L’impasse budgétaire 2013… et après ?

Par Ridha Lahmar

La récente conférence de presse des trois ministres les plus concernés par les questions relatives à la croissance économique et portant sur la gestion des finances publiques est révélatrice des difficultés économiques et financières de notre pays. Il s’agit des ministres des Finances, du Développement et de la Coopération internationale et du ministre chargé des dossiers économiques auprès du chef du gouvernement.

C’est ainsi que nous avons appris que l’objectif de croissance du PIB, qui était de 4,5% pour 2013, a été ramené à 3,6%, donc une croissance lente et fragile en raison de la morosité de la conjoncture. En effet, tous les indicateurs sont révisés à la baisse, avec notamment des dépassements budgétaires par rapport aux prévisions initiales.

C’est ainsi que la hausse imprévue des salaires de la fonction publique, notamment celle des enseignants, a engendré 170 MD de dépenses supplémentaires suite à des revendications syndicales insistantes. Il y a également la garantie de l’État qui s’est porté au recours des déficits successifs accumulés par la STIR et par l’Office de l’huile. En outre il y a la recapitalisation urgente des trois banques publiques qui doit porter sur 400 MD. 

En somme, les dépenses courantes en salaires du Budget de l’État sont évaluées à un dépassement de 30% alors que les recettes fiscales n’ont progressé que de 4,4%.

Il y a certes un reliquat disponible de 900 MD non utilisé relatif au budget d’investissement 2012, mais son utilisation dépend de l’accord de l’ANC dont les travaux sont actuellement suspendus.

Il y a donc de fortes pressions exercées sur le Budget qui doit supporter de lourdes charges qui découlent de plusieurs origines.

Tout d’abord, le gonflement du Budget de la compensation qui passe de 4,2 MD à 5,9 MD alors que le prix du baril de pétrole brut sur le marché mondial a grimpé à 110 dollars. 

La dette publique a évolué de 225 MD ce qui porte la dette souveraine de notre pays à 48% du PIB, une grande proximité vis-à-vis du seuil fatidique de 50%.

Il y a également la dévaluation du dinar par rapport au dollar et à l’euro qui pèse lourd sur tous les transferts sociaux et les importations.

En somme les dépenses de gestion du Budget se solderont par une augmentation de 80% à décomposer comme suit : 3,5 MD au titre des salaires de la fonction publique et 4 MD pour ce qui est des dépenses de compensation.

La reprise de la production dans les phosphates est d’un secours tout à fait relatif puisque si elle atteint 4 M de tonnes en 2013 elle pourrait alimenter le Budget à concurrence de 200 MD.

Le déficit du Budget de l’État en 2013 risque d’atteindre 7,4% au lieu des 5,9% prévus initialement. Nous ne devons pas perdre de vue que nous devons importer 16M de quintaux de céréales pour compenser la mauvaise récolte de juillet 2013 et pour nourrir la population jusqu’à juillet 2014.

Comment combler ce Budget ?

Le recours envisagé consiste à solliciter le soutien sous forme de don de la part d’institutions internationales partenaires comme l’UE ou encore de garantie de remboursement de crédits de la part de certains pays comme la France et les USA, à contracter sur le marché international de capitaux pour éviter les conditions sévères découlant de la notation souveraine de la Tunisie par les trois agences internationales de rating qui n’a cessé de se dégrader depuis 30 mois.

Il faudra trouver 4 à 6 milliards de dinars pour subvenir aux besoins du pays jusqu’à fin décembre 2013. Et pour 2014 comment faire pour établir le budget de l’État et le boucler ?

Certes, il y a la perspective de la réforme fiscale susceptible de réduire l’évasion et la fraude fiscales et de mobiliser plusieurs milliards de dinars au profit du Trésor public. Mais cela reste insuffisant.

Et les autres réformes de structures économiques : où en sommes-nous ?

La réforme du système bancaire, avec notamment la recapitalisation et l’assainissement des trois banques publiques doit attendre les résultats de l’audit, au bout de 4 mois confié à des cabinets internationaux qui sont en train de travailler dans ce sens.

Rappelons que la STB vient de publier son bilan 2012 : 152 MD de pertes. Quant à la réforme du système de compensation, elle est encore au point mort. Autant dire qu’on n’est pas encore sorti de l’impasse.

 

                    ********************************

 

Construction du réseau RFR

Le Grand-Tunis abrite 40% du potentiel économique et industriel du pays et près de 3 millions d’habitants. Ce qui explique la complexité et les difficultés du transport en commun de voyageurs.

Les réseaux du TGM, du métro léger, de bus SNT, ainsi que le réseau ferré de la SNCFT de la banlieue sud sont saturés.

D’où le recours au projet du réseau ferroviaire rapide qui comporte 5 lignes, soit 85 km de long et qui est destiné à desservir la plupart des agglomérations de banlieue à partir d’une gare centrale, celle de la place Barcelone. Il s’agit d’un train électrique rapide destiné à assurer un transport confortable, rapide et de masse, non polluant et sécurisé.

La construction des infrastructures de base a déjà commencé. Les appels d’offres internationaux ont permis à Colas Rail de remporter le contrat pour la construction de la voie —les infrastructures de base relatives aux lignes D et E —, soit 20 km de long.

Filiale de Bouygues, n°1 mondial du BTP, Colas Rail est rompue à ce genre de travaux, elle est associée à SIEMENS pour ce qui est des équipements électriques et électroniques et en partenariat avec SOMATRA-GET, l’entreprise publique de BTP. Le contrat s’élève à 145 millions d’euros, dont 86 millions pour Colas Rail.

