Litige CNAM-pharmaciens: Non assistance à malade en danger

Rien ne va plus entre la CNAM et les pharmaciens, la rupture est bel et bien entamée depuis le 8 juillet 2015. Désormais, la filière du tiers payant ne vaudra plus un clou et ses affiliés seront obligés de payer leurs médicaments rubis sur l’ongle. Ainsi en a décidé le syndicat des pharmaciens officinaux, ainsi a laissé faire la CNAM. Il est bon de rappeler que les affiliés de cette filière de soins sont les malades les moins bien nantis économiquement parlant.
La filière du tiers payant a été créée par la CNAM pour permettre à une catégorie de personnes à revenus très moyens d’accéder aux soins dans le secteur privé en ne payant qu’un ticket modérateur presque symbolique. Le reste des frais étant payé par la CNAM directement aux prestataires de soins. Cette solution a permis de désengorger un peu les consultations dans le secteur public, particulièrement au niveau des consultations des maladies chroniques. C’est justement pour ces cas là que le tiers payant était intéressant. Les malades porteurs de ce genre d’affection bénéficiaient de la prise en charge intégrale aussi bien pour la consultation médicale, dans le privé toujours, que pour les médicaments. Ils ne payent même pas de ticket modérateur.

Non assistance à personne en danger
24 catégories de maladies donnent droit à la prise en charge intégrale « APCI » : le diabète, l’hypertension, les maladies cardiaques, les maladies métaboliques, l’asthme l’insuffisance respiratoire, l’insuffisance rénale, les maladies du foie, les maladies thyroïdiennes, la tuberculose, la sclérose en plaque, l’épilepsie, le glaucome, les maladies auto-immunes et tant d’autres ! Ça fait neuf ans que plus d’un million de personnes souffrant de maladies chroniques peuvent se soigner grâce à la filière du tiers payant. Ça fait neuf ans que ces malades se servent dans la même pharmacie où ils ont déposé leurs dossiers CNAM-APCI. Aujourd’hui que va-t-on leur dire quand ils iront chercher leurs médicaments « vitaux » dans la même pharmacie depuis neuf ans ? Quel pharmacien aura le courage de dire à un diabétique : non je ne vous donne pas votre insuline, non je ne vous donne pas votre ventoline vous l’asthmatique, non je ne vous donne pas votre cardensiel, vous le cardiaque, non je ne vous donne le dépakine pour votre enfant épileptique, parce que vous ne pouvez pas payer ? Rentrez chez vous et allez crever… C’est de la non assistance à personne en danger.
Quelle est cette CNAM qui peut accepter qu’on en arrive là ? Un malade chronique qui ne prend pas son traitement va droit aux complications et plus. Un malade chronique qui ne prend pas son traitement met un pied dans la tombe. Un malade chronique simple bien équilibré coûte environ 2000 dinars par an à l’Etat. Si la maladie se complique, ce chiffre est multiplié par 10. (chiffre calculé par le ministère de la Santé pour le diabète). C’est la ruine du système de soins en Tunisie. La CNAM est –elle consciente de ce scénario catastrophe vers lequel on se dirige ?

Qui se soucie du malade ?
Des deux côtés des « belligérants », il n’y a rien qui prouve que quelqu’un se soucie du malade, qui n’a pas les moyens de payer comptant. Il n’y a pas de plan B de la part de la CNAM, mais il n’y a pas de plan B de la part des pharmaciens non plus. Faut-il rappeler à ces derniers qu’ils ne sont pas de simples vendeurs de produits médicaux et paramédicaux, mais des intervenants dans la prise en charge des malades et que leur rôle est irremplaçable, et qu’il ne s’agit pas d’un bras de fer avec la CNAM, mais de leur droit de défendre, avant leurs intérêts, la Santé du citoyen ?
Et les ministères de tutelle, pourquoi ne les entend-on pas ? Qu’en pense le ministère des Affaires sociales ? Qu’en pense le ministère de la Santé ? Qu’en pense le Conseil national de l’ordre des pharmaciens ? Qu’en pense l’UGTT ? Qu’en pense la défense du consommateur ? Qu’en pense le gouvernement ? S’agissant de malades en danger, tout le monde est concerné et le citoyen doit connaitre les opinions des uns et des autres.
Et les médecins dans tout ça ? Selon un communiqué publié par leur représentant syndical, Le Bureau exécutif du syndicat tunisien des médecins libéraux, « constate avec regret l’arrêt à partir du 08 juillet prochain de la relation conventionnelle liant le SPOT représentant des pharmaciens à la CNAM. Le STML considère que cette décision portera préjudice à l’accessibilité au secteur privé des citoyens, surtout des classes défavorisées et moyennes, dont le tiers payant avait été le principal acquis apporté par la réforme de l’assurance maladie. Le STML soutient les pharmaciens ….. fait assumer la responsabilité de cet échec principalement à la direction actuelle de la CNAM, appelle l’autorité de tutelle à assumer ses responsabilités afin de sauver le tiers payant, à veiller à assurer la continuité des soins dans le secteur privé aux millions de citoyens, assurés sociaux et ayants droit des filières au tiers payant et au remboursement, dont une grande partie sont des personnes âgées souffrant de maladies chroniques particulièrement fragiles ».
Tout est dit et cela a le mérite d’être clair : cette rupture de la convention sectorielle CNAM-pharmacien, même si elle est soutenue par les médecins, ces derniers rappellent que ce sont les classes les plus défavorisées qui en pâtiront le plus.

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