enfin qu’il existe une relation entre le groupe chimique et des lobbies externes qui se résume par la fameuse expression « tu me tiens, je te tiens par la barbichette ».

Le drame de cette histoire, c’est que des grands fonctionnaires de l’Etat osent tourner le dos à un plan régional de développement qui a été identifié, étudié et retenu par la société civile et qui promet de créer deux cent mille emplois sur les 18 km de côte souillée par la SIAPE, et par les diverses décharges publiques qui l’entourent. Est-ce possible qu’après une révolution pour la dignité, les gouvernements successifs ne s’intéressent pas à une manne aussi prometteuse que le littoral, en tuant l’esprit d’initiative dont regorge SFAX, ce qui se lit comme une trahison aux espoirs de ses jeunes ! Vous comprenez maintenant pourquoi le tourisme n’a jamais concerné SFAX, bien que se trouvant sur la côte comme Sousse, Hammamet et Nabeul. La logique la plus élémentaire, voudrait que l’on libère cette réserve foncière pour réactiver, port, aéroport et toutes les formes de transport pour redonner espoir à cette jeunesse frustrée et qui a besoin d’un idéal auquel croire. Je ne crois pas avoir entendu le gouvernement actuel reconnaître à la société civile le droit de participer au développement de sa région. Mais on a par contre entendu que cette fois c’est juré, on ne recommencerait pas les erreurs du passé, nos responsables continuent à ne pas prendre la mesure d’une opinion qui les désavouent chaque jour un peu plus !

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