L’exode des cerveaux ne date pas d’aujourd’hui

Plusieurs voix s’élèvent ces temps-ci pour nous alerter sur les répercussions de l’exode des cerveaux.

Or le phénomène, si on remonte le cours du temps, n’est ni actuel ni conjoncturel.

Il est d’ordre structurel, donc il a un caractère récurrent. On pointe souvent l’émigration de nos médecins, nos ingénieurs et nos universitaires pour dénoncer ce que certains n’hésitent pas à appeler avec une relent inquisiteur la « fuite des élites », sans se donner la peine de nous donner les tenants et les aboutissants de cet envol vers d’autres cieux.

C’est vrai que les pays de destination profitent sans bourse délier de la venue de ces « talents et compétences » comme c’est indiqué dans certains visas « charitables »

Mais pour les pays de départ ? Est-ce le syndrome d’une déficience des systèmes de production des diplômés ou bien faut-il y voir une résorption du surplus de formation tant il est patent que le marché intérieur de l’emploi pour ces catégories n’est guère parfait.

Même si son rythme s’accélère, le flux migratoire des « cols blancs » en provenance des pays du Sud ne date pas d’aujourd’hui.

Voici pour mémoire un texte qui date des années 70 tiré de mon livre « c’est écrit dans la Presse », premier ouvrage édité par Nivana lors de sa fondation en 2000.

Les pays en voie de développement prennent aujourd’hui de plus en plus conscience du tort que leur cause le drainage des cerveaux effectué par – ou pour le compte des pays riches. C’est qu’ils sont en effet gravement – et doublement – affectés par ce phénomène. Car non seulement ils se voient amputés d’une partie de leur potentiel scientifique qu’ils ont eu du mal à constituer mais aussi et surtout ils se trouvent le plus souvent amenés à « importer » les matières grises en provenance du même pays où se sont réfugiés les leurs. Si bien que les pays pauvres auront en définitive supporté une charge double dont les bénéficiaires sont les pays riches.

Comment s’étonner dans ces conditions que l’écart entre ces deux catégories de pays ne puisse d’abord pas être réduit ?

Avant d’analyser les causes et les effets de migration des cerveaux, nous nous proposons tout d’abord de définir ce phénomène et d’en tracer l’évolution historique.

On désigne généralement sous l’expression « exode des cerveaux » la migration des hommes ou des femmes possédant de hautes qualifications professionnelles. Les statisticiens des services d’immigration de certains pays tels que les USA rangent dans la catégorie de « cerveaux », les médecins, les ingénieurs et les « scientifiques » (physiciens, mathématiciens, économistes, etc…)

Les « littéraires », les juristes et les administrateurs ne figurent guère dans cette catégorie. Et pour cause les conséquences de leur « transfert » aussi bien dans les pays d’accueil que dans leurs pays d’origine sont assez négligeables par rapport à celles qui découlent de la migration des hommes de science. Ces derniers ont exercé de tout temps une influence considérable sur le progrès technologique des pays qui les « attirent ». A ce titre, ils ont participé au développement de la science elle-même Nonobstant cet acquis universel, il est aisé de constater que ces « émigrés » ont favorisé d’une manière ou d’une autre l’existence d’un écart sans cesse élargi entre les pays à développement inégal.

DU RECRUTEMENT ORGANISE A UN EXODE VOLONTAIRE

L’émigration de cerveaux ne date pas d’aujourd’hui. Loin s’en faut. Les hommes de science ont toujours cherché à s’exprimer et à mener confortablement leurs travaux sous les cieux les plus cléments. C’est ainsi que Thalès, Pythagore ainsi que d’autres « scientifiques » grecs durent émigrer vers Alexandrie. Plusieurs autres allèrent poursuivre leurs recherches en Perse. Plus tard et au IXème siècle plus précisément, l’Etat abbasside se mit à attirer les érudits perses en leur offrant des avantages matériels considérables.

Au Moyen âge, plusieurs universités nationales en Europe furent fondées sous l’instigation de professeurs venus d`autres pays.

Le même phénomène se serait produit dans la région du Maghreb, l’Université de Fès n’était-elle pas fondée par une émigrée tunisienne ?

Ce n’est toutefois qu’au XIVème siècle que certains pays commencèrent à entreprendre une politique de recrutement systématique. Ce fut le cas de la Russie et du Japon.

De nos jours, le phénomène prend de nouvelles dimensions. Il ne s’agit plus tout d’abord du départ forcé « à la demande » de quelques savants. A l’émigration modérée a succédé un mouvement d’exode massif. Ce mouvement a commencé en 1933 avec la fuite des universitaires allemands frappés par les lois antiracistes. C’est ainsi que plus de 1.700 hommes de science durent émigrer à la veille de la deuxième guerre mondiale. 400 savants autrichiens quittèrent également leurs pays pour fuir la dictature hitlérienne. Plus de 2.000 médecins espagnols se réfugièrent en France lors de la guerre civile. Enfin une centaine de savants italiens quittèrent leur pays en 1938.

Au total plus de 10.000 intellectuels européens auront ainsi émigré pendant la guerre.

Récemment plusieurs centaines de médecins, d’ingénieurs et d’hommes de sciences viennent de quitter la Tchécoslovaquie (à la veille du coup de Prague 1968). Plusieurs hommes de sciences européens – de confession israélite – émigrent depuis 1948 vers Israël. Bien que ce mouvement accuse aujourd’hui une nette régression, Israël n’en compte pas moins de 2.200 médecins, 2500 ingénieurs, 700 pharmaciens, 800 professeurs tous d’origine européenne.

Comme nous venons de le constater, le phénomène de la migration des cerveaux était jusqu’ici circonscrit aux pays développés. Or, depuis la dernière guerre mondiale, ces mêmes pays commencèrent à « attirer » les compétences formées par les pays pauvres. Le colonialisme aidant, ces derniers se voyaient doublement frustrés puisque leurs richesses économiques étaient déjà en quelque sorte pillées. Aujourd”hui et en dépit de leur accession à l’indépendance, ces pays exportent davantage de « matières grises » vers les pays développés qu’ils n’en importent.

 

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