Livre : “Soixante. Et le rêve demeure encore possible” de Hafedh Zouari

Par Mohamed Ali Ben Sghaier

A Kalaâ Kébira, cette grande ville du Sahel tunisien, l’homme d’affaires Hafedh Zouari est pour la plupart des habitants un symbole, une icône et l’idole de toute une génération.
Hafedh Zouari, qui s’apprête à célébrer ses soixante ans, retrace dans un livre qu’il vient de publier, le parcours de sa vie. Dans ce livre intitulé “Soixante. Et le rêve demeure encore possible”, le fondateur du Groupe Zouari parle d’un parcours marqué par de grands succès, des moments de joie inoubliables, certes, mais semés également d’embûches, d’épreuves et de défis.

Kalaâ Kébira, point de départ et d’arrivée
Issu d’une famille de vieille souche dont le père, un chauffeur d’autocar, fervent syndicaliste et compagnon du fondateur de l’UGTT et l’un des principaux chefs de file du mouvement national tunisien, Farhat Hached, l’homme d’affaires Hafedh Zouari, né le 18 mars 1963, a choisi de forger son avenir et de construire un empire à partir de zéro dès l’âge de 14 ans, après avoir prématurément, quitté les bancs du lycée Ali Bourguiba. 
Droit dans ses bottes, Hafedh Zouari, actuellement président d’un gigantesque groupe économique, a décidé de ne compter que sur ses propres forces. Il s’est jeté à corps perdu dans un monde qui l’a toujours fasciné, s’adonnant à son ardente passion, à savoir le commerce. En rejoignant Annaba (Algérie) où résidait sa tante maternelle, d’origine algérienne, il commence son aventure dans le monde du commerce. Et comme il est convenu que les fruits tiennent la promesse des fleurs, d’un petit importateur d’articles de broderie, puis de pièces de rechange automobiles, le jeune Kalaéen, ambitieux, intelligent et persévérant campe actuellement au club des plus puissants investisseurs dans le pays avec un groupe industriel composé de plus d’une quinzaine d’entreprises et employant plus de 1000 salariés dont la majorité sont des ingénieurs et de hauts cadres.
Le partenariat que le groupe Zouari a établi avec des géants asiatiques en matière d’industrie automobile lui a permis de diversifier l’offre au marché tunisien. D’ailleurs, Hafedh Zouari s’est échiné à maintes reprises à convaincre les autorités en place de changer de fusil d’épaule et de s’orienter vers l’Est pour booster l’investissement, tout en préservant bien évidemment les intérêts de la Tunisie avec ses partenaires traditionnels européens. Des appels qui restent jusque-là lettre morte. Cependant, Zouari n’a pas baissé les bras, bien au contraire. Le Groupe Zouari, représentant officiel en Tunisie du constructeur automobile d’origine sud-coréenne SsangYong, a renforcé ses investissements et sa coopération avec d’autres firmes asiatiques qui s’imposent de plus en plus comme nouveaux acteurs de la mondialisation, dont le géant chinois King Long, premier constructeur mondial de bus.
Le grand mérite de Hafedh Zouari est qu’il a toujours été égal à lui-même. Alors que la majorité des hommes d’affaires de la région a choisi de s’installer en dehors de leur ville génitrice pour une raison ou pour une autre, Zouari ne s’est pas inscrit dans cette tendance. Bien au contraire, il a toujours fait montre d’un attachement incommensurable à sa ville. Rares sont les manifestations organisées à Kalaâ Kébira où cette personnalité largement appréciée et respectée, n’y a pas été. Son engagement inconditionnel dans la vie associative lui a permis de devenir le premier sponsor des activités culturelles et sportives. Il est le mécène de certaines associations et clubs dont l’Etoile sportive du Sahel et de nombreux artistes et sportifs tels que l’escrimeuse Azza Besbes. 
D’ailleurs, ce dévouement à ces deux mondes n’était pas un fait de hasard.  Engagé depuis son enfance dans le scoutisme, Hafedh Zouari a commencé son voyage dans le monde associatif : de membre au sein de la Jeune chambre à président de l’Hirondelle sportive de Kalaâ Kébira. Il était également le président du bureau local et membre du bureau régional de l’UTICA à Sousse avant de rejoindre l’Association Al Karama. 
Cet attachement à l’acte associatif s’est traduit finalement par la création par Hafedh Zouari et certains de ses compagnons, de l’association “Al Mahaba” dont les actions ont dépassé toutes les estimations. Outre son engagement, lors de la période de la Covid-19, dans la lutte contre cette pandémie à travers l’approvisionnement en matériel et médicaments nécessaires, l’opération de réaménagement de l’école primaire 1er juin, restera dans les annales de cet établissement scolaire dont Zouari était l’un des élèves. Il s’agit pour lui d’“un geste de reconnaissance”. Accorder un montant de 1 milliard et demi pour rénover une école publique, ce n’est pas toujours donné ! Et pourtant, Hafedh Zouari l’a fait. Non pas pour se démarquer des autres, mais “par pleine conviction qu’à travers l’éducation, on peut atteindre le faîte de la croissance et du développement social et économique”. 
L’investissement d’un grand homme d’affaires dans la vie associative, les actions caritatives et les œuvres de bienfaisance, notamment après la Révolution du 14 janvier, ont valu à Hafedh Zouari d’être, certes objet de jalousie, de trahison, de coups de massue, d’usurpation de droit, etc. mais également, d’être de plus en plus sollicité par certains partis politiques. “Peu enthousiaste au départ, fuyant les feux de la rampe et sachant d’avance l’ingratitude des politiciens, il finira par accepter”, peut-on lire dans la note de l’éditeur Leaders.

