Le sureffectif de la fonction publique a constitué, et continue, un casse-tête pour les gouvernements qui se sont succédés depuis le 14 janvier 2011. La masse salariale représente 15% du PIB de la Tunisie, ce qui représente, aux yeux des économistes, un chiffre énorme. Dans l’espoir de remédier à cette problématique, Abid Briki, ministre de la Fonction Publique et de la Gouvernance, a annoncé, hier, que plus de 50 000 départs volontaires de fonctionnaires sont au programme.
Que faut-il penser de cette annonce ? Contacté par Réalités Online, l’économiste Wajdi Ben Rejeb a fourni des éléments de réponse.
La reconversion professionnelle, une solution à mettre sur la table
Deux questions doivent être posées, d’après Wajdi Ben Rejeb : ces fonctionnaires possèdent-ils la culture entrepreneuriale ? Cet essaimage va-t-il porter ses fruits ? Les retraites anticipées constituent, également, l’une des solutions envisageables dans le cadre de l’annonce du ministre de la Fonction publique.
Il est essentiel, par ailleurs, d’établir les critères de choix de ces 50 000 fonctionnaires. « Le gouvernement devrait également penser à la reconversion », estime Wajdi Ben Rejeb.
L’exemple de l’AHK, la chambre tuniso-allemande de l’industrie, est à prendre en considération selon ce dernier. Celle-ci a créé l’organisme Corp, qui a fait savoir, en se basant sur une étude, que le concept de la reconversion représente une solution aux problématiques du sureffectif et du sous-effectif, observables, selon Wajdi Ben Rejeb, dans plusieurs ministères par exemples. « Ainsi, les demandeurs d’emploi sont passés par une sorte de profiling, ce qui a permis de les reconvertir, par exemple en technico-commerciaux ou en plombiers. Par la suite, Corp a contacté les entreprises demandeuses de travail pour leur proposer les profils fraîchement reconvertis. Il est donc essentiel de penser à la reconversion dans la fonction publique en Tunisie », a expliqué l’économiste.
L’annonce du ministre est donc, selon Ben Rejeb, censée, même si l’on sait qu’elle émane de la pression du FMI. Néanmoins, il estime que le nombre de 50 000 est faible, compte tenu de la productivité des fonctionnaires. « Que va-t-on faire des 550 000 fonctionnaires restants, sachant que l’on reste encore en situation de sureffectif ? », s’est-t-il demandé.
La réhabilitation de la valeur travail pour rétablir la productivité
Dans cette optique, Wajdi Ben Rejeb considère que la productivité représente l’autre problématique à résoudre au sein de la fonction publique. Tout d’abord, il faut savoir si le fonctionnaire concerné est apte à être productif. « Un inventaire des compétences doit être établi, à cet effet », estime l’économiste.
Ceci va permettre de dresser le profil du travailleur. En cas de lacune, des formations peuvent lui être proposées pour les combler. Les besoins des administrations en ressources humaines constituent l’autre volet sur lequel le gouvernement doit se pencher, selon Ben Rejeb. « Il existe des administrations en sous-effectif alors que d’autres sont en sureffectif. La reconversion permettra de replacer les fonctionnaires là où on en a besoin », a-t-il déclaré.
L’économiste poursuit en affirmant qu’il est difficile de voir ces avancées se concrétiser sans la réhabilitation de la valeur travail. « Il faut instaurer un organisme indépendant, capable de mettre en place des procédures de contrôle des fonctionnaires, ce qui devrait permettre de remettre la valeur travail au goût du jour », a souligné Wajdi Ben Rejeb.
Plus encore : il déplore la propagation d’un phénomène dans les administrations, où un « fonctionnaire locomotive » subit une grande partie de la charge du travail. « Le reste de ses collègues profitent de cette situation, alors que ce fonctionnaire est animé par sa conscience professionnelle. Il risque de craquer et de chercher un autre travail », a-t-il expliqué. Et d’ajouter : « l’État est le seul à pouvoir prendre des mesures adéquates, que ce soit en terme de sanction ou de récompense »,
De ce fait, le retour de la méritocratie est plus que jamais vital, selon l’économiste. « C’est cette méritocratie qui empêchera la chute de la productivité dans la fonction publique », a-t-il conclu.