Mais où est donc parti l’argent ?

La Tunisie étant en confinement général depuis le 22 mars et le problème de paiement des salaires du mois d’avril étant proche, une séance de travail s’est tenue, le14 avril  au siège du ministère des Affaires sociales sous l’égide du ministre Mohamed Habib Kchaou en présence de Samir Majoul, patron de l’UTICA et Noureddine Taboubi, patron de l’UGTT. Ils se sont mis d’accord sur le paiement des salaires de tous les travailleurs aussi bien de la fonction publique que des entreprises privées. Ils ont ainsi opté pour un 100% des salaires malgré le fait que presque personne n’a travaillé et que beaucoup de pays européens, à titre d’exemple, le Danemark et l’Angleterre aient opté respectivement pour 90% et 80% et aux États-Unis c’est encore moins que ça.
Tous les employés bénéficieront donc intégralement de leurs salaires du mois d’avril, l’Etat aidera les employeurs privés avec une contribution de 200 D par employé.
L’UTICA a donc signé le protocole d’accord et ce malgré l’étude faite par ces agents sur un échantillon de 213 entreprises. Une étude qui montre que 30% des entreprises n’ont pas les moyens de payer leur personnel à la fin de ce mois. Compte tenu du contexte, certains employeurs trouveront sûrement des difficultés à payer les salaires du mois d’avril.
Le ministre d’Etat Mohamed Abbou avait déclaré qu’« il n’est pas possible de réduire les salaires des agents publics  car c’est l’Etat qui a demandé aux fonctionnaires de rester chez eux ».
Mohamed Abbou, à mon avis, a raté une occasion de se taire, surtout qu’il sait très bien le faire quand il le décide. Je pense surtout à l’affaire des bavettes et celle du Q5 du ministre.
La Tunisie compte aujourd’hui une population active de quatre millions deux cent mille personnes dont huit cent mille appartiennent au secteur public, deux millions neuf cent mille au privé et six cent vingt-quatre mille exerçant les petits métiers (maçons, mécaniciens, journaliers, jardiniers, plombiers manœuvres etc.)
Je pense aujourd’hui aux pères de familles qui travaillent à la journée et qui seront bien entendu sans revenu et n’auront pas de quoi subvenir aux besoins de leurs familles et se verront obligés soit de casser le confinement et reprendre leurs activités journalières soit de rentrer dans des mouvements de protestations ou enfin de procéder à des vols et des effractions. Ils sont un million de personnes, trop pauvres et leur épargne est nulle ou négative pour pouvoir arrêter de travailler.
Aujourd’hui, le rôle de l’Etat est capital. Il est appelé à jouer un rôle de médiateur et de trouver un compromis entre les salariés et les employeurs. Il doit fournir les moyens de survie à tout le monde en chômage forcé. L’objectif aujourd’hui est bien entendu d’éviter les licenciements en ces temps difficiles par l’encouragement des compromis. La responsabilité doit être partagée pour que la charge et les répercussions d’une pareille situation ne soient pas supportées par une seule partie, chacun est appelé à supporter une partie de la charge.
Je pense vraiment que ce trio qui a opté pour cent pour cent des salaires en période de confinement aurait du chercher la procédure à suivre pour que les salariés restent en activité partielle, en plus clair chercher la proportion de salaire qui permet de donner à tout le monde de quoi pouvoir tenir le coup lors de cette période de chômage forcé pour cause de confinement, même sur le plan déontologique, comment quelqu’un qui est confiné chez lui devrait-il recevoir le même pourcentage de son salaire ?

 Dégraisser le mammouth Tunisien
Le mammouth, c’est ainsi que le journaliste Français Benoit Delmas appelle la fonction publique tunisienne. Avec 800.000 fonctionnaires qui prélèvent 46 % du budget de l’Etat, l’administration tunisienne bat tous les records, Il faut rappeler que depuis la chute de Ben Ali, les rangs de la fonction publique se sont remplis de plusieurs dizaines de milliers de nouveaux fonctionnaires.
La machine de l’Etat nous coûte aujourd’hui horriblement cher et c’est extrêmement urgent de l’alléger, la Tunisie ne pourra jamais résister à ces pressions salariales?

Où sont donc passés les milliards confisqués?
Les avoirs et biens confisqués de la famille de l’ancien président Ben Ali et du RCD ont été estimé en 2011 à 13 milliards de dollars, les banques faisaient état de 662 entreprises confisquées, aujourd’hui dix ans après la chute de Ben Ali les Tunisiens ignorent tout de ces biens.
Une société, appelée Al-Karama a été créée en juin 2012 pour gérer ces sociétés mais aujourd’hui ils nous font savoir que les procédures de cession se heurtent régulièrement à des difficultés judiciaires et qu’aujourd’hui de toute façon ces sociétés permettent à peine d’équilibrer les finances d’autres biens difficiles à liquider ?
A part donc le petit avion de Sakhr El-Materi, un Falcon 900, d’une valeur estimée dans le temps à 15 millions d’euros et une résidence appartenant à Belhassen Trabelsi au Canada et enfin les 28 millions de dollars qui ont été restitué du compte de Leïla Ben Ali d’une banque de Beyrouth et remis à l’ancien Président Moncef Marzouki en avril 2012 rien n’a été déclaré, ni sur les restitutions de l’argent ni sur les sociétés confisquées.

La dette, ce cercle vicieux infernal
Depuis le gouvernement de la Troïka en novembre 2011 les Tunisiens ont vue une avalanche de crédits bancaires de tout genre  sans toutefois voir des investissements particuliers d’infrastructures.
La dette chez nous n’a cessé d’augmenter, elle a plus que triplé, pourtant les rares projets d’infrastructures ont été arrêtés faute de financement.
Tous ces crédits ont été  servis à combler des dépenses de gestion et notamment la masse salariale et la compensation.
Le dernier crédit en euro a été signé le 31 janvier dernier entre 17 banques de la place et le ministère des Finances, il s’agit de la troisième tranche d’un crédit total de 455 millions d’Euros, soit l’équivalent de 1,4 milliard de Dinars, ceci malgré que les exportations des biens ne cessent d’augmenter, en 2016 elles ont atteint 29145.6 millions de dinars (près de 13000 millions de dollars US), soit une hausse de 5,5 % par rapport à 2015.
Notre pays est depuis la révolution très mal géré il est, selon les experts, au bord de la faillite.

*M.K Architecte

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