D’ici, de cette belle et verdoyante Cité andalo-mauresque, on peut entrevoir comme à travers un viseur grand angle, l’état présent du pays et peut-être bien oser lire dans la foule des signaux, l’horizon des mutations à venir.
Nous quittons en voiture un Alger empêtré dans ses sempiternels embarras de circulation et le brouhaha de ces citadins chahuteurs et toujours hésitants entre scepticisme de sages et nervosité contenue, prête à éclater à chaque instant… Un Alger vibrant langoureusement telle une grosse cithare au rythme lent d’un Salon du Livre peu convaincant, malgré d’énormes moyens mis en œuvre pour en faire un incontournable événement : des invités-stars, une sécurité tout aussi efficace que voyante, une multiplicité de stands et d’exposants qui engage les algérois et leurs hôtes dans la récréation d’une vraie foire d’échanges libérés d’idées, de protestations, de plaintes…
Impeccable autoroute de plus de 600 km, sans le moindre incident, traverse via les splendides paysages les alentours de Chleuf, Magnia et Mostaghanem et nous voici sur le promontoire qui surplombe Tlémcen et le minaret de sa grande mosquée bien caractéristique d’un véritable tracé de minarets carrés qui va de la Zéralda de Séville à la Zitouna en passant par celui de notre andalouse Testour…
C’est bien ici que notre colloque maghrébin de psychiatrie sur « Citoyen et violence « pourra en effet se tenir ! La ville en ce début de week-end, la veille du saint vendredi, est aussi respectueuse du repos rituel que les zélotes juifs d’un Sabbat. Tout est fermé, pas un commerce, pas une activité profane, rien que des chœurs de psalmodie qui arrivent des fonds de maisons ou de zaouïas, de minuscules mosquées ou de l’imposant mausolée de Sidi Boumediene, saint-patron de la ville… Il ne restait plus aux touristes rabroués que nous étions qu’à regagner l’arène de notre studieux colloque !
Passée l’inquiétude pour les collègues marocains que nous attendions dans l’anxiété en cette période de brouille médiatisée entre les deux pays frères et voisins, les débats autour de notre épineux thème pouvaient commencer et se poursuivre dans la sérénité du Savoir et de l’amitié. D’où vient qu’une religion de paix en principe et comme son nom (islam) l’indique, secrète et génère tant de violences, dans l’âme comme dans le corps social ?
Des communications d’une sûre valeur scientifique ont abouti, toutes à une calme certitude : l’attitude défensive contre une mondialisation excessive, a conduit le pré-citoyen des pays d’Islam à un excès réactif, celui qui a attiré l’âme et le corps dans l’abîme d’une ritualisation de la spiritualité si épurée qu’elle en devient désir d’anéantissement et de mort. Dans cette direction, deux communications, celle du Tunisien Dr Soufiane Zribi et celle du Marocain Dr Ben Jemaii, ont été particulièrement applaudies et à juste titre. A partir de deux cas cliniques, les deux communications ont montré le haut et douloureux drame d’une âme happée dans le désert d’une religiosité sans autre visée que l’auto-destruction dans l’illusion d’un Salut présenté par le salafisme comme unique promesse et seul chemin pour fuir un réel de désespoir et de misère bien terrestres.
Y.S.