Un malaise profond gagne la Tunisie aux plans politique, économique et social, rendant des plus difficiles un débat public serein, un dialogue constructif, une vision de l’avenir claire et une mise en œuvre de réformes urgentes.
Un malaise qui pèse de plus en plus lourd sur le moral des Tunisiens qui, en plus du péril terroriste qui ne cesse de hanter leurs esprits, n’arrivent plus à trouver des explications convaincantes à la confusion et à l’incohérence des acteurs politiques et sociaux, plus enclins aux discours démagogiques et belliqueux qu’à l’action qui renforce la confiance et qui présente une alternative.
Les manifestations de ces incongruités ne relèvent pas de l’exception, elles deviennent, malheureusement, le fait dominant de notre vie politique, économique et sociale. Elle a gagné ces derniers temps la sphère gouvernementale mettant à nu ses faiblesses, ses insuffisances et les contradictions d’une équipe hétéroclite qui semble agir plutôt dans la dispersion, que dans la cohérence.
Preuve en a été donnée tout récemment par les départs successifs, dans des circonstances un peu rocambolesques, de deux membres du gouvernement, renseignant fort sur l’absence de solidarité de la coalition au pouvoir, de vision et de feuille de route claires. Il renseigne, également, sur l’absence d’une bonne coordination et d’un dialogue structuré sur des dossiers d’importance, des questions délicates et des réformes, jusqu’ici, peu ou mal préparées.
Les déclarations de Lazhar Akremi, ministre chargé de la coordination avec l’assemblée des représentants du peuple, démissionnaire et de Mohamed Saleh Ben Aissa, ministre de la Justice, limogé par le Chef du gouvernement en raison de son refus de défendre à l’ARP le projet de loi relatif au Conseil supérieur de la magistrature, en disent long sur la tempête que le pouvoir exécutif est en train d’essuyer.
Maintenant que le vide est devenu effectif, tout l’intérêt est porté sur le remaniement ministériel, toutes les spéculations se sont orientées sur les profils des personnes qui vont remplacer les partants et sur la portée des changements qui seront introduits sur l’équipe gouvernementale qu’une certaine opposition, connue par ses excès, s’évertue à en montrer l’incompétence réclamant, au passage, l’organisation d’élections anticipées pour s’en débarrasser définitivement.
Le malaise concerne également l’action des partis politiques de la coalition gouvernementale qui font montre d’un grand activisme lorsqu’il s’agit de partage du gâteau et de positionnement sur l’échiquier politique. Le coup de colère des députés de l’UPL, dont les positions sont apparues contradictoires et à géométrie variable, révèle de façon évidente les véritables mobiles qui guident ces formations dont les équipes dirigeantes sont avides de pouvoir en cherchant à monnayer leur appartenance à la coalition. Nidaa Tounes, n’offre pas une meilleure figure, loin s’en faut. La fronde qui l’a secoué, tout en baissant en intensité, a montré qu’il reste encore divisé, affaibli et incapable de jouer pleinement son rôle de parti vainqueur des dernières élections.
Le mouvement Ennahdha profite de la situation en jouant les doubles rôles. En affirmant, en apparence, sa solidarité avec le gouvernement, il joue les trouble-fête en mobilisant ses troupes à Sfax notamment, pour manifester sa colère contre l’éviction de certains de ses imams qui ont jusqu’ici transformé des mosquées en lieux pour prêcher l’intolérance et le radicalisme.
Afek Tounes, faisant profil bas ces derniers temps, ses représentants au gouvernement ne brillent pas outre mesure. Il n’y a qu’à voir la gestion calamiteuse du ministère du Développement, de l’investissement et de la coopération internationale pour s’en convaincre.
Malaise social, enfin, qui se traduit par le dialogue difficile engagé entre l’UGTT et l’UTICA sur la revalorisation des salaires dans le secteur privé. Un dialogue qui est loin d’être serein et constructif, puisqu’entre les deux partenaires, la confiance est entamée. Les principes du dialogue sont même bafoués dans la mesure où certaines personnes présentes sur la table de négociation sont celles qui cherchent le plus à la faire capoter en œuvrant à replonger le pays dans un autre cycle de tensions sociales et de perturbation de la production.
Les sources du malaise de la Tunisie s’expliquent par la propension qui ne cesse d’animer les acteurs politiques et sociaux, au moment où le pays touche le fond, à entretenir les surenchères et les situations d’amalgame, à orienter le débat vers les questions qui divisent et fâchent et à bloquer tout processus de réforme, non à mobiliser, à construire et à réhabiliter les valeurs de l’effort et du travail.