Lorsque l’économie fait du surplace !

Au moment où le Chef du gouvernement assure que nous sommes au bout de nos peines et que le gouvernement défend devant l’Assemblée sa loi de Finances en promettant monts et merveilles, les derniers chiffres publiés par l’Institut national des statistiques nous ramènent à la triste réalité : une économie en berne qui éprouve les plus grandes difficultés à retrouver une nouvelle dynamique de croissance.
Pour s’en convaincre, il faut revenir aux résultats trimestriels publiés par l’INS il y a quelques jours sur les performances de notre économie lors du troisième trimestre de l’année en cours. Ces chiffres mettent fin au récit du retour de la croissance et de la relance des dynamiques économiques utilisé par les pouvoirs publics au cours des dernières semaines. La croissance est retombée en glissement annuel, selon les chiffres de l’INS, de 2,8% lors du second trimestre à 2,6% lors du troisième. En même temps, la croissance n’a été que de 0,5% lors de ce troisième trimestre par rapport au second.
Mais, plus que la croissance, c’est surtout son contenu qui renforce nos inquiétudes. Il faut dire que ce contenu a connu une importante évolution au cours des deux dernières années avec une montée en puissance de l’agriculture, suite à des récoltes exceptionnelles d’olives et de dattes, et une activité touristique qui a réussi à surmonter les conséquences des attentats terroristes de 2015, redonner confiance aux touristes européens et à attirer nos voisins algériens et libyens. Une structure de croissance perçue comme un revers pour un pays en transition et qui a construit sa dynamique de développement sur la diversification de ses structures économiques et la fin de sa dépendance vis-à-vis de l’agriculture et des autres secteurs rentiers hérités de la période coloniale avec le rôle central de l’industrie qui a porté la croissance à partir de la fin des années 1960.
La nouvelle structure de la croissance inquiétait plus d’un et le retrait des industries manufacturières était un motif de préoccupation et un signe du syndrome ou de la trappe des pays intermédiaires. Or, on nous a expliqué qu’il s’agissait d’une parenthèse du fait des difficultés de la transition politique, de l’incertitude qui l’accompagne mais que la croissance retrouverait sa trajectoire historique et que l’industrie reprendrait la dynamique de transition quelque peu distendue. Ce récit a trouvé quelques éléments de justification dans les résultats économiques des derniers mois et particulièrement lorsque l’industrie est sortie de sa torpeur avec un rythme de croissance de 2,8% lors du dernier trimestre de l’année passée. Ce rythme s’est maintenu lors du premier trimestre de l’année en cours, même s’il était moins élevé avec un taux de 2,4%. Mais, le second trimestre va tirer la sonnette d’alarme avec une chute brutale du rythme de croissance des industries manufacturières qui va se situer autour de 0,8%. Ce trend baissier va se confirmer lors du troisième trimestre avec une croissance négative de -0,3%.
Ce sont l’agriculture (8,3%), les industries non manufacturières (3,7%) suite à l’augmentation de la production pétrolière, et les services (3,3%), particulièrement avec la reprise des activités touristiques qui vont se substituer aux industries manufacturières pour maintenir à  flot la croissance globale lors du troisième trimestre de l’année en cours.
Ce relâchement de la croissance a eu des effets immédiats sur l’emploi avec une nouvelle montée du chômage. Le chômage global est passé lors de ce troisième trimestre à 15,5% alors qu’il se situait à 15,4% lors du second. Le chômage des diplômés a suivi la même tendance et est passé de 29,2 à 29,7% entre le second et le troisième trimestre.
Ces indicateurs montrent que l’économie, en dépit des incantations officielles et de certaines institutions internationales, est en train de faire du surplace et peine à trouver une dynamique forte pour sortir de sa léthargie. A qui la faute ? Et comment sortir de cette trappe stagflationniste de croissance molle avec une inflation relativement élevée ? Je crois que la réponse se situe au niveau des choix conventionnels des politiques économiques du gouvernement qui est obnubilé par les grands équilibres macroéconomiques. Je crois qu’il est important de sortir de ces choix et de faire de la reprise de la croissance à travers une relance ambitieuse de l’investissement, le cheval de bataille de l’action publique. Car, rappelons-nous que la macroéconomie ne peut être un objectif en soi et que la relance de la croissance est le seul moyen pour alléger les grands déséquilibres macroéconomiques.
Aujourd’hui, en dépit des discours triomphalistes, notre économie reste en berne et éprouve les plus grandes difficultés à retrouver les sentiers d’une croissance forte. Toute la question est de savoir si nous retrouverons l’audace et le courage pour formuler les stratégies nécessaires à cette transition et pour offrir une plus grande espérance sociale. n

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