LU POUR VOUS La peur écarlate *

 

Tout le monde connait Shining, roman de Stephen King, mettant en scène Damien et ses pouvoirs de médium. Tout le monde connait Shining, le film de Stanley Kubrick, condamné par Stephen King qui ne voulut jamais le reconnaitre… ce qui n’a pas empêché le dit film de devenir culte…

On doute qu’un écrivain au succès monstre, comme King, soit trop inquiet au point de se voir forcer de se livrer au «sequel» lucratif. Pourtant, on sent bien qu’il se sent un peu dépassé par la tournure que prend le goût du public, de plus en plus exigeant. C’est peut-être pour ça que l’on ressent des allusions à l’univers de Game of Thrones ou encore au Sixième sens de Bruce Willis. Docteur sleep souhaiterait-il fournir une sorte de catharsis romancée pour ceux qui craignent les vampires, les loups-garous ou les zombies ?

Docteur Sleep est donc la suite de Shining  et vu la courbe, qualitativement parlant, descendante, que connait actuellement les romans du « maître de l’épouvante », il y a de quoi être épouvanté par ce saugrenu désir de coller une suite à un livre/film qui se suffit amplement à lui-même. Dans la note de l’auteur qui clôture le roman, King admet que les suites ne sont presque jamais aussi bonnes que les originaux, et «rien ne peut vivre dans la mémoire qu’une bonne peur » . Rancunier, comme peut l’être un ado mal-dégrossi, King parle, encore, de Kubrick et de son adaptation, son film « dont beaucoup semblent se rappeler – pour des raisons que je n’ai jamais bien compris – comme l’un des plus effrayants films qu’ils ont vus ». Le roman, pas le film, est « la véritable histoire de la famille Torrance ». Visiblement, King regrette de voir le film être davantage cité que le livre… voire de le surpasser. On peut même se demander si ce Docteur sleep n’aurait pas été écrit dans le seul but de se « venger » du réalisateur anglais.

Ici Dan Torrance, le petit garçon, qui, dans The Shining, voit des morts, a maintenant bien grandi. Malheureusement, il est devenu un looser qui boit de bar en bar et couche avec n’importe qui. La torpeur morale est levée avec quelques descriptions de gueule de bois, autant amusantes que dégoûtantes, et de la comédie existentielle retentissante.

Dan se décide finalement de résider dans une petite ville dans le New Hampshire, et commence à aller aux réunions des AA tout en travaillant comme veilleur de nuit dans l’hospice local. Il s’agit d’un immeuble de caractère propice à l’épanchement horrifique : «Il y avait une tourelle dans le haut de la maison sur le côté gauche, mais aucune sur la droite, donnant à l’endroit un aspect étrangement déséquilibré ».

Les talents surnaturels de Dan, longtemps réprimés par la boisson, lui permettent d’aider les gens pour mourir paisiblement, ce qui l’amène à se voir affublé du nom de « Docteur sommeil ». Dan commence également à recevoir des messages télépathiques d’une jeune fille, dont les capacités psychiques sont beaucoup plus fortes que la sienne, et l’on découvre qu’elle figure au menu dégustation d’un groupe d’individus pas très recommandables.

Un autre écrivain à succès à l’échelle mondiale est Haruki Murakami, sur qui l’on est tenté de supposer que King a eu une influence précoce. Les deux auteurs sont en mesure de décrire, dans les loisirs et dans l’amour, des scènes d’action tirées d’un quotidien monotone.

 

King conserve l’action logique, compréhensible et rapide. Il est même capable de construire une tension dramatique à travers une scène où l’on voit des gens dans une voiture se battre pour le contrôle télépathique d’un pistolet ! Ces moments sont certainement étranges, mais le livre est-il effrayant ? Eh bien, oui ! Disons que ce que le roman perd en peur brute, il le rattrape avec des plaisirs plus subtils. Alors pour ou contre ? Ni pour, ni contre, bien au contraire !

Farouk Bahri

 

*Docteur Sleep de Stephen King, éd. Albin Michel, 600 p.

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