Lorsque les économistes se trompent ! (II)

Par Hakim Ben Hammouda

Cet article* a contribué largement à la remise en cause des politiques de relance keynésienne remises à l’ordre du jour dans le contexte de la crise globale. Il a renforcé le camp des défenseurs des politiques de stabilisation ou d’austérité dans le débat global qui les opposait à ceux favorables à la poursuite des politiques de relance afin de sortir de la grande crise. Cet article a été cité par le Président Obama dans l’un de ses discours en 2010 et il est devenu rapidement la référence ultime des politiques d’austérité particulièrement en Europe sous influence allemande et qui défend ses politiques bec et ongles en dépit d’un niveau de crise sociale et d’exclusion sans précédent. 

Les auteurs ont reconnu leur erreur dans une contribution récente à l’International Herald Tribune même s’ils persistent à défendre la consolidation budgétaire (The austerity debate des 27 et 28 avril 2013). Par ailleurs, les langues se sont déliées depuis et on évoque d’autres contributions d’éminents économistes qui ont justifié les politiques d’austérité et qui se sont avérées plus tard erronées. On rappelle à ce niveau l’autre grand défenseur des politiques d’austérité, Alberto Alesina de la prestigieuse université de Harvard, et son fameux article de 2009 co-écrit avec Silvia Ardagna dans lequel ils démontrent non seulement que les politiques d’austérité sont nécessaires mais qu’elles peuvent avoir des effets expansionnistes (Large Changes in Fiscal Policy : Taxes versus spending). En quelques années, Alesina est devenu le grand gourou des politiques d’austérité particulièrement auprès de la Banque centrale européenne, nouvelle gardienne du temple de l’orthodoxie économique du temps de la présidence Jean-Claude Trichet. Or, les résultats de cette étude ont été remis en cause en utilisant de meilleures données par un autre gardien de l’orthodoxie, le FMI, passé depuis dans les rangs du pragmatisme sous la houlette de son ancien Directeur général le keynésien Dominique Strauss-Kahn (voir IMF, From stimulus to consolidation : revenue and expenditure policies in advanced and emerging economies, 2010). 

En somme, nous sommes face à la faillite des justifications théoriques des politiques d’austérité mises en place par beaucoup de pays et un appel à un renouveau de la réflexion en matière de politique économique pour sortir d’une crise sociale sans précédent qui a été à l’origine, comme c’est le cas dans les pays du printemps arabe, de la chute des pouvoirs en place. Est-ce suffisant pour remettre en cause les politiques d’austérité ? Pas si sûr, répond le bouillonnant prix Nobel Paul Krugman, car les politiques économiques se nourrissent de la misère de la pensée quotidienne « nous vivons au-dessus de nos moyens » alors que nous devrions dire « nous ne dépensons pas assez » (Voir The 1 percent solution dans International Herald Tribune des 27 et 28 avril 2013). Mais surtout Krugman souligne que les politiques d’austérité sont des choix sociaux qui répondent aux intérêts des 1% les plus riches de la population qui ne voient d’issue à la crise des finances publiques que dans la réduction des dépenses sociales en faveur des plus pauvres. 

Ce nouvel épisode montre qu’en dépit de la quête effrénée de scientificité, l’économie reste une science sociale et les économistes sont capables de se tromper. Ici comme ailleurs, il est temps de sortir du conformisme et se rappeler que l’audace est la meilleure réponse aux incertitudes par temps de crise. Il est important de relancer la croissance car c’est la dépression qui rend les dettes insoutenables !          

 

* article d’économistes réputés sous la direction de son Professeur Robert Pollin (voir Thomas Herndon, Michael Ash et Robert Pollin, Does high public debt consistently stifle economic growth ? A critique of Reinhart and Rogoff publié le 15 avril 2013).

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