Par Slim Khalbous
Nous avons tous été choqués par la violente explosion qui s’est produite hier à Beyrouth et avons tout de suite eu une pensée émue pour ce peuple frère et ami si proche culturellement et historiquement de la Tunisie. A la découverte des premiers chiffres, non encore définitifs, on réalise davantage l’ampleur des dégâts, plus de 100 morts, plus de 4000 blessés, près de 300.000 personnes sans domicile et un coût des dommages estimé entre quatre et cinq milliards de dollars !
Paix à leurs âmes et sincères condoléances aux proches des victimes, nous ne pouvons qu’exprimer notre soutien à nos amis libanais qui luttent aujourd’hui, dans un contexte économique et social extrêmement compliqué.
Cependant, une question s’impose : Pourquoi ?
Pourquoi le Liban, un pays millénaire, qui a connu la guerre civile, qui était en pleine reconstruction et qui a un peuple particulièrement résilient, est arrivé aujourd’hui à une situation désastreuse sur tous les plans, de l’avis de tous les experts et surtout des libanais eux-mêmes !
Une cargaison de nitrate d’ammonium inflammable mal-stockée dans un entrepôt d’un port sans mesure de précaution et boum c’est la catastrophe… La faute à qui ? L’enquête le dira sans doute dans les détails plus tard, mais on est maintenant quasiment-certain que la négligence humaine et la désorganisation administrative sont à l’origine de ce drame.
Si on remonte encore davantage aux origines du problème, on va facilement constater que l’échec ou le report de toutes les réformes structurelles promises depuis des années sont la vraie cause. Ces échecs et reports successifs sont quant à eux dûs à l’implosion d’un système de gouvernance et à la faillite de structures politiques censées permettre la reconstruction du pays.
Cette catastrophe est venue endeuiller le pays du Cèdre déjà en proie à un effondrement économique et financier sans précédent. Une monnaie nationale en chute libre ; une inflation galopante ; un déficit budgétaire en explosion ; un taux d’endettement en croissance… Du coup, les institutions publiques sont en faillite ; l’ingérence de puissances étrangères se multiplie ; la classe moyenne se retrouve en grande difficulté ; le chômage augmente; la pauvreté grimpe ; et la société civile dénonce de plus en plus la corruption et critique l’affairisme d’une certaine élite …
Tôt ou tard, les mêmes causes génèrent les mêmes résultats quel que soit le pays ou la culture !
Sans une prise de conscience de nos élites des conséquences de la mauvaise, ou de la non gouvernance, de nos pays, nul salut nous pouvons espérer. Sans prise de conscience de nos intellectuels de la dérive de nos valeurs vers l’individualisme excessif et le matérialisme aveugle, nous ne pourrions jamais relever collectivement la tête.
En 2011, un espoir avait commencé à naître, depuis la Tunisie, et pour beaucoup de pays, c’était l’époque du rejet des dirigeants symboles de l’autocratisme et du pouvoir absolu… Aujourd’hui, la contestation reprend de plus belle. Même si en Tunisie on a acquis une remarquable liberté et une certaine démocratie ; en Tunisie, comme ailleurs, on ne dénonce plus un homme en particulier, mais le système dans son ensemble, car la multiplication, les divergences et les égos des acteurs de la vie publique implosent progressivement les systèmes politiques et administratifs en place.
Toute notre compassion et notre solidarité au Liban et au peuple Libanais.