Loi électorale : les députés sont-ils bien placés pour critiquer le président ?

Depuis l’annonce du refus du président de la République, Béji Caïd Essebsi, de signer la promulgation de la loi électorale, nous avons vu les députés défiler sur la scène politique pour dénoncer une violation claire de la Constitution et crier au scandale. Il y a eu, parmi eux, Habib Khedher, député d’Ennahdha, qui, dans un statut Facebook publié dimanche 21 juillet 2019, a dénoncé un comportement que nous n’avons même pas connu sous le despotisme, selon lui. Il y a eu, également, Ghazi Chaouachi, député du Courant Démocratique et Héla Omrane ce lundi matin. Tous ont dénoncé une menace pour le processus démocratique.
Mais nos chers députés sont-ils bien placés pour critiquer la décision du président de la République ? En réalité, c’est l’hôpital qui se moque de la charité. Depuis l’Assemblée Nationale Constituante (2011-2013) et l’instauration de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), suite aux élections législatives de 2014, les députés n’ont eu de cesse d’enfreindre la Constitution et d’avancer à reculons. Souvenons-nous de ces nombreux projets de loi, pourtant vitaux, qui se trouvent encore dans les tiroirs à l’instar de la loi d’urgence économique. Ce sont ces mêmes députés qui ont pris beaucoup trop de temps pour élire, en 2018, les membres de l’ISIE (Instance Supérieure Indépendante pour les Élections), avec leurs tiraillements politiques, leurs réunions infernales, et bien d’autres « prouesses ». L’une de leur dernière « prouesse » concerne la Cour Constitutionnelle. Une instance inscrite dans la Constitution mais que les députés n’arrivent toujours pas à en élire les membres. Pour quelle raison ? Chaque bloc parlementaire, commandé par son parti politique, veut installer son champion au sein de cette Cour, et c’est sans parler de l’Instance Nationale de la bonne gouvernance et de lutte contre la corruption.
Certes, le président de la République a enfreint la Constitution en refusant de promulguer la version amendée de la loi et en refusant de recourir à ses prérogatives – renvoi vers l’ARP ou référendum -, mais les députés sont très mal placés pour le critiquer car ils ont, pour leur part, enfreint la Constitution pendant 5 ans. Pour quelle raison font-ils cela ? A l’approche des élections, c’est sans doute une manière pour eux de faire parler d’eux et de commencer leur campagne électorale. Après une hibernation qui a duré 5 ans, les voici, aujourd’hui, bien réveillés pour prouver leur existence et leur bonne foi.

F.K

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