A l’instar de 70% de la population tunisienne qui réside dans un site urbanisé, nous avons tous des aspirations légitimes de qualité de vie dans nos villes et villages. Cela implique un logement décent, un environnement sain et non pollué, des routes et des trottoirs en bon état, des services publics accessibles, des espaces commerciaux convenables, des infrastructures sportives disponibles et des activités culturelles variées ainsi que des espaces verts bien entretenus et des loisirs variés.
Est-ce trop demander aux responsables des collectivités locales qui ont été créés dans ce but, qui disposent des pouvoirs nécessaires pour gérer ces espaces urbains et qui sont dotés d’un budget destiné à réaliser ces objectifs ?
Or, notre cadre de vie quotidien déjà peu satisfaisant avant la Révolution, ne cesse de se dégrader depuis six ans dans l’indifférence de l’Administration, des pouvoirs publics et avec la complicité active et malveillante d’une partie de nos concitoyens. Amoncellement de déchets domestiques en ville et de gravats le long des routes, chaussées défoncées, trottoirs crevassés, occupation illégale des espaces publics par des kiosques, les terrasses de cafés et des étalages de commerces parallèles, constructions de logements anarchiques, abattoirs et marchés municipaux dans un état de vétusté avancée, hygiène déplorable dans les lieux publics,…
Les mairies n’arrivent pas à assumer correctement les fonctions “traditionnelles” des collectivités locales, comme la construction et l’entretien de chaussées et de trottoirs, l’enlèvement des déchets domestiques, le respect de l’hygiène et de la propreté des lieux publics, l’aménagement d’espaces verts, ainsi que l’application stricte des dispositions du code de l’urbanisme, alors qu’elles doivent logiquement assumer également des fonctions de développement : construction d’un marché de gros pour les fruits et légumes avec des chambres froides ou d’un abattoir moderne respectant les normes d’hygiène les plus sévères avec contrôle vétérinaire.
Aménagement de terrains ou de locaux pour abriter des activités économiques privées créatrices de richesses et d’emplois.
Implanter des complexes sportifs et culturels pour accueillir des manifestations génératrices de recettes, mais aussi répondre aux besoins et attentes de la population locale.
Il est clair que les mairies ne disposent pas de ressources financières suffisantes pour assumer ces fonctions, combien nobles ?
Il est remarquable de constater que la majorité des communes ne disposent pas de budget d’investissement ou bien celui-ci est réduit à sa plus simple expression.
L’essentiel du budget est destiné aux dépenses de fonctionnement donc aux salaires des fonctionnaires locaux.
La décentralisation des pouvoirs au profit des régions et des collectivités, prévue par la Constitution, et qui ne tardera pas à se concrétiser dans les années qui viennent après les élections municipales de 2018, qui vont renforcer cette tendance, nous devons nous y préparer.
Il faut dire qu’une partie de nos concitoyens sont responsables de la dégradation de notre cadre de vie, pour des raisons culturelles, mais aussi à cause du manque d’autorité de l’Etat qui encourage l’impunité puisqu’il ne sanctionne pas les infractions.
En effet, il y a de graves défaillances en matière d’hygiène publique et de sécurité alimentaire dans les locaux publics, alors que les services municipaux autant que ceux du ministère de la Santé restent indifférents. Il suffit de rendre visite aux gargottes, aux cuisines de certains restaurants, pâtisseries et cafés pour constater dans quelle situation sont préparées et conservées des denrées alimentaires périssables, pour apprécier l’état de l’hygiène.
Chaque mairie doit avoir son propre plan d’investissement car toutes les mairies sont tenues d’investir dans des projets de développement qui correspondent aux besoins et aux attentes de la population locale, mais qui sont également susceptibles de contribuer à renforcer les recettes municipales sous forme de loyers, d’impôts et de taxes locales, tout en créant directement ou indirectement des emplois.
Les responsables des mairies, désignés dans le cadre des délégations spéciales ou mieux s’ils étaient élus, doivent travailler en étroite coopération avec la population organisée, sous forme de société civile, pour identifier les projets et arrêter les priorités.
Malgré cela, les communes savent recourir aux crédits de la caisse de prêts aux collectivités locales en cas de besoin.
La mise à niveau des mairies s’impose d’urgence par la restructuration de leur organisation, car beaucoup de mairies ne savent pas ou n’ont pas les moyens de réaliser un lotissement, d’entretenir un parc d’engins mécaniques, un espace vert ou un complexe sportif.
L’Etat est tenu de doter de façon substantielle les mairies en équipements sous forme de matériel lourd, pour assurer les travaux routiers et veiller sur l’enlèvement des déchets domestiques, bennes-tasseuses et bull-dozers.
Il faut renforcer également les ressources humaines et les compétences : recrutement d’architectes et d’ingénieurs pour les services techniques.
Il y a lieu de rappeler que feu Hassib Ben Ammar, à l’époque gouverneur-maire de la Capitale avait par ses initiatives montré la voie du développement aux communes dans les années 60.
Il avait créé plusieurs sociétés filiales de la mairie et du gouvernorat de Tunis comme la Société El Iskan et l’Intercommunale des travaux qui ont réalisé plusieurs projets.
Construction de logements sociaux, aménagement de la zone industrielle la Charguia I, édification d’un village-type à Mornaghia etc.
La Charguia I a permis l’expansion de l’industrie tunisienne aux portes de la Capitale dans les années 60 et 70.
Conscient de ses responsabilités en matière de constructions anarchiques, l’Etat a confié à l’ARRU le soin d’assurer la réhabilitation des quartiers populaires construits de façon anarchique sans plan d’aménagement préalable et sans infrastructures de base ni réseaux de fluides conçus de façon rationnelle mais il faudrait que l’autorité de l’Etat empêche la reconstitution des mêmes erreurs en matière d’habitat spontané.
C’est grâce aux crédits de l’AFD qui a financé une grande partie de la réhabilitation de ces quartiers, que nous pouvons améliorer notre cadre de vie.
En outre, une action mérite d’être citée : le ministère de l’Equipement vient de prendre en charge, à la demande du gouvernement, la rénovation d’une partie du réseau routier de dix grandes communes (10 km) 10 moyennes communes (5 km) et 10 petites communes (3km). Une action bénéfique qui reste malheureusement limitée et qui mérite d’être étendue et généralisée.
Nous attendons avec impatience de voir les résultats de ces actions se concrétiser sur le terrain.
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