Lu pour vous : Une beauté qui se dérobe

Avant-goût

Un livre composé d’illustrations photographiques. Quoi de mieux qu’une œuvre somme pour (re)découvrir les particularités architecturales et urbanistes de la Tunisie ? Tunis, l’orient de la modernité, offre une virée étonnante entre lieux connus et découvertes.

Laissons-nous guider dans les dédales de l’Histoire et les dédales des rues, places et édifices de la Tunisie.

 

Lecture

Au regard de la couverture, nous pensons avoir affaire à un précis d’étudiant ou de passionné d’architectures. La couverture est intrigante, elle donne envie de voir, elle donne aussi envie de comprendre.

Prosaïquement, Tunis, l’orient de la modernité est un ouvrage qui s’inscrit dans le passé. Démarrant au XIIIe siècle jusqu’à la période pré-indépendance. Le livre laisse un sentiment mitigé. Ce sentiment lancinant d’une nostalgie, d’une gloire passée et d’un avenir incertain.

Confier un ouvrage consacré à Tunis sous formes d’instantanés à deux artistes étrangers, l’un pour le texte, l’autre pour la photographie est en soi une idée intéressante. De fait, nombreux sont les endroits que nous connaissons et qui sont mis en avant : rue de Yougoslavie, rue Lénine, Bab el Khadhra, El Menzah, hippodrome de Ksar-Saïd… autant d’endroits que nous redécouvrons grâce à un éclairage, une perspective, un zoom… et que nos yeux habitués ont complètement assimilés à notre quotidien.

Tunis, l’orient de la modernité est un livre qui se dévore des yeux. Il fait appel aux sens, il suscite l’imagination, il extrapole, il livre un voyage maupassantien à travers les rues de la médina, la Goulette ou la place Pasteur.

Si la photographie de Thoms Bilange touche et provoque les sens, le texte à la poésie surannée de Charles Bilas, « Si les deux syllabes qui composent le nom Tunis évoquent à elles seules la douceur susurrées des mélopées orientales […]» semble placer la Tunisie au grenier de l’Histoire.  Le décalage se situe là, entre les clichés, les schémas et autres esquisses que l’on dévore et le texte, intéressant certes, est trop fourni.

Les images se suffisent à elles-mêmes et le texte souligne, parfois lourdement, telles ou telles anecdotes. Le Métronome, best-seller en France sur des endroits connus et peu connus du public montre, à travers les anecdotes et autres coulisses de l’Histoire, qu’il est possible de suggérer la densité des informations sans pour autant être pesant. L’écriture aurait gagné à être plus légère, car intéressante sur le fond, elle fatigue le lecteur sur la forme. Heureusement, lorsque Charles Billas s’éloigne du carcan historique, il décrit avec passion et érudition les mille et une beautés des murs de la capitale et de ses environs.

Et pourtant…. Nos parents avaient beau jurer leurs grands dieux que « C’était mieux avant. » L’on est convaincu que ce « mieux avant » était clairement justifié sur le plan esthétique. Revoir d’une manière visuellement virginale des endroits connus, reconnus, traversés et retraversés comme le marché central ou encore la manufacture de tabac, déclenche-t-elle  un excès de mélancolie ? Le questionnement de l’auteur sur les origines de Tunis « arabe, berbère, andalouse ou ottomane ? » est, en elle-même source de réflexion pour le lecteur.

 

Plume d’or ou de plomb ?

Voilà, il aurait sans doute fallu choisir entre vulgarisation et précieux de l’instantanéité pelliculée. Entre les deux, l’on a parfois l’impression de se retrouver avec un ouvrage hybride.

Le volet historique est, encore une fois, intéressant mais plombe davantage l’ouvrage qu’autre chose. Il y a pourtant de magnifiques citations d’Albert Memmi ou d’Alexandre Dumas, évoquant chacun avec son style les spécificités du terroir tunisien.

Mais, ne boudons pas notre plaisir ! Ce recueil vaut le coup. Une brèche spatio-temporelle s’ouvre devant nos yeux et nous montre des joyaux de notre patrimoine laissés à l’abandon, tout en reflétant, hélas, l’incohérence urbaine de Tunis. Ce qui n’est pas sans provoquer un léger pincement au cœur !

 

Tunis, l’orient de la modernité, Co-éd. : Éditions Déméter (Tunis)/ Éditions de l’éclat (France), 320p.

F.B.

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