L’horloge de Testour et la gestion participative

La ville de Testour, une ville andalouse du nord-ouest de la Tunisie, se trouve au cœur du projet «Me3marouna»  pour la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine architectural en Tunisie. Une action citoyenne a été engagée pour collecter de l’argent afin de réparer l’horloge de la grande Mosquée de Testour, une mosquée classée monument historique datant du 17e siècle.

Fondée par des Andalous musulmans expulsés d’Espagne en 1609 sur les vestiges de Tichilla, une ancienne ville romaine, Testour figure parmi les trois sites du nord-ouest qui ont été sélectionnés comme échantillons représentatifs de la recherche effectuée dans le cadre du projet «Me3marouna». En effet, il s’agit d’élaborer des recommandations pour la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine architectural en Tunisie. Ce travail est réalisé par une équipe tuniso-allemande à l’initiative du ministère de la Culture et du Goethe Institut Tunisie. Outre Testour, ce groupe a choisi Musti et Ain Tounga. Trois villes qui réunissent à la fois, la richesse historique (contenant des bâtiments datant des ères romaines, byzantines, numides et andalouses) et la richesse naturelle (régions fertiles dotées d’une nature verdoyante). Pourtant, une telle diversité ne se répercute pas sur le contexte socioéconomique qui reste difficile et en deçà des attentes de la population locale. «C’est ce qui explique notre choix. Nous avons voulu montrer ce contraste afin de chercher à élaborer des solutions pour développer ces villes, en nous appuyant sur les capacités locales» explique Christiane Bohrer, directrice du Goethe Institut Tunisie, partenaire du projet. «Nous ne sommes pas là pour donner de l’argent, mais pour mettre les différents acteurs en contact et les aider à travailler ensemble et à imaginer des projets susceptibles de mettre en valeur ces sites.»

L’indispensable implication de la population locale
Ainsi, le groupe d’experts ayant commencé son travail depuis novembre 2012 a pris contact avec les autorités locales de Testour, notamment avec la municipalité et l’Association de sauvegarde de la Médina. Ensemble, ils ont élaboré des axes sur lesquels il est possible d’œuvrer. Le Goethe Institut Tunisie leur a organisé un voyage de dix jours en Allemagne, en mai dernier, pour avoir une idée sur la manière dont le patrimoine architectural allemand a été mis en valeur.  
À la suite de ce voyage, une réunion de travail a eu lieu en juillet dernier pour définir une série de recommandations qui seront publiées dans un rapport présenté le 3 décembre prochain lors d’une conférence de presse. Ces recommandations mettent en exergue la participation active et concertée des populations aux projets patrimoniaux dans le but d’améliorer leur qualité de vue, de réduire les disparités régionales et de contribuer à intégrer la question patrimoniale dans la mémoire collective. À cet effet, il a été préconisé de concevoir un plan de développement régional avec un plan d’actions participatives, une banque de micro-projets susceptibles d’être réalisés, l’intégration du patrimoine architectural dans les politiques d’aménagement du territoire, l’instauration d’un dialogue autour de la préparation de tout projet relatif au patrimoine culturel… Les mêmes recommandations sont aussi valables pour les deux autres sites.

Remise en marche de l’horloge
Une première action de valorisation du patrimoine local a déjà été mise en place à Testour, en impliquant la population. Il s’agit de la remise en marche de l’horloge de la Grande Mosquée. Outre son ancienneté, cette horloge, située dans le minaret, a la spécificité de tourner en sens inverse, c’est-à-dire de droite à gauche. Certains experts pensent qu’il s’agit du sens de pèlerinage autour de la Mecque, d’autres estiment que les Andalous, expulsés d’Espagne en 1609, voulaient faire revenir le temps en arrière, à l’époque de leur gloire. Quelle que soit l’explication, l’horloge a perdu, depuis longtemps, son cadran en pierre et ses aiguilles.
Un ingénieur, Abelhalim Koundi, dont la famille est d’origine andalouse, a eu l’idée de la remettre en marche. Il a fait des études dans ce sens pour prouver qu’il ne s’agit que d’installer une minuterie électrique, une batterie rechargeable, une antenne GPS et de nouvelles aiguilles. Le coût du projet a été estimé à 6000 dinars. L’Institut Goethe ainsi que les autorités locales se sont engagés à organiser une collecte ouverte aux habitants de la ville (1 dianr par habitant). Une journée culturelle a été consacrée à cette collecte, le 3 novembre dernier à Testour, en présence des différents partenaires du projet «Me3marouna». À la fin de cette journée, une somme de plus de 700 dinars a été collectée. Le Président de l’Association de la sauvegarde de la Médina, Rachid Soussi, s’est engagé à continuer l’opération de collecte et de réunir le reste de la somme.
Cette opération, si elle réussit, sera un bon exemple d’une action participative de sauvegarde du patrimoine.
Hanène Zbiss  

 

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