Lotfi Saibi: Les discours, reflets des positionnements

 

Par Hajer Ajroudi

 

Pouvez-vous classer les discours de Béji Caïd Essebsi, Moncef Marzouki /Hachmi Hamdi et Slim Riahi dans les catégories auxquelles ils réfèrent ?

Ces trois candidats ont survécu en politique et/ou en affaires, ils ont l’habitude de surmonter les chalenges, de défier la perception générale de leur l’image. Par conséquent, leurs discours aujourd’hui reflètent en premier lieu leur positionnement, ainsi que leurs perceptions publiques.  En second lieu, ils révèlent l’obstination des quatre à passer le cap du second tour. Leurs discours respectifs laissent aussi transparaitre qui est le concurrent direct de chacun d’entre eux. Et finalement leurs discours sont le reflet de leurs personnalités.

En général, les discours portent sur trois thèmes majeurs: les jeunes, les femmes ou les disparités régionales. C’est la nature de la région où se trouve le candidat, ainsi que les conditions socioéconomiques de son public cible qui déterminent le choix de l’un ou l’autre de ces thèmes. Ironiquement et étant donné les prérogatives limitées du président, la majorité d’entre eux n’ont pas exposé leurs programmes pour rétablir la sécurité, lutter contre l’anarchie, renforcer la défense, combattre le terrorisme et gérer les Affaires étrangères. Cela peut indiquer une inexpérience dans ces domaines et un manque d’assurance quant à l’exposition de ces détails, ainsi que l’inexistence dune stratégie poussant ces candidats à user de moyens rhétoriques typiques en s’attaquant à leurs adversaires sans pour autant détailler leur vision.

La position de Béji Caïd Essebsi est un peu différente, il porte le label de «l’homme à abattre» dans cette campagne, mais son discours est plus celui de l’homme d’État expérimenté et rassembleur et celui du père de la nation qui a le plus de connaissances.

Le discours de Mohamed Moncef Marzouki cible les indécis et regorge d’attaques directes à l’encontre de son adversaire, Béji Caïd Essebsi. Son discours a pour objectif premier de le positionner comme le seul et meilleur choix de tous ceux qui s’opposent au retour de l’ancien régime. Je crois que ce discours peut être destructeur et contre-productif pour Mohamed Moncef Marzouki lui-même.

Sur quoi se basent les différents discours des candidats cités ci-dessus ?

Les différents discours reflètent la position dans laquelle chaque candidat s’est trouvé une semaine avant les élections. Béji Caïd Essebsi n’a eu d’autres choix que d’axer sa communication sur la réconciliation, le rassemblement, en adossant le rôle du «père de la nation». Son discours et je cite : Tounes (Tunisie), bladna (notre pays), État (dawla), alwatan (la patrie), echaab (le peuple) souligne qu’il communique avec force et assurance.

À cause du fait qu’ils sont derrière lui, à une semaine des élections, les discours de Hachmi Hamdi, de Mohamed Moncef Marzouki et de Slim Riahi sont négatifs, hostiles et favorisent la bipolarisation. Ils adoptent la stratégie du «diviser pour mieux régner» en nourrissant la crainte et la division régionale, pointant le passé comme un exemple de ce que l’avenir pourrait être, un avenir où parti serait unique. Slim Riahi utilise les jeunes pour cliver, Mohamed Moncef Marzouki utilise les régions et l’ancien régime du RCD pour diviser et Hachmi Hamdi utilise le régionalisme et la précarité pour diviser aussi. Ce qu’ils n’expriment pas avec les mots, mais transparait à travers leur communication cest le populisme à son comble, en faisant des apparitions dans les marchés, les salons, les restaurants, en essayant de paraître comme un citoyen «normal», ayant de l’empathie envers les pauvres, les jeunes et les chômeurs.

Quels discours des candidats cités ci-dessus sont les plus susceptibles d’être politiquement «incorrects» ?

Le «politiquement correct» porte généralement une connotation péjorative, mais en période de campagne politique il s’avère très efficace. Slim Riahi, Moncef Marzouki et Hachmi Hamdi utilisent des discours politiques incorrects et, ce qui est surprenant, efficaces. Leurs discours attirent les électeurs indécis, mais qui votent contre les dirigeants de l’ancien régime. Leur discours n’est d’ailleurs pas très différent de celui de la droite conservatrice ou néoconservatrice aux États-Unis durant les années 90 et le début des 2000. Il s’agit de discours basés sur la haine, la division, la diffamation et la bipolarisation religieuse et régionale.

 
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