La justice française passe à l’acte

Lacour d’appel de Paris vient de rendre sa sentence. L’enquête pour complicité de torture en Libye visant la société Amesys se poursuivra… malgré la réticence du gouvernement. Compte rendu.

 

«La Chambre d’instruction est venue confirmer qu’il y avait matière à instruire dans cette affaire, malgré les obstacles posés par le Parquet de Paris, visiblement réticent à l’idée de permettre une enquête impartiale et indépendante dans cette affaire» a déclaré Me Patrick Baudouin, président d’honneur de la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH). Selon ce dernier, l’enquête passe désormais par l’audition des dirigeants d’Amesys mais également par le déplacement du juge en Libye. La justice française «doit enquêter avec célérité afin de déterminer, le cas échéant, si Amesys, en donnant au régime de Mouammar Kadhafi les moyens technologiques d’identifier toute voix dissidente, s’est rendue complice de la répression exercée à l’encontre de la population par ce régime meurtrier», a pour sa part indiqué Me Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH). Ainsi, la cour d’appel de Paris a ordonné la poursuite de l’enquête ouverte en mai 2012 pour complicité de torture en Libye visant la société Amesys, filiale du groupe informatique français Bull, opposant une fin de non-recevoir au parquet. L’instruction avait été lancée à la suite de la plainte des deux ONG déposée en octobre 2011. Toutefois, le parquet de Paris avait fait appel de la décision, prise en mai 2012, par une juge du pôle «génocides et crimes contre l’humanité», d’enquêter sur les accusations de complicité de torture contre Amesys. Il avait rendu un réquisitoire aux fins de non informer, considérant que les «faits dénoncés ne pouvaient recevoir de qualification pénale». Le 10 janvier 2013, cinq victimes libyennes — une femme et quatre hommes — se sont constituées parties civiles dans cette instruction, à la suite d’une mission de la FIDH en Libye. Elles ont été rejointes par six autres Libyens.

 

L’embarras français

Amesys, l’entreprise française filiale de Bull, a-t-elle fourni à Kadhafi un matériel de surveillance de communications en 2007, lui permettant ainsi d’espionner toutes les télécommunications de son pays ? C’est la question à laquelle devra répondre le juge d’instruction. L’affaire avait commencé le 29 août 2011. À l’occasion de la libération de Tripoli, des journalistes du Wall Street Journal pénètrent dans le bâtiment où le régime libyen surveillait les communications. Ils y découvrent des manuels rédigés en anglais portant le logo d’Amesys. L’entreprise française filiale du groupe Bull avait conclu un contrat de «mise à disposition de technologie aux fins d’interception de communication, de traitement de données et d’analyses en 2007». Accablée face aux révélations des médias, l’entreprise finit par reconnaitre en septembre 2011 avoir signé quatre ans plus tôt avec Kadhafi un contrat qui «concernait la mise à disposition d’un matériel d’analyse portant sur une fraction des connexions internet existantes, soit quelques milliers», pour surveiller les terroristes et les pédophiles. Et de souligner que «le contrat avait été signé dans un contexte de rapprochement diplomatique». Or pour les plaignants, la société ne pouvait ignorer l’utilisation de ce système par le régime libyen. Et le changement de majorité n’a pas débloqué la situation. Il y a quelques mois, une députée avait interpellé Laurent Fabius, le nouveau ministre des Affaires étrangères selon qui ce matériel (qui) n’est pas considéré comme une arme n’a donc été «soumis à aucun contrôle préalable à l’exportation.»

A.T

 

Maroc

Droits de l’enfant… peut mieux faire !

 

Le Maroc a célébré cette année le 20e anniversaire de la ratification de la convention des Nations unies des droits de l’enfant. À cette occasion, l’Unicef a publié un rapport intitulé «l’équité pour accélérer la réalisation des droits des enfants au Maroc» dans lequel elle dresse un bilan contrasté de la situation. Hasard du calendrier ? Au même moment le pays est sous le choc après la tentative de suicide de Nora, une jeune domestique.

 

Scolarisation primaire quasi universelle, taux de vaccination proche de 100%, législation nationale de plus en plus en harmonie avec les engagements internationaux, depuis la ratification de la convention des droits de l’enfant, «le Maroc a réalisé d’importants progrès en matière de promotion et réalisation (des droits de l’enfant)», note le rapport de l’Unicef qui dresse pourtant un bilan mitigé. Car selon l’organisation onusienne, le pays a certes réalisé de grandes avancées, mais celles-ci restent inéquitablement réparties. Les disparités sont perceptibles sur trois niveaux : entre le milieu rural et le milieu urbain, entre les plus riches et les plus pauvres et entre les garçons et les filles.

 

Absence de cadre législatif

En 2011, les statistiques du Haut-commissariat au Plan (HCP) faisaient état de 123.000 enfants âgés de 7 à 15 ans en situation de travail. Seulement, d’autres sources non officielles parlent de 600.000, voire 1,5 million. Toutefois, toujours selon la dernière enquête du HCP, les chiffres sont en forte régression depuis 1999. Le phénomène de travail des enfants est «un phénomène d’abord régional, rural, de pauvreté qui varie en fonction du niveau d’éducation du chef de ménage». Or, depuis les années 2000, le Maroc a entamé une politique d’obligation de scolarité qui commence à porter ses fruits. Côté arsenal juridique, et pour lutter contre le travail des enfants, le Maroc a souscrit aux principales conventions internationales en la matière. Toutefois, notent les associations, cette ratification demeure insuffisante pour éradiquer le travail des enfants de moins de 15 ans en l’absence de disposition répressive.

