Malaise à la santé

 

Les revendications des médecins hospitalo-universitaires,  ne datent pas d'aujourd'hui. Elles ont commencé il y a quelques années sous l'ère Ben Ali. En 2010, un accord aurait été trouvé, mais mis en stand by. De ce fait, deux jours de grève ont eu lieu en décembre 2010 et  deux autres ont été programmés pour les 16 et 17 janvier 2011, mais vue la situation du pays et dans un esprit citoyen la grève a été annulée.

 

Que veulent exactement les H-U? La priorité n'est pas aux revendications salariales. Selon Dr Habiba Mizouni Secrétaire générale des médecins, médecins dentistes et pharmaciens hospitalo-universiatires, le gouvernement actuel doit se prononcer clairement et définir sa vision de la santé publique. Quel système de santé veut-on pour le pays? Va-t-on continuer à favoriser le privé et au final privatiser le secteur public ?

 

Une médecine à deux vitesses

Actuellement, nous avons une médecine à deux vitesses. Dans le privé on trouve les meilleures compétences, le matériel le plus sophistiqué. Dans le public, on trouve 70% des malades et des moyens de travail très limités, or la référence doit être l'hôpital. Ça se passe ainsi dans tous les pays développés.  L'un des objectifs de la dernière grève est de demander l'amélioration des conditions d'exercice à l'hôpital, c'est à dire, que ce dernier doit retrouver sa place de référence en médecine, qu'on y soigne les cas les plus difficiles, qu'on y réalise les interventions les plus délicates avec les méthodes et les moyens  les plus pointus, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.  les équipements lourds sont dans le privé. Si un hôpital manque de matériel,  c'est la sécurité des malades qui est en jeu.

Comment garder les compétences tunisiennes à l'hôpital public pour soigner correctement aussi bien le malade pauvre que celui qui est bien nanti ? Comment faire pour que cette médecine à deux vitesses ne soit pas en réalité une médecine pour les riches et une autre pour les pauvres?

Les H-U ont trois fonctions: ils doivent assurer  les soins à l'hôpital, l'enseignement à la faculté de médecine et la recherche dans les laboratoires et unités de recherche. Or, ils ne sont payés que pour l'activité des soins, pour les deux autres ils, ne reçoivent rien. En 2010 le ministère de l'Enseignement supérieur avait promis une solution, mais s'est vite rétracté.  Résultat: beaucoup d'H-U partent vers le privé, les hôpitaux sont vides à tel point que chaque fois qu'il y a un concours de recrutement, les postes proposés sont plus nombreux que les candidats.

 

Quel avenir pour la médecine en Tunisie ?

La Tunisie regorge de compétences médicales reconnues à l'échelle internationale, mais elles doivent pouvoir travailler dans les meilleures  conditions possibles.

Aujourd'hui, le niveau le plus haut de la médecine, représenté par les hôpitaux universitaires, est malade et Dr Mizouni, à travers ses dernières déclarations, lance un appel au gouvernement pour qu'il s'exprime clairement, officiellement,  sur le rôle et l'avenir de ce secteur. 

Après avoir perdu son médecin de famille, son médecin généraliste, la médecine tunisienne va-t-elle perdre ses compétences H-U?

Il y a un autre point sur lequel il est urgent que le ministère de la Santé et celui de l'Enseignement supérieur prennent position: celle concernant les facultés et les hôpitaux privés. Tout le monde en a entendu parler mais il semble qu'il ne s'agit pas uniquement de rumeur.

La différence entre un hôpital privé et une clinique est la taille, le nombre de services, de lits d'hospitalisation… Un hôpital privé est une polyclinique géante, plus belle, mieux équipée, plus chère. Si des hôpitaux privés voient le jour en Tunisie, on pourra dire adieu à tout le système public et on se demandera qui ira soigner ceux qui n'ont pas assez d'argent.

Quant aux facultés de médecine privées, si par malheur ne serait-ce qu'une fois, on leur permet d’ouvrir leurs portes en Tunisie, c'est à la médecine et au diplôme de médecin tunisien, reconnus internationalement,  qu'on dira adieu. Il n'y aura dans ce genre de facultés que les enfants de riches, certainement pas les meilleurs élèves, et ils auront des résultats en fonction de l'argent que les parents auront déboursé. Quelle sera la valeur d'un diplôme sanctionné par ce type de faculté ? Où est la justice sociale dans tout ça? C'est à nos deux ministères de répondre.

Pour les revendications salariales, on notera que comparés aux Algériens et aux Marocains, les H-U tunisiens sont très mal payés. Et pourtant ils sont restés à l'hôpital et pourtant ils continuent de donner des cours gratuitement! mais jusqu'à quand?

Ils veulent des réponses à toutes ces questions, ils veulent des promesses, des propositions et des dates. 

Samira Rekik

                        

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