Les vaccins anti-Covid sont-ils vraiment adaptés aux variants ?

Nouveau variant ou non, il y a de bonnes chances que votre prochaine dose de vaccin dans les semaines qui viennent soit destinée à vous protéger contre la souche historique du virus et non contre le variant Alpha, Delta ou même Omicron. Depuis le début des campagnes de vaccination, les firmes pharmaceutiques le répètent à l’envi : la technologie de l’ARN messager, utilisée pour ces nouveaux vaccins anti-Covid, permet de s’adapter rapidement à de nouvelles formes du SARS-CoV-2. Pourtant, jusqu’à présent, ce sont bien les vaccins développés sur la première forme de ce coronavirus qui sont injectés.
Pour lutter contre le Covid-19, c’est la séquence de la souche historique, celle découverte à Wuhan en Chine, qui a servi de base pour la mise au point des vaccins. Et l’arrivée des variants suivants, pourtant de plus en plus contagieux, comme l’Alpha (découvert en Angleterre) et surtout le Delta (découvert en Inde et aujourd’hui devenu majoritaire dans les contaminations mondiales), n’a pas changé la donne. « On a tous entendu qu’il fallait une centaine de jours pour adapter les vaccins, pourtant le variant Delta circule depuis plus longtemps que cela et les vaccins adaptés n’ont pas été distribués » s’agace Bruno Canard, directeur de recherche au CNRS et qui estime qu’il est désormais « temps » d’injecter des vaccins visant spécifiquement ce variant.
*Un variant capable de contourner le vaccin ?
Les laboratoires n’ont pas laissé de côté ces nouvelles versions du virus pour autant. Pfizer a déjà créé par le passé deux nouvelles versions de son vaccin en moins de cent jours, contre les variants Delta et Bêta, mais elles n’ont finalement pas été utilisées, ni produites à grande échelle. « La raison principale est que le vaccin initial restait la voie la plus facile et la plus avantageuse », estime Bruno Canard. Plusieurs études ont montré une baisse de la protection conférée par les vaccins contre l’infection après l’arrivée des variants, mais la protection contre les formes graves de la maladie, elle, reste forte. Cet été encore, le PDG de Pfizer déclarait ainsi qu’il n’était « pas encore » nécessaire d’adapter le vaccin face au variant Delta, estimant que la formule initiale complétée d’un rappel était « tout à fait suffisante ».
‘arrivée du variant Omicron, découvert il y a quelques semaines en Afrique du Sud, pourrait bousculer ces certitudes. Avec un nombre record de mutations sur la protéine « Spike » du virus, soit celle qui lui permet de s’accrocher et de pénétrer au sein des cellules humaines, cette nouvelle souche a été classée comme « préoccupante » par l’Organisation mondiale de la Santé. Elle posséderait ainsi de quoi contourner théoriquement la protection vaccinale. « Il ne fait aucun doute qu’Omicron est efficace pour réinfecter les hôtes immunisés car il devrait être moins bien reconnu par les anticorps neutralisants en raison du grand nombre de mutations dans la protéine S », expliquait sur Twitter François Balloux, épidémiologiste et directeur de l’Institut de génétique à l’University College de Londres.
*Deuxième niveau d’immunité
Cette hypothèse a poussé les laboratoires à se pencher une nouvelle fois sur une mise à jour de leurs vaccins. Pfizer/BioNTech, Moderna, et Johnson & Johnson (J&J) disent travailler sur une nouvelle formule. Pour cela, il faudra avant tout s’assurer que ce variant entraîne une importante baisse de la protection des vaccins. Mais « si le vaccin (actuel) protège moins et que nous avons besoin de créer un nouveau vaccin, nous avons commencé à travailler dessus, nous avons fait notre premier modèle d’ADN, qui est la première étape du développement d’un nouveau vaccin », a expliqué Albert Bourla, le PDG de Pfizer. Au besoin, « en 95 jours, nous aurons le nouveau vaccin » contre Omicron, a-t-il assuré. Les nouveaux vaccins devront alors cibler les parties de la protéine Spike sur laquelle les mutations sont apparues et s’assurer que les anticorps produits par un vaccin soient capables de neutraliser les Spikes mutées.
Il est encore un peu tôt pour savoir réellement si ces vaccins nécessiteront une adaptation face à Omicron. « Compte tenu du peu de données que nous avons sur ce variant, tout se fait au doigt mouillé actuellement », prévient Bruno Canard. Les autorités espèrent pour l’instant que la vaccination de rappel permettra, grâce à la forte remontée des niveaux d’anticorps neutralisants qu’elle induit, de contrer les effets les plus dévastateurs du virus. Enfin, les anticorps ne sont pas la seule voie de défense de l’organisme, les spécialistes soulignent aussi l’importance de l’immunité cellulaire, une seconde ligne de défense, capable d’éviter les formes graves. « Notre conviction est fondée sur la science : si un virus parvient à s’échapper du système immunitaire, il peut éviter les anticorps neutralisants, mais il existe le deuxième niveau de réponse immunitaire qui protège d’une maladie grave : les lymphocytes-T, et il lui sera difficile d’échapper complètement à ceux-là », détaillait ainsi dans une interview au Wall Street Journal, Ugur Sahin, le cofondateur du laboratoire BioNTech.
(L’Express)

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