Depuis maintenant plus de quatre mois, le pays vit au rythme du discours guerrier développé par la Centrale syndicale, dont le secrétaire général est en train d’arpenter toutes les régions du pays pour mobiliser ses adhérents et tenir des meetings au cours desquels le gouvernement est constamment mis à l’index pour son incompétence, son inaptitude à gérer les affaires du pays, sa soumission au diktat du Fonds monétaire international et son obstination à tourner en dérision les demandes légitimes, cette fois-ci, des fonctionnaires consistant à leur accorder des augmentations salariales substantielles propres à leur permettre de faire face au renchérissement du coût de la vie.
Ce qui étonne le plus, dans cette nouvelle bataille engagée par l’UGTT, c’est l’image qu’elle est en train de refléter, celle d’un pays sur le pied de guerre et qui, à défaut d’une solution de dernière minute, risque de sombrer dans l’anarchie, voire l’irréparable.
Dans tout ce qui est en train d’être entrepris, aucune place n’est donnée à un dialogue serein, ni à la recherche d’un compromis qui tient compte de la situation difficile que connaît le pays et des intérêts des employés de la fonction publique, notamment.
En lieu et place, on a eu constamment droit à un discours hargneux, tendu, voire même vindicatif. Le dérapage sémantique du secrétaire général de la Centrale syndicale est symptomatique de la dérive grave que connaît depuis un certain temps l’UGTT qui, pour imposer sa loi et ses vues, ne recule pas à user de tous les moyens, y compris ceux que la logique refuse et que la sagesse interdit. En s’attaquant frontalement au gouvernement et en refusant constamment les solutions de compromis, la Centrale favorise le bras de fer, consciente de l’affaiblissement de l’Etat et, par ce biais, il lui sera possible d’arracher ce qu’elle réclame au détriment de tout bon sens, des intérêts du pays et ceux des adhérents qu’elle est censée défendre. Conformément à cette logique implacable du tout ou de rien, toutes les règles sont bafouées. Au diable les équilibres macroéconomiques du pays, au diable la survie des entreprises et au diable les réformes essentielles, la Centrale syndicale se fourvoie inconsciemment dans un dogmatisme hallucinant, dans une logique par l’absurde et ne recule pas à porter préjudice à la sécurité du pays et sa stabilité, il est vrai précaires par ces temps de fortes turbulences et de lancinants questionnements. Au fur et à mesure que la date du 17 janvier approche, décrétée par la Centrale ouvrière journée de grève générale dans la fonction publique, la tension ne cesse de monter et il est fort à croire qu’à force de chercher à allumer le feu, l’UGTT court le risque de se trouver dans l’incapacité de faire face à une situation qui pourrait plonger le pays dans l’anarchie et la violence.
Manifestement, dans sa guerre contre le gouvernement, qui ne date pas d’aujourd’hui, Noureddine Taboubi est en train d’entraîner la Centrale syndicale dans un terrain vaseux, dans un combat qui n’est pas le sien, en la glissant dans le terrain politique et en la déviant de l’esprit et de la lettre tracés depuis longtemps par feu Farhat Hached.
En effet, quand l’intérêt du pays, sa stabilité et sa sécurité exigent des solutions de compromis, il devient hasardeux de franchir certaines lignes rouges, celles qui peuvent provoquer un embrasement social et produire le contraire de ce qui est demandé. Est-il loisible aujourd’hui d’accorder des augmentations salariales substantielles, comme se plaît à répéter à tue-tête Noureddine Taboubi, aux fonctionnaires quand les caisses du pays sont vides et qu’à tout moment, le risque d’une banqueroute n’est pas écarté ? N’a-t-on pas déjà, hypothéqué les générations futures par cet esprit revendicatif excessif ? L’UGTT n’assume-t-elle pas une part de responsabilité dans la situation calamiteuse que traversent les entreprises publiques devenues ingérables par l’omnipotence de syndicats de plus en plus voraces et incontrôlables ?
L’UGTT, qui a reçu le prix Nobel de la paix pour sa contribution au dialogue national, est-elle en train de perdre tout sens d’orientation en se prévalant en tant que force politique omnipotente, de son statut d’organisation nationale au passé glorieux qui a obligation et devoir de rester à l’écart du jeu politique ?
A entendre leurs discours enflammés, les responsables syndicaux promettent le pire, avançant avec une insoutenable légèreté que la situation pourrait dégénérer. Les arguments qu’ils développent marquent la disparition de tout sens de la mesure, de responsabilité, en soutenant qu’ils ne pourraient pas éventuellement maîtriser une situation dont ils sont les instigateurs.
“L’UGTT ne sera pas responsable de ce qui pourrait arriver”, répètent-ils à satiété, se refusant de reconnaître que ce qu’ils sont en train de faire est une véritable déclaration de guerre, dans un pays éprouvé par huit années d’instabilité, d’agitation sociale et de lutte contre le terrorisme. n