L’émission « Black List » diffusée récemment par la chaîne de TV « Tounesna » qui a eu recours aux loyaux services du présentateur vedette Néji Zairi, révèle tout simplement la descente vertigineuse de nos médias dans les choix de la facilité, de l’irrationnel et de l’anti-professionnel. Un scandale médiatique, un exemple type de ce qui ne devrait jamais être fait dans le domaine du journalisme, excepté, peut-être par ceux qui sont enclins à chercher le buzz plutôt que de prendre en ligne de compte l’éthique professionnelle.
A défaut d’une démarche journalistique rigoureuse, on a eu droit, sous la fausse étiquette d’une enquête d’investigation, à un traitement d’une insoutenable légèreté d’un sujet d’une extrême gravité. Un simple déballage de données, non vérifiées et non recoupées, avec une suffisance qui frise l’inconscience.
Présenter un témoignage d’une personne connue pour son hostilité à son pays, prenant ses déclarations qui font du Maroc le premier responsable de la plupart des attentats terroristes qui ont secoué la Tunisie, inviter deux spécialistes pour débattre d’une enquête qui n’en n’est pas une et ne donner aucune chance à un avis contradictoire, est le moins qu’on puisse dire grotesque, inacceptable sur le plan de la déontologie.
Cette fois-ci, la réaction de la Haute autorité tunisienne de l’audiovisuel (HAICA) a été rapide, opportune mais très molle. Interdire la rediffusion de l’émission et son retrait du site de la chaîne et les réseaux sociaux, est à l’évidence une sanction qui ne peut pas permettre à notre paysage audiovisuel, qui vit dans une sorte d’anarchie, de gagner en consistance, en respect de l’éthique professionnelle et en responsabilité envers les téléspectateurs.
Erreur professionnelle majeure. Les deux invités qui, visiblement irrités par l’orientation d’un discours à sens unique choisi par le présentateur, ont essayé vaille que vaille de rectifier le tir en soulignant la nécessité de ne pas prendre ce témoignage pour de l’argent comptant et qu’il importe, dans ce genre de cas, de vérifier ces propos, sans succès.
Ce qui est regrettable, c’est que la chaîne Tounesna, à travers son émission, nous a révélé l’envers du décor du paysage audiovisuel national où, parfois, l’incompétence et l’arrogance de certaines figures se nourrissent mutuellement. Certains daignent oublier qu’une enquête d’investigation demande des compétences, du temps, un savoir-faire, une capacité d’analyse et de recoupement qui ne laissent pas le spectateur perplexe ou dubitatif.
Cela laisse à dire que certains confondent l’environnement de liberté qui a soufflé sur le secteur depuis 2011 avec l’approximation et l’amateurisme qui, dans le cas d’espèce ne peut que nuire davantage à un secteur où les acteurs se refusent de se mettre en question ou d’assumer leur mission d’informer en toute indépendance et, surtout, en faisant preuve d’un strict respect des règles professionnelles les plus élémentaires.
L’autre question qui interpelle ces derniers temps se réfère à la restructuration du premier gouvernement de la deuxième République, dont tout le monde reconnaît la faiblesse de son rendement, l’incohérence de son activité et son manque de solidarité.
Après presque une année d’exercice difficile, on est en droit de s’attendre à la formation d’une nouvelle équipe plus homogène, dont la mission essentielle consiste à mener une guerre sans merci contre le terrorisme, à engager des réformes urgentes pour sauver une économie qui risque de crouler à tout moment, de consacrer dans la pratique, la primauté de la loi et de favoriser un compromis social qui mettrait fin à cinq années d’agitation continue et de perturbation constante du cycle de production.
En attendant que Habib Essid, forme son deuxième gouvernement, il est bon de rappeler que l’extrême complexité du contexte que connaît le pays, la gravité de la situation sécuritaire, le poids des difficultés économiques et l’urgence des attentes sociales exigent de satisfaire un certain nombre de préalables pour éviter, qu’à la première vague venue, le bateau Tunisie ne coule.
Le Chef du gouvernement aura la lourde tâche de former un gouvernement de mission dont l’action doit être frappée du sceau de l’obligation de résultat. Que ce soit en matière de lutte contre le terrorisme, de reprise de l’activité, de restauration de la confiance, du retour des Tunisiens au travail et de la réponse aux attentes des régions et des catégories les plus vulnérables, il ne sera plus permis d’improviser, de faire montre d’attentisme ou de se contenter de simples expédients. Habib Essid, est plus que jamais dans l’obligation de former un cabinet resserré, homogène et capable d’entreprendre et de convaincre. Un gouvernement qui ne sera ni une résultante de tractations interminables ou de mauvais calculs politiques, ni l’otage de choix partisans étriqués.