Le report, en octobre 2014, par l’ANC (Assemblée nationale constituante) de l’examen du projet de la loi antiterroriste et de répression du blanchiment d’argent a été senti comme une énorme frustration aussi bien par l’opinion publique que par les forces de sécurité et de l’armée nationale qui ont payé, au cours des deux années passées, le lourd tribut de la prolifération de cette menace.
Hajer Ajroudi
Pourtant, l’ANC , après avoir adopté une dizaine d’articles ( sur 163) du projet de loi antiterroriste et de répression du blanchiment d’argent, a, pour des raisons de calculs politiques et également suite à des différends entre les divers blocs politiques, préféré se dérober de ses responsabilités au moment où le pays a enregistré une inquiétante multiplication des attaques et un accroissement des victimes parmi les forces de sécurité et de l’Armée.
Alors que cette menace plane toujours et que les groupes terroristes continuent à semer la mort et la peur dans certaines régions, l’adoption d’une nouvelle loi destinée à combattre le terrorisme est devenue une urgence. La finalité est de mener un combat efficace contre tous ceux qui sont en train de mener une guerre tendant à changer les fondements de la société tunisienne.
A plusieurs reprises, les syndicats de la police et les ministères de la Justice et de l’Intérieur ont demandé que la loi anti-terroriste soit adoptée rapidement, pour permettre au pays de lutter plus efficacement contre cette menace.
Accélérer la promulgation de la loi
Il faut souligner que le projet de loi initialement élaboré ne tient pas compte de la gravité des crimes terroristes, pas plus qu’il ne traite des organisations terroristes et des foyers de tension en dehors de la Tunisie.
La loi antiterroriste est censée permettre aux agents de sécurité de mieux accomplir leur travail tout en respectant la loi, ce qui exige, la promulgation d’une loi claire qui ne souffre pas d’interprétations contradictoires.
Aussi est-il nécessaire de faire en sorte que les amendements réclamés par les différents syndicats des forces de sécurité soient en harmonie avec les exigences du fonctionnement démocratique de l’institution sécuritaire et les spécificités du travail de terrain ?
Depuis l’entrée en activité de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), la pression s’est à nouveau accentuée et les appels se sont multipliés pour accélérer la promulgation de la loi contre le terrorisme et son application.
Selon la présidente de la commission de la législation générale de l’ANC, Kalthoum Badr Eddine, la loi proposée était différente de celle de 2003 sur plusieurs points. Elle permet de spécifier d’une façon précise les actes terroristes et les responsabilités qui en découlent, tout en déférant les dossiers terroristes des tribunaux militaires aux tribunaux civils. Contrairement à la loi de 2003, celle de 2014 détermine les sanctions selon chaque crime terroriste commis sans traiter tous les dossiers sous l’angle terrorisme. Plus important, le projet de loi constitue un cadre global et cohérent aussi bien en matière de lutte contre le terrorisme qu’en matière de prévention de cette hydre.
En attendant qu’une suite favorable soit donnée à cette exigence et que l’ARP inscrive ce dossier dans son ordre de jour, l’urgence de certaines situations a poussé au recours à des expédients. Le 7 janvier dernier, le ministère de l’Intérieur a permis, sous conditions, aux agents de sécurité de porter leurs armes en dehors des horaires de service. La décision a été prise suite à l’assassinat d’un agent de la sécurité, Mohamed Ali Charaabi au Fahs, gouvernorat de Zaghouan.
Aujourd’hui, la question continue à susciter un débat parfois contradictoire, mais un consensus se dégage néanmoins. Dans l’actuelle phase cruciale que traverse le pays qui commande d’orienter tous les efforts vers le développement des régions intérieures, l’impulsion de l’investissement et la promotion du partenariat, il n’est point possible d’accomplir une avancée significative sans mettre au point une stratégie efficace de lutte contre le terrorisme.
Pour restaurer la confiance et donner un signal clair aux opérateurs, il faut impérativement franchir ce pas.
Zied Laadhari : une priorité législative
L’adoption et la mise en œuvre de la loi antiterroriste est une priorité législative. le chef du nouveau gouvernement et l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) doivent organiser leurs agendas et y travailler rapidement. Le mouvement Ennahdha classe la lutte antiterroriste comme une priorité.
Sahbi Jouini : trois priorités
Trois priorités se présentent en urgence. En premier lieu, l’élaboration de textes de loi protégeant l’agent de la sécurité lors de l’accomplissement de ses missions. A titre d’exemple, au cas où un individu refuse d’obtempérer et que l’agent se voit dans l’obligation de tirer et s’il lui arrive de tuer, il devrait être jugé pour meurtre involontaire.
Il faudra aussi activer les textes relatifs à la loi antiterroriste comme l’article relatif à l’appartenance à une organisation terroriste.
En troisième lieu, il faut élaborer un texte de loi accordant une protection policière aux juges dans les affaires de terrorisme ainsi qu’à leurs familles. Ce qui leur permettra d’accomplir leur mission dans la sérénité et sans aucune crainte ou une quelconque influence.
Alaya Allani : les priorités et les préalables
Aujourd’hui, je considère que l’adoption de la loi antiterroriste et de lutte contre le blanchiment d’argent est une priorité pour deux raisons évidentes.
Sur le plan interne, la deuxième République dont l’une des principales réalisations sera l’édification d’un État démocratique a besoin d’une stabilité économique qui ne sera possible qu’avec un environnement sécuritaire sain.
Cela nécessite la révision de l’appareil des renseignements et la création d’une agence de sécurité nationale qui aura à appréhender cette question sous une dimension globale. Cela suppose de fournir la logistique et les études de sécurité se basant sur les méthodes les plus modernes. Je crois que la cohérence entre Droits de l’Homme et défis sécuritaires ne nous empêche pas de souligner la priorité à conférer aux législations protégeant les agents de la sécurité. La priorité devrait aussi être donnée à l’accélération dans l’attribution de plus amples prérogatives au comité des analyses financières et à la découverte de la vérité dans les opérations et les échanges financiers suspects.
Le comité d’analyses actuel ne peut faire face au flux d’argent introduit dans le pays sous la présidence de la Troïka à travers des associations caritatives.
Les raisons externes sont inhérentes à la situation sécuritaire qui prévaut en Libye, ce qui impose à nos agents de sécurité et à l’Armée un effort double et les expose à des dangers certains. C’est pour cette raison qu’il faut accorder la priorité à la sécurité des agents et leur fournir une protection juridique nécessaire ainsi que des encouragements en cohérence avec les sacrifices qu’ils sont en train de consentir.
L’incident tragique de Charlie Hebdo a obligé l’Etat français à allouer un budget supplémentaire pour soutenir les agents des renseignements et pour améliorer la logistique. Les Etats-Unis et l’Europe ont permis dernièrement l’échange d’informations précises sur les groupes terroristes.
Parmi les textes qu’il faut activer dans la loi antiterroriste, je citerai l’organisation d’opérations d’écoute et de contrôle de l’Internet (article 51). L’espace internet est devenu un moyen important de recrutement de djihadistes. Les terroristes utilisent de plus en plus cette importante plateforme pour la préparation de leurs opérations.