La loi électorale est déjà prête. Elle devrait être débattue à la séance plénière de l’ANC au courant de cette semaine. Pourtant, plusieurs points restent conflictuels et l’inquiétude aujourd’hui est que les délais pour l’organisation des élections ne soient pas respectés. Focus.
La question de l’enregistrement des électeurs est parmi les points conflictuels. Si certains représentants des partis politiques sont pour l’enregistrement automatique, afin de permettre au plus grand nombre d’électeurs de participer aux élections, d’autres estiment qu’il faut que l’enregistrement soit volontaire, afin d’éviter la fraude électorale.
L’accompagnement de personnes illettrées pose aussi problème. Mohamed Chafiq Sarsar, président de l’ISIE (Instance Supérieur Indépendante pour les Élections), a mis en garde contre cette mesure, laquelle, selon lui, « fait atteinte au principe du vote à bulletin secret ». « L’assistance à l’électeur ne doit se faire que dans des cas exceptionnels où ce dernier ne peut absolument pas écrire » a-t-il précisé au journal le Maghreb (le 20 mars). Moez Bouraoui, président de l’association ATIDE (Association Tunisienne pour l’Intégrité et la démocratie des Élections) a considéré ce fait comme « catastrophique » car cette catégorie représente 24.6% des électeurs, ce qui aura une grande incidence sur la transparence des élections. Un fait dénoncé aussi par plusieurs partis dont le Front Populaire.
Article 15 : le garder ou non ?
Conserver ou non l’article 15 de l’ancienne loi électorale de 2011, concernant l’exclusion des ex-rcdistes de la vie politique, est une autre question à résoudre durant le vote de la loi à séance plénière. « Nous avons gardé le même article, avec une modification concernant l’exclusion de la participation aux élections, de ceux qui ont appelé à la réélection de Ben Ali », précise Mohamed Tahar Al Ilahi, coordinateur adjoint de la commission pour la législation générale. Les députés du CPR, du mouvement Wafa, certains députés d’Ennahdha et des démissionnaires de la Pétition Populaire se sont fortement mobilisés pour le maintien de l’article 15 dans sa version originale de 2011 et sont en train de faire de la pression pour faire passer la loi sur l’immunisation de la Révolution.
Par ailleurs, il va falloir résoudre la question de l’organisation des deux scrutins : législatif et présidentiel. Faut-il les tenir simultanément ? Et sinon par lequel commencer ? Là aussi, la classe politique est divisée entre ceux qui préfèrent la solution de la simultanéité en vue d’augmenter leur chance durant les élections et de barrer la route devant leurs concurrents et ceux qui préfèrent les séparer. Certains représentants de la société civile sont contre la simultanéité, en la considérant comme « une catastrophe électorale », comme l’a qualifiée, Moez Bouraoui, en raison des difficultés logistiques et techniques. Chafiq Sarsar, président de l’ISIE, a précisé lui, qu’il s’agit là « d’un choix politique » et que l’ANC devrait trancher en prenant en considération l’ampleur des préparatifs logistiques, financiers et humain, pour un bon déroulement du scrutin.
En cas de séparation des deux scrutins, des constitutionalistes rappellent qu’il faudra commencer avec les présidentielles pour ne pas être en contradiction avec le paragraphe 4 de l’article 148 de la constitution.
Le financement des élections : un casse-tête
Le financement de la campagne électorale est aussi parmi les points polémiques. Deux positions se présentent: la première, défendant la nécessité de donner 50% du montant, aux listes électorales, avant les élections. La deuxième estime qu’il faut mettre un seuil de 3% des voix des électeurs pour recevoir le financement (soit après le scrutin), afin d’éviter de dilapider l’argent public, à l’image de ce qui s’est passé en octobre 2011.
Cependant, la loi électorale ne pouvait être admise qu’après sa validation par l’instance provisoire pour le contrôle de la conformité des lois à la constitution. Or, elle n’a pas été encore créée. Deux projets ont été soumis à l’ANC pour sa formation : l’un par un groupe de députés, l’autre par le gouvernement. Ils devraient être analysés cette semaine.
Et face à tout cela, il y a l’inquiétude de ne pas pouvoir respecter les délais pour l’organisation des élections, soit vers la fin de 2014, comme le prévoit la Constitution dans le chapitre sur les lois transitionnelles.
Hanène Zbiss