Lutte contre le terrorisme: Faut-il revoir la stratégie adoptée ?

Il fallait s’attendre après la décapitation de ladite « katiba Okba Ibn Nafaa » à une réponse des terroristes après le rude coup infligé par la Garde nationale à cette nébuleuse terroriste. Encore une embuscade à Jebel Mghila entre Sbiba et Sbeitla et 5 de nos soldats ont été tués, et 4 autres blessés. Le bilan aurait pu s’alourdir car, selon les estimations du ministère de l’Intérieur, le groupe terroriste comptait entre 30 et 40 membres. Les soldats étaient armés, et l’alerte fut vite donnée et les renforts sont arrivés très vite pour dissuader les terroristes. Mais est-il possible avec une expérience qui commence à prendre du temps et une connaissance quasi parfaite du terrain, que nos forces armées et de sécurité puissent être piégées et subir des pertes humaines assez sévères?

L’opération terroriste

Le lieutenant-colonel Belhassen Oueslati, porte-parole du ministère de la Défense avait déclaré le lendemain de l’opération, que 4 soldats ont été tués et 4 autres blessés, l’un d’entre-eux décèdera le lendemain, ce qui élève le nombre de soldats tués à 5 qui sont :

– l’adjudant-chef Belgacem Abdouli, de Fayadh (Sidi Bouzid);

– le sergent Fathi Wannassi, de Sidi Ali Ben Aoun (Sidi Bouzid);

– le caporal-chef Abdelbaki Laajili, de Kalat Senan (Kef);

– le caporal Bilel Jfaflya, de Rouhia (Siliana);

– le caporal Akram Ben Salah, de Tebourba (Mannouba).

Les 4 soldats blessés par balles:

– le caporal Mounir Zaïri;

– le sergent Montassar Chourabi;

– le caporal-chef Haykal Hedhli;

– le caporal Khalil Labrak

Selon ce dernier, 13 suspects se trouvant sur les lieux au moment de l’embuscade tendue par le groupe terroriste, ont été arrêtés et remis aux unités spéciales du ministère de l’Intérieur pour être auditionnés.

Réplique terroriste attendue

Comme nous l’avons annoncé plus haut, les groupes terroristes voulaient marquer un acte de vengeance face à la perte de chefs parmi les plus éminents d’AQMI (rien à voir avec DAECH). Mais, il faut voir derrière cet acte une préparation minutieuse de cette embuscade : repérage, surveillance, préparation des armes et le passage à l’assaut final. Et c’est pour cette raison qu’il ne faut surtout pas sous-estimer ces terroristes qui adoptent de véritables méthodes de guérilla, et sont hautement entraînés au maquis.

Une ligne de front frontalière tellement dangereuse

Il faut sans doute insister sur l’importance que revêt aujourd’hui la mobilisation de nos troupes armées sur la ligne frontalière partant du mont Chaambi jusqu’à la frontière maritime au Nord-Ouest. Ce sont des séries montagneuses longues de plus de 240 km avec des massifs montagneux moyens dont les hauteurs varient de 600 à 1500 mètres, avec bien entendu des vallées, des gorges et surtout la concentration d’une population rurale et montagnarde qui connait parfaitement le terrain. Le djebel Mghila où a eu lieu l’opération terroriste s’élève à 1058 mètres d’altitude et est moyennement boisé, il avoisine djebel Smama qui atteint 1314 mètres. C’est dans ce triangle de montagnes (Smama, Mghila et Chaambi) et peut-être avec des voies communicantes avec les villages avoisinants que les terroristes agissent toujours en toute impunité. Bien plus qu’une topographie hostile avec des forêts denses, le phénomène de la contrebande et la complicité d’une partie de la population habitant ces régions y est pour beaucoup dans l’amplification du phénomène terroriste. Dans de précédentes opérations terroristes, des détenus ont avoué leurs recours même aux enfants pour les opérations de repérage, ce qui prouve encore une fois qu’il ne faut exclure aucune piste pour connaître le mode opératoire de ces groupes.

Il serait invraisemblable de penser que les terroristes avaient élu domicile exclusivement dans ces montagnes ; ce serait même naïf d’y croire. Comme les communiqués des ministères de la Défense et de l’Intérieur parlent de 30 à 40 terroristes sortis de nulle part, on se demande dès lors comment ce groupe peut-il attaquer une armée régulière solidement organisée et causer des victimes et s’enfuir sans être inquiété ???

La maîtrise du terrain de la confrontation avec les terroristes s’avère une condition nécessaire certes, mais demeure insuffisante voire insignifiante si elle ne s’accompagne pas d’une connaissance parfaite des hommes et des habitants. Que faire alors devant cette guerre de bandes?

L’armée tunisienne et les défis de la nouvelle guerre : changer la croyance militaire

C’est un constat logique que d’affirmer aujourd’hui que l’armée tunisienne, hautement imprégnée d’un esprit républicain, doit être au niveau des défis que pose le problème du terrorisme actuellement. En effet, l’armée tunisienne a été formée dans un esprit militaire de défense de la patrie contre l’ennemi étranger, par conséquent, tout a été dirigé pour la défense des frontières (terrestres, maritimes et aériennes). Or, l’ennemi est là, il est parmi nous et est à l’intérieur ! C’est un revirement stratégique de taille que de confronter les ennemis de la patrie de l’intérieur. Cela suppose une mobilisation de l’armée dans une nouvelle conception de défense. L’armée en est bien consciente, mais faut-il accélérer les choses en recourant à une autre conception certainement beaucoup plus lourde : l’armée de métier (voir notre article là-dessus dans un précédent numéro de Réalités).

Et ce n’est guère minimiser la valeur combattive de nos soldats, ni la perspicacité des haut cadres que de dire aussi que cette guerre contre ces groupes, ces nébuleuses et ces bandes doit être préparée autrement que par une approche classique de guerre dite « conventionnelle ». On assiste désormais à une guerre « asymétrique » : des bandes qui créent à chaque fois l’effet de surprise, déguisés le plus souvent en civils, en paysans ou en simples citoyens. Il est peu probable qu’avec nos moyens actuels aussi bien humains (entraînement) que matériels on puisse éradiquer ce fléau qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

Il est grand temps de revoir toute la stratégie de lutte contre ces groupes, à commencer par le service de renseignement, puis et surtout ne plus laisser des troupes fixes faire la sentinelle. Ces groupes recourent quasiment tout le temps à l’effet de surprise. Il est temps aussi d’user du même stratagème pour venir à bout de ces groupes qui doivent être surpris dans leurs nids. Rappelons-nous, l’opération de la Garde nationale contre les dirigeants de ces terroristes est une preuve que le renseignement, l’information et l’effet de surprise doivent-être les armes les plus utilisées contre ces vandales du XXIe siècle.

Pour les équipements aussi, la surveillance des montagnes, des villages et des villes doivent se faire avec des moyens, disons-le, civils. A une guerre non conventionnelle, des moyens non traditionnels. En attendant l’acquisition d’un matériel adéquat, il faut compter sur le facteur humain en remettant notre armée à jour par des manœuvres cycliques particulièrement avec nos voisins algériens.

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