Au cœur des tractations politiques et des négociations entre les différentes composantes du gouvernement d’union nationale sur l’accord de Carthage II et l’avenir du gouvernement, les chiffres sur la situation économique continuent de tomber. Et, malheureusement, ils nous ramènent à la triste réalité d’une forte détérioration de la situation économique et financière du pays. La semaine dernière, nous avons eu une moisson de résultats économiques, dont ceux de la croissance du premier trimestre, de l’emploi, ainsi que les chiffres du commerce extérieur. Or, ces résultats, même s’ils ont été utilisés par les responsables pour mettre l’accent sur le début d’un redressement de la situation économique, sont significatifs d’une grande fragilité de la situation économique et de la gravité de la crise que traverse notre pays.
Cette semaine, c’est une nouvelle batterie de chiffres et de résultats économiques qui nous parviennent et non des moindres ! Il s’agit des résultats de l’investissement qui, probablement plus que tous les autres, confirment la gravité de la situation économique et cette absence de confiance qui pousse les investisseurs à la prudence et les enferme dans un attentisme sans fin. L’Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation vient de publier les chiffres de l’investissement pour les quatre premiers mois, qui montrent une nette régression par rapport à la même période au cours de l’année passée. Cette régression de l’investissement a atteint un chiffre important qui se situe autour de 31,4%. Cette forte baisse a entraîné dans son sillage celle des emplois créés par les nouveaux investissements qui ont régressé de -7,2%.
Cette baisse des investissements a touché tous les secteurs. Ainsi, le secteur industriel a connu un recul important des investissements qui a atteint 24,9% au cours des quatre premiers mois de l’année en cours par rapport à l’année précédente. Cette baisse a été à l’origine d’une forte diminution des emplois créés par les nouveaux investissements de 16,2%. La chute des investissements dans le secteur des services a été encore plus marquée et s’est située autour de 44,9% au cours de la même période.
Ces résultats sont significatifs de la gravité de la crise et des défis économiques à relever afin de relancer la croissance et de sortir de ce tunnel. Ces questions sont d’autant plus importantes que l’investissement est au cœur des dynamiques de croissance et de transformation structurelle des économies.
Ces résultats posent de notre point de vue trois grandes interrogations quant à l’avenir de notre économie. La première est liée à l’attentisme et à la prudence manifestes dans l’attitude et le comportement des investisseurs. Ces attitudes sont significatives d’une confiance chancelante qui réduit la prise de risque qui dure depuis 2011 et qui, à l’image des derniers chiffres, s’est accentuée lors des derniers mois. Ce défi exige une intervention vigoureuse de l’Etat pour sortir les investisseurs de leur attentisme à travers notamment une politique de grands travaux capable de redonner confiance et de relancer la croissance économique.
La seconde question concerne les conséquences de ce recul de l’investissement sur l’emploi et la lutte contre le chômage. Cet attentisme pèsera longtemps sur l’emploi qui restera d’une grande fragilité sans une reprise franche et forte des investissements.
Le dernier défi concerne la nature de la dynamique de croissance enclenchée depuis 2011 et dont la consommation a été la principale locomotive. Ce type de croissance a été à l’origine de la détérioration des grands équilibres, notamment le déficit budgétaire et les déficits externes en l’absence d’une production pour faire face à la demande additionnelle. La panne de l’investissement explique la faiblesse de la croissance et les déséquilibres qu’elle ne cesse de générer.
Les résultats annoncés et nos performances en matière d’investissement sont significatifs de la grande crise économique et des défis à relever. Il nous paraît difficile d’évoquer le début d’un redressement économique sans une reprise forte de l’investissement. Il est urgent que l’action publique mette au centre de ses priorités la reprise de l’investissement capable de relancer la croissance, de redonner l’espoir et d’offrir le plus solide des fondements à notre transition démocratique. n