Le Club Finance de l’ATUGE a organisé, ce jeudi 24 septembre, une conférence-débat autours de la loi de relance de l’économie déposée par le gouvernement en juillet et qui actuellement à l’étude par la commission finance de l’ARP.
Cette rencontre, animée par plusieurs professionnels du secteur de l’économie et des finances, a été une occasion de présenter les mesures phares de cette loi et les effets attendus, et de discuter de ses insuffisances éventuelles en proposant des pistes d’amélioration ou d’évolution de certains articles, peut-on lire dans un communiqué de l’ATUGE.
Fayçal Derbel, membre de commission Finances de l’ARP et ancien conseiller du Chef du Gouvernement, a présenté brièvement la situation actuelle du pays : le déficit budgétaire à fin juillet est de plus de 5 milliards de dinars alors que les prévisions étaient de 3,8 milliard pour toute l’année.
Selon lui, la COVID a creusé une situation déjà tendue, accentuée par la baisse de production de phosphate, pétrole et gaz et celle de la production industrielle. Il est probable qu’on finisse l’année avec un déficit budgétaire à 2 chiffres et le budget n’est toujours pas bouclé, sans parler de l’impact du verdict de l’affaire BFT. Derbel a affirmé par ailleurs, que vu l’ampleur de la crise, la loi ne permettra pas de la relance escomptée et devra être enrichie par un grand nombre de propositions soumises à l’ARP par différentes institutions et corporations reçues par la commission finances ces dernières semaines (plus de 250 propositions reçues).
« Les principales mesures de ce texte sont l’amnistie de change, le decashing, et la baisse de la pression fiscale. Uniformiser le taux de l’IS à 13,5% ou 15% (sauf les secteurs imposés à 35%), et baisser partiellement la TVA sur l’immobilier » a-t-il estimé avant de conclure : « A partir de mi 2021, la convention d’échange d’informations entre 162 pays dans le monde sera automatique et non plus sur demande, et nous savons par exemple que rien qu’en France, il y a 24.000 comptes bancaires détenus par des résidents en Tunisie. L’exemple marocain est instructif : ils attendaient 3 milliards de dollars suite à l’amnistie de 2017, ils ont récolté le double ! ».
Prenant la parole à son tour, Abderrazak Zouari, économiste et universitaire, a fortement critiqué le titre du projet de la loi. Il a estimé en effet qu’on ne pouvait parler de relance, qu’à travers l’offre ou la demande, or il n’y a que des mesures fiscales dans ce texte, et elles auraient dû figurer dans la loi de finances.
Il a proposé que les 250 propositions soumises à l’ARP suite aux auditions de la commission finances soient envoyées au ministère des finances en vue de la préparation de la LF2021. Zouari a en outre, proposé de sortir le Titre II du budget de l’Etat et le mettre sous la houlette de la CDC. Il a aussi préconisé de faire un moratoire sur les petits projets souvent sans impact et ne garder que les grands projets.
Les bailleurs verseraient directement leurs fonds dans la CDC et cela éviterait de les utiliser pour payer les salaires, comme c’est le cas actuellement. Il a recommandé de changer la manière de faire pour les politiques sectorielles : chaque ministre devrait présenter un plan de relance de son secteur dans le mois qui suit sa nomination !
Habiba Louati, ancienne directrice de la DGELF (Direction Générale des Etudes et de la Législation Fiscale), a relevé de son coté, la dichotomie entre le titre de la loi et son contenu.
On parle de « relance de l’économie » alors qu’il n’y a aucune mesure économique dans ce texte, ce sont toutes des mesures fiscales dans le but de mobiliser des ressources. Pourquoi sommes-nous incapables de faire de la relance économique sans toucher à la fiscalité ? Le pays a besoin de stabilité fiscale, de l’avis unanime de tous les acteurs. Elle a donné l’exemple de l’enregistrement des achats de biens fonciers et immobiliers : 4 changements en 10 ans, donc le contribuable paie au petit bonheur la chance, selon qu’il ait acheté en 2012, en 2016, en 2018 ou en 2021. Elle a critiqué les faibles taux de pénalités proposés par les amnisties, comparés aux pénalités ultra élevées pour les retards d’enregistrement des biens par exemple.
Madame Louati a décrit également les moyens insuffisants mis à disposition de l’administration fiscale pour les contrôles et le recouvrement : sans digitalisation et refonte totale des Systèmes d’Information du ministère des finances, nous continuerons à être incapables d’appliquer les lois.