 

Nora, une énième victime

La célébration a tout de même un goût amer. Comme pour les rappeler à une dure réalité, un fait divers atterrant bouleverse au même moment les Marocains. Le 10 janvier, Nora, une «petite bonne», tente de se suicider en se jetant du quatrième étage d’un immeuble. La jeune femme survit, mais son geste de désespoir provoque la mort d’un jeune du quartier qui essaie de la rattraper. Nora est âgée de 19 ans, mais travaille depuis l’âge de 12 ans, comme «bonne»  dans les maisons bourgeoises de Marrakech puis de Casablanca. Violée il y a deux ans à Marrakech, sa famille l’a délaissée, refusant catégoriquement de la voir. Ses relations inexistantes avec ses parents et ses sœurs l’ont poussée à commettre cet acte ultime. «Cette malheureuse affaire nous rappelle l’urgence à promulguer une loi spécifique assortie de dispositions et de moyens concrets pour garantir le retrait des petites bonnes du lieu de leur exploitation, leur protection, leur accompagnement médical et psychologique et leur réinsertion sociale et à l’école», explique au site Yabladi, Omar El Kindi, directeur de l’association Insaf. Et ce dernier qui l’a aussitôt prise en charge a aussitôt regretté l’absence de soutiens des officiels dans ce dossier. En effet, pas un membre du gouvernement ne s’est rendu à son chevet pour s’enquérir de son état de santé.

A.T

 

Brèves

Maroc

Vers un retrait ?

L’Istiqlal, le parti nationaliste marocain, basculera-t-il dans les rangs de l’opposition ? C’est la question que se posent les médias locaux après l’élection de Hamid Chabat à la tête de la formation politique. Ce dernier multiplie les déclarations critiques, si ce n’est incendiaires, vis-à-vis du gouvernement d’Abdelilah Benkirane, gouvernement dont l’Istiqlal est partie prenante. Dans un mémorandum publié le 3 janvier dernier, il a notamment appelé à un remaniement ministériel. Les Marocains devraient être fixés en avril prochain. Le Conseil national a été saisi pour décider de l’éventuel retrait du parti. Pour l’instant, le parti de la Justice et du Développement (PJD) n’a pas encore répondu aux appels de son allié.

 

Une enquête qui fâche

«Environ 82% des travailleurs marocains n’ont aucune couverture médicale», a souligné l’hebdomadaire économique marocain La Vie Éco, qui se réfère à une enquête du Haut commissariat au plan (HCP). Selon le journal, le taux de couverture médicale «dépasse les 90% dans le secteur public, mais tourne autour de 12% dans le privé». La couverture médicale dépend également du milieu ; les actifs occupés en milieu urbain sont 32,1% à être couverts par une assurance contre seulement 4% en milieu rural.

 

Mauritanie

Don pour le recensement

Le gouvernement mauritanien et l’Union européenne (UE) ont signé une convention de financement d’un montant d’un million d’euros. L’enveloppe est destinée à l’appui d’une opération de Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH), opération qui bénéficiera de l’appui technique du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA). En Mauritanie, le dernier Recensement général de la population et de l’habitat remonte à 2000.

 

Libye

Le directeur du FBI en Libye

Dans le cadre de l’enquête sur l’attaque du consulat américain de Benghazi, Robert Mueller, le directeur du FBI, s’est rendu récemment en Libye. Ce dernier a rencontré plusieurs responsables libyens, dont le Premier ministre, Ali Zeidan et le responsable des services de renseignements. Depuis octobre, des agents du FBI sont à Benghazi afin d’analyser les lieux de l’attaque. Selon Barack Obama, les enquêteurs disposent de «très bonnes pistes». Toutefois, aucune arrestation n’a été effectuée à ce jour. L’attaque du consulat le 11 septembre dernier avait coûté la vie à l’ambassadeur des États-Unis. 

 

Algérie

Peines exemplaires

Le tribunal criminel près la Cour d’Alger a prononcé la peine capitale à l’encontre de onze personnes. Deux autres accusés présents au procès ont été condamnés respectivement à 10 et à 3 ans de réclusion criminelle. Parmi les condamnés, sept ont été jugés par contumace, dont, l’«émir» de l’Aqmi, Abdelmalek Droukdel. Poursuivis pour plusieurs chefs d’inculpation, notamment «adhésion à un groupe terroriste activant à l’intérieur et à l’extérieur du pays, homicide volontaire avec utilisation d’explosifs et atteinte à la sécurité et à l’unité du territoire national», ils ont été mis en cause dans le double attentant contre le Conseil constitutionnel et le Haut Commissariat des réfugiés (HCR). Le 11 décembre 2007, le double attentat causait un lourd bilan : 40 morts et près de 300 blessés.

 

Après la démission d’Ouyahia

Abdelkader Bensalah est désormais le secrétaire général par intérim du Rassemblement national démocratique (RND). Il est désormais chargé de gérer les affaires du parti jusqu’au prochain congrès, prévu dans quelques mois. Le choix de Bensalah est intervenu lors des travaux de la session ordinaire du Conseil national du RND, quelque temps après la démission de l’ex-secrétaire général du parti (et ancien Premier ministre), Ahmed Ouyahia.

 

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