Comment vont évoluer les cours de l’or noir lors des prochains mois ? C’est la question qui met responsables politiques, experts, professionnels et investisseurs au bord de la crise de nerfs. Car peu de gens s’aventurent aujourd’hui à faire des pronostics sur l’avenir des cours du pétrole tellement l’incertitude est importante. Il faut rappeler que les cours des prix du pétrole ont connu une forte baisse et se situent au cours du second trimestre de l’année en cours autour de 60$ après trois années où ils ont flirté avec les 110$.
Et, la principale source d’incertitude concerne l’offre mondiale. En effet, la demande se stabilise de plus en plus à un niveau faible, niveau du fait de la baisse de la croissance des pays émergents et de la forte diminution de leur demande sur les marchés mondiaux. Certains experts n’hésitent pas à avancer que le niveau des cours vont tomber entre 40 et 50$ pour le baril, compte tenu du niveau actuel de la demande des pays émergents. En même temps, l’évolution de l’offre qui aurait pu équilibrer la demande et peser sur les marchés mondiaux paraît plus incertaine. En effet, la chute récente des cours, au lieu de renforcer l’unité des pays producteurs, a eu pour effet de mettre en avant leurs divergences et de les faire éclater au grand jour. Entre ceux qui considèrent que le niveau actuel des prix est convenable et n’envisagent pas une diminution de la production mondiale et ceux qui leur sont opposés, les divergences sont de plus en plus fortes.
Ces divergences apparaîssent d’abord au sein des pays de l’OPEP. Si les pays du Golfe avec à leur tête l’Arabie Saoudite rejettent toute baisse du niveau de production mondiale et disent avoir retenu la leçon des politiques désastreuses des années 1980 où ce type de politique s’est traduit par la perte d’importants clients et de la baisse de leurs parts sur les marchés mondiaux sans avoir un effet sur le niveau des cours. Pour ces pays, le niveau de production de 30 millions de barils/jour pour l’OPEP qui leur garantirait un cours se situant entre 60 et 70$ est un bon compromis. Il faut dire qu’en dépit de l’impact négatif de la chute des cours, ces pays disposent encore de réserves importantes. Ainsi, par exemple, en Arabie Saoudite les réserves ont connu une baisse de 49 milliards de $ lors des quatre premiers mois. Mais, en dépit de cette baisse, ces réserves se situent autour de 683 milliards de $. De même le Koweït qui a connu une baisse de 20 milliards de $ et les Emirats arabes unis dont les revenus ont diminué de 22 milliards se sont alignés sur la position saoudienne et rejettent toute proposition de baisse de la production au sein des pays de l’OPEP.
Or, d’autres pays de l’OPEP ne sont pas du même avis et exigent une révision à la baisse du niveau de production des pays membres afin d’espérer une hausse des cours. C’est la position défendue par des pays comme le Venezuela qui est au bord de la cessation de paiement. C’est aussi la position soutenue par l’Iran qui espère mettre à profit la levée de l’embargo pour augmenter sa production d’un million de barils. De son côté, l’Irak demande un traitement de faveur et espère doubler sa production actuelle de quatre millions de barils afin de faire face à l’augmentation rapide de ses dépenses en armement pour lutter contre les avancées de l’Etat islamique.
Parallèlement à l’OPEP dont la part ne représente que le tiers de la production mondiale, il faut mentionner les autres producteurs qui n’en sont pas membres et dont la production pèse sur l’offre mondiale. On peut souligner la Russie et le Mexique et bien d’autres pays qui, touchés par la chute des cours, cherchent à augmenter leur niveau de production pour espérer des recettes supplémentaires. Le cas le plus frappant est celui de la Russie dont certains experts ne sont pas loin de penser que la chute actuelle des cours est motivé, par des considérations politiques et son véritable objectif réside dans la volonté des pays occidentaux et notamment la Russie d’asphyxier ce pays et l’emmener à des positions plus conciliantes sur les conflits régionaux. Et l’évolution économique et financière de la Russie semble leur donner raison avec une forte dépression de l’économie russe et une baisse de la croissance de -3%, suite à la baisse des cours dont les revenus représentent près de 50% des recettes du budget.
Les stratégies divergentes des grands producteurs dans un contexte marqué par une forte baisse de la demande vont accroître l’incertitude sur l’évolution des cours de l’or noir lors des prochains mois. En effet, si le retour au niveau des cours des trois dernières années supérieurs à 110$ paraît difficile, les pronostics sur son évolution future est incertaine.
Pour nous, la baisse des cours constitue une aubaine qui doit être saisie rapidement pour passer des paroles aux actes dans notre transition énergétique et pour opérer une véritable réforme du système de compensation afin de réduire les pressions sur le budget de l’Etat et dégager plus de ressources pour l’investissement et le développement.