Il aura fallu que la France commémore la grande kermesse annuelle de sa repentance pour que son frais émoulu président de la république fasse étalage de sa candeur en politique étrangère ; à moins que cela ne soit plus grave et qu’il n’ait fait qu’exprimer sa pensée profonde, en l’occurrence un soutien inconditionnel à la politique israélienne.
L’idée de Macron d’inviter Netanyahu à la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv était en soi osée. C’est un peu comme si on invitait un pédophile notoire à un congrès sur l’enfance malheureuse. Je sais que Macron est encore jeune et qu’il n’a pas forcément eu le temps de potasser les bons ouvrages d’histoire contemporaine mais venir affirmer, haut et fort, « qu’il ne cédera rien à l’antisionisme, forme réinventée de l’antisémitisme » a quelque chose de révoltant. Je crains que le chérubin qui vient miraculeusement d’atterrir à l’Elysée ne connaisse pas grand-chose de l’antisémitisme et encore moins du Sionisme.
Pour tout individu, un tant soit peu honnête et informé, le bilan du Sionisme est effarant : forgée dans l’esprit de nostalgiques de la « Terre promise » et d’obsédés de la légende du « Peuple élu », cette idéologie raciste et nauséabonde a été à l’origine de la plus grande injustice du 20e siècle. Ce qu’a subi le peuple palestinien depuis 1945 est une souillure pour la conscience universelle et les derniers propos pro-sionistes de Macron sont une insulte pour le drame que vit ce peuple depuis plus de 70 ans : chassés de leur terre, jetés sur les routes du Proche-Orient, humiliés au quotidien dans les territoires occupés, massacrés sous les bombes à Gaza, brefs traités en sous-hommes, les Palestiniens ne méritent pas encore la compassion de Super Macron ; ce dernier préfère visiblement faire des courbettes à un criminel de guerre et un raciste avéré comme Netanyahu, qu’il appelle « Bibi », histoire de lui témoigner son affection et sa totale adhésion à sa politique expansionniste scandaleuse. Mauvais en Histoire, Macron est carrément nul en Droit international puisqu’à l’évidence il ignore les résolutions des Nations-Unies qui condamnent Israël et stigmatisent ses incessantes violations de la légalité internationale.
Il est triste de constater que depuis la présidence Sarkozy, la politique française au Proche-Orient s’est rabaissée à un alignement servile aux thèses israéliennes. On est à mille lieues de la politique gaullienne faite d’équilibre et de respect du Droit international. Ce que Sarkozy a brillamment initié, a été confirmé par Hollande et aujourd’hui consacré par Macron : l’enterrement définitif d’une politique arabe et une reddition sans panache au bon vouloir d’Israël.
Vouloir assimiler une forme de racisme, l’antisémitisme, au rejet d’une idéologie expansionniste et xénophobe comme le Sionisme est le comble de l’imposture intellectuelle et témoigne d’une insigne mauvaise foi. L’objectif poursuivi par cet amalgame ridicule et infondé est de protéger Israël et de lui conférer un permis d’annexer et de tuer.
Si durant l’occupation, la France ne s’est pas grandie en prêtant main forte aux nazis et en organisant à Paris et ailleurs des rafles d’enfants et de femmes juifs, rien ne l’autorise, aujourd’hui, à commettre une autre injustice à l’égard des Palestiniens en tournant le dos à leurs souffrances et en cautionnant une politique israélienne indigne moralement et illégale juridiquement.
Battre sa coulpe, crier sa repentance sur tous les tons est un choix courageux que Chirac a jugé nécessaire de faire eu égard à la lourde responsabilité de l’administration française sous Vichy. Convier un personnage sulfureux pour partager cette fête de la contrition nationale et y promouvoir un amalgame douteux tel que celui dont nous a gratifié Macron est un choix nettement plus discutable.La jeunesse ne peut tout excuser même si on adore le « Bibi rond ».
*Avocat et éditorialiste