Selon le rapport « Future of Jobs 2025», l’automatisation devrait atteindre des niveaux inédits d’ici 2030, avec 41 % des entreprises envisageant de réduire leurs effectifs au profit de l’IA dans les cinq prochaines années. Cette transformation soulève des questions cruciales : quels secteurs seront les plus impactés ? Comment les entreprises et les travailleurs peuvent-ils se préparer à cette transition ? Quelles solutions éthiques seront nécessaires pour atténuer les conséquences sociales de l’automatisation ?
Par Souhir Lahiani*
Les entreprises explorent déjà les potentialités de l’IA générative, comme le souligne la plateforme Zoom. « En fin de compte, nous nous attendons à ce que l’IA générative ait un grand impact sur l’avenir du travail, malgré les préoccupations que certains employeurs ou employés peuvent avoir. Au fur et à mesure que les organisations expérimentent davantage cette technologie et consacrent du temps et des ressources à traiter les risques impliqués, l’IA générative façonnera l’avenir du travail, la manière dont les modèles de lieu de travail changent et quels modèles finiront par être les plus réussis ».
Cette tendance concerne tous les secteurs et toutes les tailles d’entreprises. Une étude de l’IBM Institute for Business Value confirme cette généralisation : 74 % des dirigeants d’entreprise prévoient de déployer l’IA générative dans leurs organisations d’ici trois ans. Cette adoption massive témoigne de la nécessité pour les organisations de s’adapter rapidement, en identifiant les risques et les opportunités liés à cette technologie (IBM Institute for Business).
L’IA générative : une révolution pour les indicateurs de performance en entreprise
Les avancées de l’intelligence artificielle (IA) et des énergies renouvelables transforment profondément le marché du travail, modifiant la demande pour des postes technologiques et spécialisés. Le Forum économique mondial souligne cette dynamique dans une récente déclaration : «Les progrès de l’IA et des énergies renouvelables remodèlent le marché du travail, entraînant une augmentation de la demande pour de nombreux postes technologiques ou spécialisés, tout en entraînant une baisse pour d’autres, tels que les graphistes ».
Ces propos mettent en lumière la complexité des changements actuels. Tandis que certaines professions disparaissent ou se redéfinissent, d’autres, en lien direct avec l’innovation technologique, gagnent en importance. Cette réalité impose aux entreprises et aux travailleurs une adaptation constante face à un paysage économique en pleine mutation.
Dans son rapport de 2023, le Forum économique mondial prédit des bouleversements significatifs du marché mondial de l’emploi dans les cinq prochaines années. Basé sur une enquête menée auprès de plus de 800 entreprises, le rapport met en avant deux tendances majeures : l’adoption croissante des technologies comme l’IA par les entreprises et l’affaiblissement de l’économie mondiale.
Ces dynamiques devraient conduire à la création de 69 millions de nouveaux emplois d’ici 2027, mais entraîner également la suppression de 83 millions de postes. Le résultat est une perte nette estimée à 14 millions d’emplois, représentant environ 2 % de l’emploi mondial actuel.
Malgré ces prévisions alarmantes, le rapport identifie des opportunités majeures pour les travailleurs qualifiés dans les domaines liés à l’IA. Parmi les professions émergentes, on trouve : les spécialistes de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique, les analystes et scientifiques de données et les experts en transformation numérique.
Ces métiers devraient connaître une croissance significative d’ici à 2027, avec une augmentation prévue de 40 % pour les spécialistes de l’IA et de l’apprentissage automatique.
L’impact de l’IA sur les entreprises : l’exemple de l’entreprise indienne Dukaan
En juillet 2023, Suumit Shah, PDG de Dukaan, une entreprise indienne spécialisée dans le commerce en ligne, a pris une décision audacieuse et controversée : licencier 90 % de son personnel du service client pour les remplacer par un chatbot alimenté par l’intelligence artificielle (IA). Cette transformation visait deux objectifs principaux : réduire significativement les coûts opérationnels et améliorer l’expérience client. Un an après cette réorganisation, Shah a présenté un bilan qu’il considère comme éminemment positif. Selon les données partagées par le PDG, les résultats du chatbot sont impressionnants : temps de réponse initial, passé de 1 minute et 44 secondes à une réponse quasi instantanée, temps moyen de résolution des problèmes, réduit de 2 heures et 13 minutes à seulement 3 minutes et 12 secondes.
Ces améliorations ont entraîné une augmentation notable de la satisfaction client et des économies substantielles pour l’entreprise. Toutefois, cette décision n’a pas été sans critiques. De nombreux observateurs ont souligné les implications éthiques de remplacer des employés humains par des IA, ainsi que l’impact social de licenciements aussi massifs.
L’évolution du marché du travail
Le rapport « Future of Jobs 2025 » du Forum économique mondial projette une transformation majeure du marché du travail d’ici à 2030. Il estime que l’automatisation, alimentée par les avancées en intelligence artificielle (IA), atteindra des sommets, incitant 41 % des entreprises interrogées à réduire leurs effectifs au profit de l’IA dans les cinq prochaines années. Cette perspective suscite des inquiétudes quant à l’avenir de nombreux emplois, notamment dans les secteurs technologiques où les licenciements massifs sont déjà une réalité.
