Les événements politiques se succèdent en Tunisie au lendemain du 25 juillet 2021 et les décisions et les réactions divergent quant aux mesures liées à la loi électorale et au référendum. A l’avènement de chaque étape politique, les questions des libertés individuelles et collectives, en particulier celles des femmes, refont surface dans une scène politique marquée par l’exclusion de la gente féminine. En effet, la nomination d’une femme à la tête de la présidence du gouvernement tunisien et de plusieurs autres à la tête de départements ministériels importants, n'ont pas mis fin aux inquiétudes quant aux acquis de la femme et en particulier les militantes politiques. Ces nominations n’ont pas permis non plus aux autorités de regagner la confiance des organisations de la société civile dont en particulier celles spécialisées dans la défense des droits de la femme tunisienne.
La Ligue des électrices tunisiennes (LET) en tant qu’organisation pionnière en matière de défense des droits de la femme en Tunisie a choisi de faire preuve d’efficience pour anticiper les différentes échéances politiques et électorales en intensifiant, les sessions de formations et les tables rondes organisées en faveur et en présence de femmes de toutes les classes sociales et catégories d’âge. L’objectif étant de les sensibiliser quant à l’importance de leur participation à la scène politique et à l’observation des élections en adaptant une approche genre. Ces ateliers de formation et de réflexion ont également permis de renfoncer les capacités des femmes leaders pour améliorer leur accès aux postes de décisions à travers l’élaboration d’un guide politique incluant leurs propositions ainsi que les différentes règles de communication et d’action politique comme le souligne la vice-présidente de la ligue des électrices tunisiennes (LET).
La LET a entamé une série de sessions de formation dont certaines se sont déroulées à Tunis et à Jendouba en faveur de 42 femmes actives sur les plans syndical ou municipal ainsi qu’au sein de partis politiques ou organisations et associations de la société civile. Ces sessions de formation ont permis aux participantes d’aborder les différentes problématiques entravant la participation de la femme à la scène politique dont à titre d’exemple les stéréotypes de la perception de la femme dans certaines régions ainsi que son harcèlement par la société et sur les réseaux sociaux afin de la décourager de poursuivre son expérience politique. L’objectif étant de limiter la femme aux stéréotypes faisant d’elle une femme au foyer ou une salariée marginalisée.
Les participantes à ces deux sessions de formation organisées par la ligue des électrices tunisiennes en partenariat avec la fondation KVINFO ont assuré qu’elles étaient parfaitement conscientes de leur bataille et qu’elles étaient prêtes à poursuivre le chemin pour arracher leurs droits spoliés.
S’outiller des mécanismes de communication politique pour éviter les conflits de genre
La militante de la société civile Amina Mhadhbi a considéré que la femme est confrontée, en continue, à des défis politiques majeurs ’où la nécessité de faire face à certains commentaires liés à la volonté des femmes de remporter 80% des listes. Elle a estimé que les femmes tunisiennes sont capables d'imposer leur présence par des faits et ne veulent pas être un simple numéro ou un nom pour compléter certaines listes électorales. Elle a ajouté que sa participation à cette session de formation sur les mécanismes de communication politique l’a permise de s’outiller des mécanismes de communication politique qui sont essentiellement basées sur une présence effective sur la scène politique. Elle a ajouté que cette formation l’a également permise de connaître les moyens d'éviter de s’impliquer dans des faux débats et des querelles liés au genre considérant que cette étape est révolue. « Les femmes et les hommes sont désormais égaux et nous sommes capables d’accomplir les mêmes tâches politiques ».a-t-elle affirmé.
Amina Mhadhbi a ajouté que toutes les tentatives d’exclure la femme de cette étape politique et les appels à la mise en place du scrutin majoritaire uninominal alimentent leur inquiétude quant aux acquis de la femme après le 25 juillet notamment face à l’absence totale de femmes au sein de l’instance supérieure indépendante pour les élections. Elle a regretté le fait de se contenter de nommer une cheffe du gouvernement et des femmes à la tête de certains départements ministériels considérant que ces nominations ne sont pas suffisantes. Elle a ajouté que la présence de la femme sur la scène politique en tant qu'un acquis fondamental est désormais d'où la nécessité de multiplier les efforts pour le préserver.
De son coté, la présidente de la commission de la culture à la commune de Hammamet, Randa Nabouli a considéré que le problème évoqué lié aux tentatives de certaines parties de s'emparer des acquis de la femme tunisienne dont essentiellement celle active dans la scène politique est un faux problème citant à cet effet l’exemple de Najla Bouden, nommée cheffe du gouvernement.
Elle a ajouté que les inquiétudes liées à l'éventuelle mise en place du scrutin uninominal pourraient limiter la présence de la femme politique considérant qu'il s'agit également d'un faux débat. Elle a ajouté que la Tunisie compte d'importantes forces civiles défendant les droits de la femme dont en particulier la ligue des électrices tunisienne qui joue le rôle d'un garde-fou face à toutes ces tentatives à travers les formations et ateliers de réflexion qu'elle organise. Elle a estimé que ces formations permettent de renforcer les capacités des femmes sur le plan politique et de les sensibiliser quant à la gravité de la situation et à la nécessité de défendre leur statut politique en tirant les leçons des mauvaises expériences subies récemment par la Tunisie. "Si je ne défends pas ma position, je ne m'attends pas à ce qu'un homme me défende"a-t-elle affirmé.
L'activiste politique et militante des droits de l'Homme, Imen Noura Azouzi, a, de son côté, minimisé l'impact du non respect du principe de parité au sein de l’instance des élections tout en considérant qu'il s'agit d'un ancien problème remontant à l'instance de 2011 dirigée par Kamal Jendoubi. Elle a estimé que l'instance en question, quelle que soit sa composition, ne représente pas forcément le peuple tunisien dans sa diversité.
Elle a souligné la nécessité d'intensifier les formations organisées par les organisations de la société civile, dont la ligue des électrices tunisiennes pour faire parvenir la voix de la femme et mettre fin à sa participation cartonique à la vie politique. Elle a ajouté que ces formations permettent de sensibiliser la femme tunisienne et de l'inciter à poursuivre son combat pour défendre sa cause.
Elle a également regretté les stéréotypes plaçant les hommes au devant de la scène politique et les femmes au second rang tout en regrettant la volonté de certaines parties de faire de la femme soit un décor soit un élément de show alors que la Tunisie regorge de femmes compétentes capables de réfléchir en profondeur, de présenter des programmes sérieux et d'apporter des solutions aux plus grandes problématiques économiques, sociales et politiques.
Elle a, dans ce contexte, rappelé que la majorité des prix internationaux ont été décrochés par des femmes tunisiennes affirmant qu'il n'est plus question d'admettre ces stéréotypes. La militante politique a ajouté que la défense des libertés individuelles et collectives, du droit au développement durable et de la démocratie en tant que piliers sur lesquels devrait être bâtie la Tunisie nécessite un combat beaucoup plus acharné. "On ne cherche pas une nouvelle Tunisie, notre patrie n'a pas besoin d'un nouvel habit"a-t-elle conclu.