SE Laura Baeza, ambassadeur, chef de la délégation de l’UE en Tunisie, a prononcé une conférence ayant pour thème : Le partenariat UE-Maghreb, entre opportunités et défis sécuritaires.
Mme Baeza reconnaît que la région est confrontée actuellement à des défis sécuritaires et à des changements socioéconomiques et politiques profonds qui affecteront l’avenir des citoyens, alors que ces derniers souhaitent une amélioration substantielle de leurs conditions de vie. Le rôle de la société civile s’est révélé considérable lors de ces bouleversements, c’est pourquoi l’UE s’est engagée à lui apporter un appui significatif.
L’ambassadeur de l’UE confirme que la coopération régionale pour relever les défis sécuritaires est un impératif qui s’impose contre ces tentatives de déstabilisation de la région. La politique de voisinage pratiquée par l’UE vise à appuyer la prospérité et la stabilité de la région.
En outre, l’approfondissement de l’intégration économique régionale est un facteur indispensable de croissance économique afin de transformer le riche potentiel de développement en résultats concrets, l’UE est engagée dans un processus de changement et de réformes profondes.
L’approfondissement des relations entre les cinq pays du Maghreb eux-mêmes est un gage de sécurité et de prospérité pour la région. L’UE a fait une communication en décembre 2012 sur son soutien à titre de partenaire essentiel et de voisin.
Il s’agit de lutter prioritairement contre la criminalité internationale et le terrorisme dans les pays du Maghreb et du Sahel. Les crises malienne et libyenne ont exacerbé les défis sécuritaires à cause de la progression du terrorisme et des trafics multiples subséquents : drogue, armement, carburants, cigarettes …
Quelle stratégie pour l’UE ?
La stratégie de l’UE pour la sécurité et le développement de la région du Sahel, présentée en mars 2011 en concertation avec les pays du Maghreb, considère qu’il y a un lien étroit entre sécurité et développement et ne peut être que régionale vu sa complexité et la perméabilité des frontières.
Les évènements récents du Djebel Chaambi prouvent la nécessité de la coordination étroite entre pays voisins pour une lutte vigilante contre le terrorisme le long des frontières.
Gilles de Kerchove, coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme, a identifié les domaines de coopération et d’échanges d’expertise. Des ressources financières supplémentaires ont été engagées, soit 167 millions d’euros, ce qui a permis d’articuler des projets autour des domaines suivants : développement, bonne gouvernance et règlement des conflits internes, action politique, sécurité et État de droit, lutte contre l’extrémisme et le radicalisme.
La récente crise du Mali a permis de mobiliser une aide humanitaire d’urgence par une mission de formation des forces maliennes et un soutien financier. Une conférence internationale sur le Mali, tenue le 15 mai à Bruxelles, a permis la reprise de l’aide avec un engagement d’1 milliard d’euros à laquelle s’ajoute les contributions des États membres soit un total de 3,5 milliards d’euros.
L’intégration économique maghrébine : un impératif
La redynamisation de l’UMA est considérée comme essentielle pour relever les défis sécuritaires communs : la récente rencontre des ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères, focalisée sur les questions de sécurité et de défense est un bon signe.
Les domaines de coopération sont multiples et prometteurs : sécurité alimentaire, ressources en eau, lutte contre la désertification, renforcement des infrastructures, coopération énergétique, sans négliger l’éducation et la formation professionnelle, facteurs de création d’emplois, et la lutte contre l’abandon scolaire prématuré des jeunes.
Les chantiers relatifs au développement des complémentarités entre les cinq pays du Maghreb ne manquent pas : renforcement du tissu industriel, encouragements aux investissements européens, appui aux PME, accès aux financements, tourisme, partenariats entre chefs d’entreprises européens et maghrébins, etc.
L’UE pourrait apporter un soutien significatif à la relance des institutions de l’UMA, encore faudrait-il que celle-ci fasse preuve de progression concrète en organisant par exemple son futur sommet.
Il faut dire qu’il y a des signaux prometteurs comme l’annonce du démarrage des activités de la Banque maghrébine d’investissement et de commerce extérieur en décembre 2013 après libération de la participation des États.
Le groupe 5+5 pourrait être soutenu par le financement des études de préparation des projets.
Il y a lieu de remarquer l’avancée des travaux du secrétariat de l’UPM avec la promotion de projets à portée régionale dans les domaines de l’eau, de l’enseignement supérieur, de la promotion de l’entrepreneuriat des femmes, de l’emploi, du transport et de la logistique.
Il est indispensable d’assurer des complémentarités et des synergies entre les dialogues sous-régionaux et l’UPM.
L’UE soutient la transition emblématique que connaît la Tunisie, elle est engagée sur le long terme à travers le plan d’action approuvé le 19 novembre 2012 par le Conseil d’association Tunisie-UE qui a posé les jalons du partenariat privilégié 2013-2017.
Il s’agit d’un saut qualitatif dans les relations avec renforcement du dialogue politique et stratégique, la concertation accrue dans la prévention des conflits et la gestion des crises, l’élaboration d’une politique étrangère et sécurité commune (PESC) et la politique de sécurité et de défense commune (PESD.)
Un débat interactif
Le débat qui a suivi la conférence de l’ambassadeur de l’UE a été animé avec habileté par M. Tahar Sioud, ancien ministre.
Celui-ci a affirmé d’entrée de jeu l’acuité des problèmes sécuritaires. Il s’agit en fait d’un enjeu considérable pour l’avenir de la région, qui aspire à un avenir meilleur sur tous les plans.
Plusieurs propositions et réflexions ont été faites par différents intervenants, portant sur la moralisation de la vie politique, la lutte contre la corruption, «la remise des politiques au travail», le respect des droits, la mise en place de réformes, la relance de l’économie et la prise de mesures de rattrapage. Il y a également un risque d’aggravation de la situation.
La crise de l’UMA a fait l’objet de prises de position différentes de la part de plusieurs intervenants. Alors que certains imputent le blocage du processus de l’Union des pays du Maghreb au problème du Sahara occidental qui oppose l’Algérie au Maroc, d’autres affirment que c’en est la conséquence et non la cause.
D’autres pensent encore que le Maroc ne lâchera jamais le Sahara occidental et qu’il n’y a pas de «peuple sahraoui,» mais des Marocains refugiés à Tindouf, donc possibilité d’autonomie sous la souveraineté marocaine.
L’ancien Premier ministre algérien, M. Ahmed Ghazali, a affirmé qu’il n’y a pas de développement sans sécurité, ni de sécurité sans bonne gouvernance, ce qui fait que la résolution du problème du terrorisme passe par des solutions à apporter aux causes, à savoir la pauvreté, le chômage et le sous-développement des régions défavorisées.
Il faut réconcilier les citoyens avec l’État et harmoniser les relations entre les deux.
Ridha Lahmar