Cependant, l’IA présente aussi un potentiel créateur d’emplois. Selon le rapport, 170 millions de nouveaux emplois pourraient voir le jour, contre 92 millions de postes supprimés, soit un gain net de 78 millions d’emplois à l’échelle mondiale (World Economic Forum). Les secteurs technologiques, tels que l’IA, le Big Data et la cybersécurité, devraient connaître une forte croissance. En parallèle, des professions essentielles comme celles des chauffeurs-livreurs, des éducateurs, des travailleurs agricoles et des métiers du soin profiteront également de cette dynamique.
Pourtant, cette évolution soulève des défis majeurs en matière de compétences. Près de 40 % des compétences actuellement requises sur le lieu de travail devront évoluer, tandis que 63 % des employeurs identifient le déficit de compétences comme un frein majeur à leur transformation. Bien que les compétences technologiques soient essentielles, les compétences humaines, telles que la pensée créative, la résilience et la collaboration, resteront cruciales.
En réponse, 77 % des entreprises envisagent de renforcer les compétences de leurs employés afin de favoriser une collaboration harmonieuse entre humains et machines, tandis que 41 % prévoient une réduction des effectifs via l’automatisation de certaines tâches. Une collaboration entre gouvernements, entreprises et institutions éducatives sera nécessaire pour préparer la main-d’œuvre aux défis et opportunités à venir.
Une transformation inclusive ou inégale ?
Selon une étude de l’Organisation internationale du travail (OIT), l’IA pourrait créer plus d’emplois qu’elle n’en détruirait, mais les effets varieront selon les professions et les régions géographiques. Les emplois administratifs, où les femmes sont surreprésentées, seront particulièrement touchés par l’automatisation. Cependant, l’OIT estime que l’IA pourrait «accompagner plutôt que remplacer certaines activités», améliorant la qualité des emplois en termes d’autonomie et d’intensité du travail (Franceinfo).
Dans les pays à revenus élevés, l’automatisation aura un impact significatif, mais avec des politiques adaptées, les bénéfices pourraient également s’étendre aux pays en développement. L’IA offre ainsi une opportunité globale d’évolution du marché du travail.
L’IA générative : catalyseur de performance
L’IA générative ne se limite pas à la création de contenu, elle excelle également dans l’analyse prédictive et contextuelle. Par exemple, une entreprise de logistique peut anticiper les pics d’activité en s’appuyant sur des données variées comme les tendances de consommation, les événements climatiques et les habitudes d’achat. Ces analyses permettent une prise de décision plus rapide et mieux informée, réduisant les biais humains.
Indicateurs enrichis
Les indicateurs de performance traditionnels, comme les KPI (Key Performance Indicators) ou le ROI (Return on Investment), ont longtemps servi de piliers dans l’évaluation des stratégies. Cependant, leur rigidité et leur orientation rétrospective les rendent parfois obsolètes dans un environnement en mutation. L’IA générative propose des alternatives dynamiques et adaptatives, intégrant des dimensions qualitatives, comme l’engagement émotionnel des clients ou l’impact sociétal des activités d’une entreprise.
Par exemple, une entreprise de e-commerce peut suivre en temps réel l’impact de ses campagnes marketing sur les réseaux sociaux, en évaluant les émotions des utilisateurs grâce à l’IA. Ces nouvelles méthodes permettent d’ajuster les stratégies de façon précise et rapide.
En effet, contrairement à l’approche adaptée par Suumit Shah, PDG de Dukaan, certaines entreprises choisissent d’intégrer l’IA de manière plus collaborative. Par exemple, Forvis Mazars, une société de conseil, a investi plus d’un million d’euros pour former ses 5 000 salariés en France à l’utilisation d’outils d’IA. Cette initiative vise à éliminer les tâches répétitives tout en augmentant la productivité et en préservant les emplois. En misant sur la complémentarité entre l’humain et la machine, Forvis Mazars incarne une stratégie opposée à celle de Dukaan, soulignant les différentes manières dont les entreprises peuvent s’adapter à la révolution de l’IA.
Une transition nécessaire et éthique
Malgré ses avantages, l’automatisation par l’IA générative n’est pas sans risques. Une dépendance excessive à ces technologies peut entraîner des biais dans les analyses, liés aux données d’entrée. De plus, les entreprises risquent de perdre le contrôle sur des processus stratégiques si elles n’intègrent pas suffisamment l’expertise humaine.
Pour optimiser les avantages de l’IA, les entreprises doivent investir dans la formation de leurs collaborateurs afin qu’ils puissent interpréter efficacement les résultats produits par ces outils. En parallèle, l’élaboration de règles éthiques claires est essentielle pour garantir la transparence et la responsabilité des décisions prises.
L’IA générative représente une avancée majeure pour redéfinir les indicateurs de performance et les méthodes de travail en entreprise. Elle offre une agilité et une précision sans précédent, tout en posant des défis organisationnels et éthiques importants. Pour en tirer pleinement parti, une approche équilibrée entre intelligence artificielle et intelligence humaine s’avère indispensable !
* Maître-assistante en Sciences de l’information et de la communication, département communication, IPSI, Université de la Manouba.
Références :
- Rapport Forum économique mondial « Future of Jobs Report janvier 2025 »
- Etude de Zoom, plateforme leader des communications unifiées (“Navigating the Future of Work: Global Perspectives on Hybrid Models and Technology“, plus de 624 leaders IT et cadres supérieurs ainsi que près de 1 870 employés de bureau ont été interrogés par Reworked INSIGHTS pour Zoom)
- Site web Jeuxvideo.com
- Site web : Emploi.developpez.com
- IBM Institute for Business Value generative AI open innovation pulse survey. 315 global CxOs. May/June 2023.