Les tombeurs du djihadisme impénitent

L’E.I progresse à la vitesse du lièvre, car il arrange tout le monde à l’instant même où chacun le combat du bout des lèvres. Mais comment tarir les sources financières du djihadisme devenu puissant et omniprésent ?

La question de l’économiste compétent et au-dessus de tout soupçon, donne lieu à des formulations opératoires au plan du savoir et opérationnelles en termes de stratégie militaire.
Au voisinage de ce langage prospère un autre genre de vocabulaire. Le style métaphorique plaque sur le djihadisme une série d’images au premier rang desquelles figurent le « cancer », « l’hydre », la « nébuleuse », « la pieuvre » ou le « cerbère ». La teneur pathétique de l’optique poétique a ses raisons, mais elle n’ajoute presque rien à l’élucidation de la confrontation par la compréhension et l’explication.
A l’origine de la guerre était une vérité amère et occultée. Une incompatibilité radicale oppose les prescriptions théocratiques aux codifications démocratiques. Distinguer une religion pacifiste et une religion belliciste engage sur les chemins d’une interprétation bien triste. En dépit du compromis allemand, cas extrême de la tarte à la crème, la démocratie n’est pas chrétienne et la chrétienté n’est pas démocratique. La papauté ne saurait bénir l’IVG sans déplaire à sa divinité. Alter-ego de ses devanciers l’islamisme suit le même sentier ouvert par le judaïsme avant le christianisme. Un seul verset coranique, parmi bien d’autres suffit à débusquer le maquillage de l’évidence cachée : « Waylon lilmousallina alladhina hom an salatihim sahoune », l’enfer attend les oublieux de leur prière. Mais alors que dire des nombreux ou millions de Tunisiens musulmans qui, par choix, ne prient pas ? Une fois éludés l’hypocrisie et les faux-semblants voici donc l’origine du Takfir, voici donc la source ultime de la guerre longue, meurtrière. Voici donc pourquoi Ennahdha monte à l’assaut des autorités accusées, par les autoproclamés gardien du temple, de limoger les prédicateurs surpris en flagrant délit d’appel au djihad la sacro-sainte guerre livrée, ça et là, pour l’implantation de califat. Le Chaambi renvoie l’écho de ces cris jusqu’ici demeurés impunis par une loi soumise à l’abominable Troïka.
Pour contourner la guerre civile, Ghannouchi, le pragmatique, brouilla les cartes islamiques mais Abou Iyadh et Baghdadi jouent eux, franc-jeu. Chacun le voit, ces deux messieurs ne louvoient pas, ils guerroient. Et c’est pourquoi leurs contradicteurs frontaux et sans peur ont, pour noms, Jamel Abdennasser, Bourguiba, Mohamed Médiène, et Abdel Fateh Al-Sissi. Le premier sabra ses Frères musulmans, le second réclama les têtes grimpées au sommet d’Ennahdha, le troisième dégagea le FIS vainqueur des élections et le dernier osa liquider Morsi, le taciturne, à la barbe des urnes.
Sans façon, Marzouki le défend. Que signifient ces conflits ? Entre les tenants de l’univers céleste et les partisans de l’humaine condition le compromis aboutît à l’incontournable chienlit.
Pour les nahdhaouis, soudain surpris par un moment de masque retiré, limoger les prédicateurs, par définition un brin djihadistes, c’est attaquer, de front la religion. Au fond et à leur insu, ils ont bien raison au sens où l’inquisition ne réside presque jamais des promus propagateurs de la Vérité absolue.
Chercher l’oiseau rare et peu enclin à l’absolutisme parmi les espèces d’islamismes entraîne le tenant de l’investigation au pavillon des syllogismes.
Maintenant le sens du réel ouvre enfin, les yeux sur le califat libyen d’où mûrit et rugit le projet d’envahir la Tunisie.

Le temps long de l’inquisition
Pourtant, sous le couvert de la religion révélée, des massacres et des atrocités sans nom redoublent de férocité. Pour garder ses illusions contre vents et marées, face à l’outrance déchaînée, il faudrait continuer à cultiver une bonne dose de naïveté saupoudrée de cécité.
Au judaïsme bon enfant, les territoires occupés infligent un démenti cinglant. Au christianisme enfant de chœur, l’identité israélo-américaine adresse un bras d’honneur. A l’islamisme opposé au takfirisme, les bruits de bottes passent les menottes. Lucide et homme d’Etat, Bourguiba n’hésita pas. L’homme du CSP, avant de recevoir une balle au front, tire sur les grands-parents de la décapitation. Pris entre l’enclume et le marteau, Ghannouchi, le grand manitou, biaise avec BCE, mais il ne saurait berner l’allégeance d’Abou Iyadh à l’émir autoproclamé.
Pour toutes les espèces d’islamismes, dites modérées ou enragées, le plus petit commun dénominateur demeure la charia et avec le droit on ne badine pas. A la fin de sa « généalogie de la morale » Nietzche, le véridique écrit : « pour construire un sanctuaire il faut qu’un sanctuaire soit détruit. C’et la loi ». Marx n’est plus là mais ses fils infidèles à ses ficelles proclament aujourd’hui : « Islamistes de tous les pays unissez-vous ». Ainsi guidés par nos catégories de pensée, commençons donc par démolir les temples de Banias en Afghanistan, les monuments de l’antiquité à Palmire conquise en Syrie et les plus modestes mausolées de Tunisie. Pour ma part j’ai eu l’occasion d’admirer, avec Abdelaziz Driss, le directeur des musées nationaux, les superbes merveilles de Palmire. Les fous de Dieu peuvent briser la pierre mais parviendront-ils à bannir le souvenir ? Il faudrait alors décapiter l’humanité après avoir assassiné le directeur du musée.
Le takfir pourchasse l’homme et son œuvre. Il dresse un mur face à l’émancipation, tombeau du sectarisme et berceau de l’universelle fraternisation.
Arme suprême de l’inféodation par voie d’accusation, le takfir subdivise les hommes entre les bons et les méchants. Par cet esprit de caste, il diffuse une atmosphère de chasse aux sorcières. La mise en relation du champ religieux, ainsi labouré, avec les autres paliers de la vie sociale est au principe de l’inquisition dite salafiste. Pour ne citer qu’un exemple voici comment procède l’infiltration de la religion dans le secteur judiciaire là où les élus de la campagne et de la ville parlent d’Etat civil. Ahmed Smaoui comparaissait devant la justice pour son opposition politique. Lors de la séance transmise, en direct, à la télévision nationale, son juge revient à la charge, trois fois, pour sommer le présumé coupable pour énoncer à haute et intelligible voix l’aveu de son incroyance en Dieu. Jusqu’aujourd’hui, le takfir, dit ou non dit, sévit.

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