Les visiteurs du printemps

Par Alix Martin

 

Vite, dépêchez-vous, si vous ne l’avez pas encore fait, de profiter des toutes prochaines semaines pour aller admirer «l’explosion printanière». Tout chante, tout vit, tout embaume, même la brise, chargée des secrets des nids et des tanières, se fait plus douce.

Venez vous promener le long de la côte nord du Cap Bon. Vous en profiterez pour repérer les plages que vous fréquenterez bientôt.

 

L’histoire en passant

Nous quittons «la fureur de vivre» en approchant de Soliman. Pour ne pas manquer de nous souvenir que ce bourg a été fondé par les Andalous au XVIIe siècle, puisqu’il est encore tôt, nous irons prendre un café dans le cœur de la cité, au pied d’un beau minaret, à proximité d’une fontaine vraiment curieuse.

Puis, nous reprendrons notre escapade, en regrettant que des haies hautes et touffues nous cachent la campagne environnante. Seuls des amoncellements de cageots d’oranges signalent qu’ici, les agrumes sont rois. Là-bas, à gauche, se dressent les collines de Korbous Aquae Calidae Carpitanae antique que nous «négligerons» aujourd’hui. Nous traversons la tranchée sèche de l’Oued Bezirk qui n’est plus un «cours» d’eau depuis qu’il a été emprisonné derrière un barrage.

Allez, vite ! Dépassons Takelsa pour arriver enfin dans la «campagne», même si elle est encore très humanisée : les rangées de pieds de vigne et les alignements d’oliviers ne laissent que les talus fleuris à la «nature..

Dans un grand virage, nous traversons l’Oued El Abid et nous roulons au pied du Djebel Sidi Abderrahmen, en pensant à la plage magnifique de R’tiba.

Attention, c’est à partir de là qu’il faudra faire des choix ou tout simplement de multiples haltes. L’histoire, on ne la retrouvera qu’à la hauteur de Tazoghrane, au nom berbère, qui recèle non seulement le mausolée de Sidi Maaouia, le fils, mais aussi le dolmen consacré à «Lella Mliha». Puis, on pourra faire un crochet pour aller saluer Sidi Daoud qui repose sur les vestiges de Missua antique, riche et prospère comme ses voisines Mraïssa (Bir Jedi) / Siminina et Dagla toute proche. La fabrication et l’exportation du garum : condiment à base de poisson aromatisé et macéré salé, les avaient enrichies comme El Gueria, qui pourrait avoir été Aquilaria antique : la ville de l’Aigle ?

Quelques kilomètres plus loin, on arrive à El Haouaria qui serait l’antique Hermaea en souvenir d’Hermès qui patronnait peut-être le «beau promontoire» Et au bout de la route, sur la colline qui domine la plage, un fort carthaginois, le seul du pays, fait encore le guet, comme son voisin un fortin ottoman. Au bout du Cap Bon, au ras de l’eau, ici transparente, au pied d’arêtes rocheuses ocre qui s’y noient, les vestiges d’un temple consacré à Ashtart subsistent encore.

Aujourd’hui, nous avons vraiment évoqué l’Histoire, en passant : les envoyés du printemps nous attendent.

 

Les belles des champs

Pour une fois, roulez lentement et regardez autour de vous, au lieu de «voir» seulement ! En cette fin d’avril, elles sont toutes là ! Vous n’avez pas pu ne pas remarquer les explosions d’or des mimosas qui sont à la forêt ou aux haies ce que sont dans les champs ces nappes dorées de marguerites qui ont succédé aux oxalis d’un jaune acidulé et qui se mêlent aux ombelles tirant sur l’orange des grandes férules alors que celles des fenouils sont plus discrètes et moins colorées.

Si vous vous êtes arrêtés, vous avez évité de vous approcher des étoiles blanches des asphodèles qui sont la parure des terrains pauvres, mais dont l’odeur… ne plait pas à tout le monde !

Par contre allez cueillir les fleurs de bourrache d’un bleu roi et dotées d’un cœur pointu noir. Gouttez-les ! Mais oui ! Mangez aussi une jeune feuille après l’avoir débarrassée de son «duvet». Alors ? N’a-t-elle pas exactement le goût du concombre ? Avec les capucines, jaunes, orangées ou rouges qui commencent à fleurir et qui ont une saveur… acidulée. Imaginez les jolies salades, toutes colorées, que vous présenterez à vos prochains invités surpris, pour le moins.

Si vous ne l’avez pas encore fait, il est juste temps de se pencher sur les fleurs des «mauves» et de cueillir les dernières petites feuilles pas trop dures pour préparer un plat délicieux de «khobbiza» de printemps.

Les «chardons marie», les moins piquants du genre, discrets et modestes, érigent leur «toupet» violet tout au long des talus. Mais si, vous les connaissez ! On vous a sûrement montré, quand vous étiez jeune, comment enlever l’enveloppe superficielle pour manger le cœur blanc de la tige.

Les grands-mères l’ont en haute estime en tant que plante médicinale : laxative et hépatique ! Si vous avez le temps et la patience, essayez de trouver, au pied des buissons épineux qui les protègent, de superbes orchidées dont l’Ophrys eleanorae.

Et puis, nous sommes certains, que vous vous êtes arrêtés le long d’un champ ensanglanté par les coquelicots. Ils sont provocants, mais ne les cueillez pas : ils se fanent si vite alors qu’ils sont si beaux.

Il y en a tant à regarder ! Mais le printemps envoie bien d’autres «ambassadeurs» dans la région d’El Haouaria.

 

Le peuple migrateur

Cette pointe du Cap Bon, toute proche de l’Europe, est un véritable rendez-vous de tout ce qui a des ailes et qui, quitte l’Afrique, ou y arrive.

Bien sûr, les citadins ont entendu roucouler depuis un moment déjà, les tourterelles, dites «turques» qui peuplent les villes. Les migratrices plus «élancées», plus discrètes arrivent par couple ou petits groupes. Les plus «pressées» cherchent aussitôt une fourche dans un pin pour y bâtir un nid très simple et y élever une couvée.

Les cailles et leurs prédateurs arrivent presque en même temps. Pauvres cailles, aux ailes courtes et rondes, elles arrivent, en automne, épuisées. Certaines «tombent» sur la plage, demeurent immobiles quelques instants avant d’aller se blottir dans un buisson proche. Au printemps, elles partent, confiantes.

Alors que les seigneurs : les faucons, capables de fondre sur la proie à plus de 300 km / h, les éperviers, champions de voltige, presque au ras du sol, au plumage très clair, ou le faucon lanier, plus gros, au plumage tavelé de gris foncé et le circaète Jean-le-blanc, aussi grand que l’aigle, parfois, au plumage clair, rayé de noir, chasseur acharné de serpents même venimeux, volent calmement ou planent. Les 200 kilomètres du détroit de Sicile ne les inquiètent pas !

Est-ce que nous vous conterons les passages d’oiseaux d’eaux : canards, sarcelles en vols triangulaires et les «lignes» de grues qui rayent le ciel tout en criant ?

Non ! Allons nous promener dans les champs à l’orée des bois. Ici, le parfum des menthes piétinées est le plus fort. Là, celui du romarin l’emporte. Plus loin, l’odeur de l’herbe fraîche se mêle à la senteur du fenouil.

Alors que l’alouette s’égosille au-dessus de notre groupe, les tourterelles roucoulent dans les pins et les cailles appellent leur femelle : «Paye tes dettes !! Paye tes dettes !». Chantent-elles sur trois notes monotones !

Allez, ne perdez plus de temps ! Partez à la rencontre des visiteurs du printemps.

A.M.

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