Il s’agit de la fourniture et de la pose de la voie et des rails, des caténaires et de l’alimentation électrique, du système et des équipements de télésurveillance, de l’acquisition des données et des équipements des dépôts destinés aux trains.

 

Quelles solutions pour les SICAR ?

Les sociétés à capital-risque sont des fonds d’investissement crées par l’État pour apporter un complément de financement provisoire aux entreprises en prenant, si besoin est, des risques contre des privilèges fiscaux accordés par le législateur. Or l’expérience a prouvé que les SICAR se comportaient plutôt comme des banques en exigeant des promoteurs des garanties réelles pour se prémunir contre les défaillances des entrepreneurs.

Mais il faut dire que les SICAR ont participé au financement de plusieurs dizaines de projets économiques.

Au cours des trois dernières années, il a été constaté une régression de 30% des activités des Sicar, c’est ainsi que l’activité des Sicar est passée de 188 MD en 2010 à 140 MD en 2011 et à 109 MD en 2012.

L’analyse des causes révèle qu’il y aurait une baisse sensible de bons projets à financer avec un appauvrissement du vivier des promoteurs crédibles.

Il y a des lenteurs administratives qui font que les Sicar ont des difficultés à libérer leurs capitaux propres. C’est également le cas pour les investisseurs et les entreprises économiques. Les banques elles-mêmes souffrent de difficultés dans leurs liquidités. Le cadre juridique des Sicar est trop rigide et des propositions sont faites pour l’assouplir.

 

Des remous autour du Code des investissements

Investisseurs tunisiens et étrangers attendent beaucoup du nouveau Code d’incitation aux investissements pour promouvoir de nouveaux projets, ce qui pourrait relancer la croissance économique et créer des emplois, de préférence dans les régions intérieures du pays.

Celui-ci a tardé puisqu’il est en cours de gestation depuis 18 mois, sans pour autant promettre d’être particulièrement attractif et compétitif par rapport à d’autres pays considérés comme concurrents (le Maroc par exemple.)

Certes, il va libérer l’acte d’investir et donner des garanties aux investisseurs, mais cela ne suffit pas.

C’est ainsi qu’il est envisagé de soumettre les entreprises totalement exportatrices à l’impôt à un taux préférentiel de 10% alors qu’au Maroc il y a une exonération de cinq ans de tout impôt.

La prime d’investissement qui devrait être un pourcentage du montant total de l’investissement serait plafonnée, ce qui ne favorise pas les grands projets privés.

Le recrutement de cadres étrangers serait strictement réduit, ce qui ne permet pas aux investisseurs de garantir la qualité et la conformité des produits ni le transfert de technologie au profit des Tunisiens.

 

Investissements industriels : 7 mois 2013 

Selon l’APII, les investissements déclarés durant les 7 mois de 2013 ont progressé de 55% par rapport à 2012 soit 1461 MD contre 942 MD.

Le nombre de projets est passé de 72  à 77 soit 8675 emplois contre 7468 en 2012.

Il y a lieu de remarquer que 62% des investissements portent sur des projets d’une certaine taille, soit un investissement supérieur à 5 MD : ainsi 12 projets totalisent 915 MD d’investissements. Parmi ceux-là on peut citer la construction d’une cimenterie à Sidi Bouzid pour 400 MD ce qui permettra de créer 350 emplois, ainsi une usine de montage de voitures-autos pour 150 MD soit 1200 emplois.

Dans le gouvernorat de Nabeul, il est prévu l’édification d’une usine de recyclage des déchets domestiques pour 126 MD d’investissements, soit 55 emplois seulement, grâce aux processus automatisés. À Zaghouan, il est prévu une usine de fabrication d’aliments composés pour le bétail : coût 41 MD pour 70 emplois et une usine de fabrication d’ammoniac pour 40 MD ainsi qu’une usine de fabrication d’équipements médicaux : 32 MD et 320 emplois.

À Tataouine, une usine de fabrication de gypse serait construite grâce à un investissement de 25 MD avec 83 emplois à la clé.

 

Progression des investissements agricoles privés

L’APIA vient de faire état d’une progression sensible des investissements agricoles privés agréés pendant les 7 premiers mois de 2013 par rapport à 2012 : 277 MD contre 220 MD soit une croissance de 26,4%.

Ces investissements permettront de créer 2783 emplois, dont 179 destinés aux diplômés du supérieur contre 2813 emplois dont 155 pour les diplômés du supérieur en 2012.

Il faut dire que les investissements déclarés à l’APIA par les agriculteurs ont atteint 508 MD en 7 mois 2013 contre 369 MD en 2012.

Les gouvernorats les plus concernés par ces investissements sont ceux de Béja pour 50 MD, Kasserine 26 MD, Gabès 25 MD, Sidi Bouzid 20 MD et Bizerte 18 MD.

Cependant la commission nationale d’octroi des avantages fiscaux et financiers a octroyé fin juin 2013 quarante prêts fonciers d’une valeur totale de 2,7 MD contre cinquante-neuf prêts totalisant 3,8 MD en 2012, ce qui constitue une régression.

Or, il a été constaté que les jeunes promoteurs ont de plus en plus d’engouement à promouvoir des projets agricoles soit 36,3 MD en 2013 (6 mois) contre 33,6 MD en 2012. Il en est de même pour les investissements des TRE en agriculture soit 3,5 MD d’investissements additionnels.

Les sociétés à participation étrangère montent en gamme avec 16 MD.

Ridha Lahmar

 

Related posts

Sousse accueille une croisière française avec 165 passagers à bord

Adel Chouari, DG du RNE dévoile « RNE Corporate » et une série de nouveautés

Nouvelles règles d’origine : une révolution silencieuse pour le commerce extérieur ?