Les terres domaniales, une gestion déplorable

 

Les terres domaniales constituent un patrimoine économique national d’une grande valeur par son étendue vaste et la richesse de ses potentialités de production.
Malheureusement, ces terres sont sous-exploitées et mal gérées pour diverses raisons depuis toujours. En effet, l’Office des terres domaniales (OTD) qui gère l’immense majorité de ces fermes n’a plus ni les moyens humains ni les moyens financiers pour en tirer un profit maximum. Or, il s’agit des terres les plus fertiles du pays qui ont été plantées et équipées par les colons français à l’époque. L’Etat tunisien ne dispose pas des capitaux nécessaires pour mettre en valeur et investir dans l’intensification des systèmes de culture et d’élevage exploités de façon illégale. 70.000 ha de terres domaniales échappent à la maîtrise de l’État selon les déclarations des responsables.
Certes, l’Office déploie des efforts pour gérer au mieux les terres organisées sous forme de fermes autonomes.
Mais, il y a lieu de constater que souvent les étables et les écuries tombent en ruine faute de maintenance tandis que les parcs de machines ont vieilli et rouillent, exposées aux intempéries. Deux solutions ont été trouvées pour “améliorer le quotidien des terres domaniales”, les SMDA d’une part et d’autre part la vente des petits lopins pour les techniciens et les ingénieurs. Les sociétés de mise en valeur et de développement agricoles (SMDA) sont un instrument théoriquement efficace et rationnel pour exploiter de façon optimale ces terres en consentant les investissements nécessaires pour optimiser les revenus sans pour autant aliéner le caractère national et communautaire des ces terres, récupérées sur la colonisation après la guerre de Bizerte. Une relation contractuelle sous forme de cahier des charges doit nécessairement lier les deux contractants pour donner un cadre juridique à l’opération.
Il y a la délicate question de la fixation du montant des loyers qui ne doit pas être arbitraire ni symbolique mais par voie d’appel d’offres, ce qui serait le plus judicieux.
Les problèmes soulevés par les SMDA sont doubles, comment sélectionner les titulaires de ces contrats ? Ensuite comment contrôler le respect des engagements pris par les bénéficiaires et éventuellement déboucher sur des ruptures de contrats pour défaillances de l’exploitant ?
Manque de moyens et laxisme sont à déplorer de la part des responsables.
Avant la Révolution, le système d’exploitation des terres domaniales était entaché de corruption et de favoritisme avec des abus multiples et variés, sans appels d’offres, avec des montants de loyers dérisoires, non-respect des engagements ni investissements réels.
Au lendemain de la Révolution, la situation a empiré, avec dilapidation des actifs des fermes louées par les SMDA, occupation des fermes de façon illégale par des personnes physiques sans titre ni raison sociale, non-paiement des loyers…
Le cas de l’oasis de Jemna est un cas très intéressant à analyser dans la mesure où il a valeur d’exemple et de symbole.
Il s’agit d’un groupe de citoyens qui se sont organisés sous forme d’une association de protection de l’oasis de Jemna pour exploiter 85 ha appartenant à la STIL (Etat) complantés de palmiers dattiers, prendre soin des arbres et des récoltes, employer et payer 150 ouvriers permanents durant plus de cinq ans. Tout cela sous couvert d’absence de l’Etat de droit et de non-responsabilité des pouvoirs publics.
A l’actif de l’association, une bonne gouvernance et une entente cordiale qui ont permis de sauver l’oasis de la disparition et environ 5 millions de dinars de revenus en cinq ans et même un rôle actif et positif dans le domaine social et culturel au service de la population : financement de la construction d’une école et d’un dispensaire, sponsor des équipes sportives,…
Les domaines de l’Etat et l’Office des terres domaniales seraient restés silencieux et inactifs durant toutes ces années. Pourquoi ?
Là où le bat blesse, c’est que cette association n’a aucune qualité juridique pour exploiter l’oasis, aucun contrat et n’a pas payé de loyers à l’Etat.
L’approche d’une récolte-record en août 2016 et l’annonce d’une vente aux enchères de la récolte sur pied qui risquait d’être juteuse (elle a rapporté 1,7 million de dinars contre 500.000 d’auparavant), a réveillé toutes les convoitises dont celle du secrétariat d’Etat aux Domaines de l’Etat qui a mobilisé pour une fois l’appareil de la justice.
Sans parler des députés et des partis politiques qui cherchent par leur présence, épisodique et circonstancielle, à récupérer sur le plan local et même national un événement hyper-médiatisé.
Le produit de la récolte pourrait être considéré comme le fruit du labeur d’une association de personnes qui devrait être officialisée sous forme de statut d’une coopérative.
Il serait judicieux et opportun que cette expérience-pilote soit considérée comme une exception et régularisée dans le sens de la conclusion d’un contrat de location en bonne et due forme avec fixation d’un loyer à payer avec des arrières sur cinq ans, montant à fixer par une commission d’experts.

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