Lignes de crédit en faveur des PME : Savoir optimiser les ressources extérieures

Les difficultés de financement des petites et moyennes entreprises (PME) sont l’un des obstacles qui guettent le climat d’investissement en Tunisie. Pourtant, le financement intermédié des petites et moyennes entreprises demeure un élément-clé de l’infrastructure du secteur financier tunisien. Les véhicules de financement sont là et les incitations financières à l’investissement sont généreuses. Bien plus, certaines études empiriques sous-estiment l’ampleur de la contrainte de financement des petites et moyennes entreprises. La situation paraît confuse, voire paradoxale. Qu’en est-il au juste ?
Récemment, la Banque européenne d’investissement vient d’accorder une ligne de crédit de 120 millions d’euros, soit l’équivalent de près de 360 millions de dinars à la Banque de l’Habitat. Cette ligne de crédit a pour objet, entre autres, de soutenir l’accès au financement bancaire de plus de 250 petites et moyennes entreprises susceptibles de créer plus de mille emplois. Le projet est tellement ambitieux qu’il donne à s’interroger sur la nature de ce mode de financement extérieur des entreprises tunisiennes en général et renvoie à la portée de la problématique de l’accès des PME au financement en particulier.

Une contrainte simple ou majeure ?
La majorité des rapports nationaux et internationaux sur le climat des affaires et la compétitivité en Tunisie, pointent du doigt le problème d’accès au financement direct et indirect pour les petites et moyennes entreprises.
Ces rapports qui se basent fondamentalement sur la perception des chefs d’entreprises de la qualité de l’environnement des affaires, soulignent aussi bien le coût que le volume de financement qui posent problème et figurent parmi les contraintes majeures à l’exercice de l’activité et à la décision d’investir. Les principaux freins au financement sont l’insuffisance de garantie exigée par les établissements financiers, la cherté du coût de crédit et le manque de souplesse des banques.
En revanche, des études empiriques se basant sur des tests de contrainte, ont monté que si les entreprises tunisiennes éprouvent des difficultés d’accès au financement, ces difficultés ne peuvent constituer une contrainte majeure à l’investissement. Tout d’abord, la règlementation du taux d’intérêt dans le sens où il existe un taux plafond au-delà duquel les banques sont interdites d’accorder des crédits, est en elle-même une preuve de non cherté du coûtt de crédit. Deuxièmement, les taux d’intérêt débiteurs effectifs pratiqués par les banques sont inférieurs au taux plafond baptisé le taux d’usure calculé semestriellement par la Banque centrale de Tunisie. Troisièmement, les taux d’intérêt réels ne sont pas anormalement élevés, d’autant plus que leur tendance générale est baissière. Enfin, les difficultés d’accès au financement reflètent dans une certaine mesure des limites intrinsèques des entreprises elles-mêmes : une solvabilité insuffisante, une capacité limitée à produire les documents exigés à l’instar des plans d’affaires et des permis ou licence d’exercer, ou une compréhension insuffisante des exigences bancaires habituelles. Bref, c’est plutôt la demande de crédit que l’offre, qui semble être le principal facteur déterminant du niveau des investissements financés.
Peu importe les explications et le tarif caractéristique de la contrainte de financement, le plus important est de savoir optimiser les ressources existantes, dont certaines sont génératrices de dettes.

Etat des lieux et défi d’optimisation
Les appuis financiers extérieurs en faveur des petites et moyennes entreprises tunisiennes sont d’actualité. Elles sont de fait des sources de financement extérieur national génératrices de dette dans le sens où elles sont contractées directement par les établissements de crédit ou avec la garantie de l’Etat tunisien et elles doivent être remboursées en principal et intérêt. Mais si elles sont correctement acheminées vers le financement de l’investissement des PME, elles ne pourront être que des dettes extérieures productives et favorables à la croissance et à l’emploi.
La Banque centrale de Tunisie publie d’une manière transparente les origines et l’affectation des lignes de crédit extérieures allouées par les différents bailleurs de fonds en faveur des entreprises tunisiennes, notamment les PME. On cite la ligne de crédit FADES de 50 millions de dollars  en 2016, la ligne de crédit BAD de 50 millions de dollars en 2012, la ligne de crédit BIRD de 72,6 millions d’euros en 2015 et la ligne de crédit italienne de 73 millions d’euros en 2013.
Ces lignes de crédit répondent aux besoins du secteur bancaire sous forme d’apport de ressources en devises à un taux concessionnel en général et en leur permettant de desserrer les contraintes de liquidités observées notamment durant les dernières années.
Cependant, l’efficacité de ce véhicule de financement bute sur un nombre de limites. Tout d’abord, les rapports d’évaluation effectués par les bailleurs de fonds à ce titre font montre d’une faiblesse du taux moyen d’exécution des lignes de financement en faveur des PME. Ensuite, le manque de communication autour de ce dispositif de financement, que ce soit auprès des groupes cibles de bénéficiaires en l’occurrence les PME tunisiennes d’une part et les fournisseurs étrangers de l’autre. De surcroît, la complexité des procédures d’emploi de certaines lignes de financement, est de nature à limiter leur impact sur les PME.   Enfin, la nuance quant à l’efficacité de l’usage des lignes de crédit dans la mesure où ces dernières sont généralement plus utiles aux promoteurs de projets de première création, mais induisent des exportations plus élevées pour les entreprises en développement.
Eu égard à ces considérations, un effort d’optimisation des lignes de crédit extérieur en faveur des PME tunisiennes s’impose.  Il s’agit en premier lieu de bien négocier les conditions générales de ce type de sources de financement extérieur en termes de procédures et de conditions de décaissement afin d’assouplir les critères d’éligibilité de la ligne en vue d’élargir la cible des PME, raccourcir les délais et réaliser le meilleur taux de consommation de crédits. Il est question en second lieu de renforcer la communication autour de ces lignes de crédit en ciblant les différents acteurs et diversifiant les canaux d’information. Le rôle des établissements bancaires est capital dans cette affaire afin de faire connaître la disponibilité de ces ressources et exhorter les entreprises à en faire l’usage, ainsi que les structures d’appui aux PME. Il importe enfin de s’orienter vers une nouvelle stratégie consistant à acheminer désormais les lignes de financement extérieur vers les nouvelles entreprises innovantes, les nouveaux secteurs porteurs et à fort potentiel de croissance, ainsi qu’aux besoins réels des PME.
Le renforcement des entreprises locales est une œuvre majeure devant répondre aux priorités économiques et sociales nationales. La facilitation de l’accès des PME au financement, notamment à travers les ressources extérieures, devrait être optimisée pour la simple raison qu’il s’agit de dettes extérieures dont le bilan coût-avantage doit être positif. Faut-il en même temps, que nos entreprises elles-mêmes soient à la hauteur de ces engagements et fassent de leur mieux pour capter la meilleure part et faire la meilleure rentabilité sur ces fonds?

Alaya Becheikh

 

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