La politique : un écosystème toxique 
Ayant été élu membre de l’Assemblée des représentants du peuple sur la liste Afek Tounes, le parti qu’il a intégré en 2014, Hafedh Zouari s’est lancé dans une aventure politique très mouvementée. Cet engagement dans les affaires politiques durant plus de 7 ans, lui a permis de découvrir le vrai visage de plusieurs figures politiques de premier plan. La guerre d’ego au sein d’Afek Tounes, l’entêtement de Yacine Brahim qui voulait  faire  la pluie et le beau temps, ce qui a valu au parti d’être effrité, l’effervescence au sein du parti Al Badil présidé par Mehdi Jomaâ, l’arrogance et l’avidité du pouvoir de Youssef Chahed le “golden boy”, le bras de fer de Mechichi avec le président Kaïs Saïed, les manœuvres de Rached Ghannouchi, les dissidences au sein du Bloc Al Islah, etc, sont autant d’histoires et de situations vécues et relatées en détail par Hafedh Zouari. 
Ce dernier a rapporté “des scènes surréalistes, des propos surprenants, des attitudes insoupçonnées. Franc et sincère, parfois incrédule, mais guère attiré par les fastes du pouvoir ou hypnotisé par les promesses des politiciens, il rend compte d’un écosystème toxique et des pratiques inacceptables. Marchandages, magouilles, manœuvres et bassesse abondent dans les marigots politiques. Les anecdotes ne manquent pas, des énigmes sont déverrouillées”, peut-on lire dans la note d’éditeur.

Des hommes dans le parcours
Hafedh Zouari, ancien membre du conseil municipal de la ville de Kalaâ Kébira, a côtoyé des hommes qui ont laissé des traces indélébiles dans sa vie. Tout un chapitre y a été consacré, dans ce livre bien illustré en photos, en signe de reconnaissance à ces personnalités. On peut citer Moncef Fradi, ancien surveillant général du lycée Ali Bourguiba, Ahmed Ben Zeineb, celui qui a donné des ailes au jeune commerçant pour développer son projet, Cheikh Ouannas Ben Hassine, le “bailleur de fonds”, Abdelaziz Chouchane, l’idole, Abdelaziz Sassi, le gentleman et le premier associé, et Mohamed Ennaceur, l’ancien président de l’ARP qui a préfacé ce livre. 
Rédigé en collaboration avec Mohamed Boughalleb, “Soixante. Et le rêve demeure encore possible”, ce livre de 365 pages, retrace non seulement le parcours de son auteur mais également celui de toute la classe politique post-Révolution. Une classe politique où primaient, l’hypocrisie des uns et l’ambition dévorante des autres. « J’ai tout trouvé dans la politique, sauf l’éthique », regrette Zouari.

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