Après les cérémonies de la semaine dernière, ce sont les problèmes sécuritaires qui ont occupé le devant de la scène pendant le week-end, qui a vu l’aboutissement d’une vaste opération menée par la Brigade antiterroriste de la Garde nationale, en coordination avec les autres unités sécuritaires. Elle s’est terminée par l’arrestation de 32 takfiristes qui préparaient des actes terroristes de grande envergure dans le Sud et au sein-même de la Capitale où des opérations de ratissage seraient encore menées.
Par ailleurs, à Dhehiba (Tataouine), des affrontements opposant, depuis samedi 7, des manifestants à la Garde nationale, suite à la fermeture du poste frontalier de Ras Jedir et la décision du gouvernement tunisien d’exiger une taxe de sortie de 30 dinars aux Libyens quittant le territoire à l’instar de tous les autres étrangers. Une somme dérisoire en fait qui ne risque pas de les décourager de venir pratiquer leur commerce dans notre pays qui a tant besoin de ressources…
Au cours de ces manifestations, le poste de la Garde nationale a été incendié et les logements de fonction des gardes menacés. L’armée a dû être appelée en renfort après que cinq gardes aient été blessés et emmenés à l’hôpital local. Les troubles ont repris le dimanche 8 et un manifestant a été tué, ce qui a entraîné une protestation du bureau local d’Ennahdha. Faut-il pour autant continuer à accepter que les bâtiments administratifs soient détruits et les sécuritaires blessés ? Il est temps maintenant que tout rentre dans l’ordre. Seules les manifestations pacifiques peuvent être acceptées… et non pas une grève générale, comme celle qui a été décrétée dans les villes du Sud alors que le pays doit se remette au travail !
Le 10 courant, l’ordre de grève a été étendu au gouvernorat de Médenine pour les mêmes motifs. L’ARP doit se remettre au travail pour voter la loi antiterrorisme et promulguer une loi qui criminalise les atteintes aux institutions sécuritaires.
Il ne faut pas non plus passer sous silence la vandalisation, à El Hamma de Gabès, de la statue érigée à la mémoire du leader réformateur Tahar Haddad qui a eu lieu aussi pendant le week-end, l’UGTT a demandé qu’une enquête soit ouverte et que les criminels soient traduits en justice. Tous ceux qui soutiennent la pensée réformiste et éclairée du défunt doivent avoir à cœur de protester contre cette profanation.
Des règlements de compte secouent la classe politique, toutes tendances confondues.
Le mécontentement grandit au sein de Nidaa Tounes. On aurait pensé que la révolte de quelques barons du parti à la suite de l’entrée d’Ennahdha au gouvernement ne serait qu’un accès de fièvre passager, mais il semble que le mal est plus profond. On savait que des “ténors” tels que Khemaïs Ksila et Abdelaziz Kotti s’étaient abstenus lors du vote de confiance, mais le mardi 10 courant, un groupe d’adhérents à Nidaa a publié, dans le journal “Le Maghreb”, un communiqué dans lequel ils évoquaient des “calculs politiques”, signé par des partisans de premier plan du parti, tels que Hamadi Redissi, Raja Ben Slama, Abdelhamid Larguech… Ils regrettent entre autres que la militante Khédija Chérif ait été sacrifiée —comme je l’ai fait ici-même la semaine dernière — et ait perdu le portefeuille important de la Femme. La veille déjà, des membres importants du parti s’étaient rassemblés devant le siège des Berges du Lac pour réclamer la restructuration du parti et critiquaient la participation d’Ennahdha, “affectant ainsi gravement la crédibilité de NT”. Par ailleurs, des responsables comme Riadh Azaïez et Mohamed Troudi ont demandé la création d’un Bureau politique chargé de préparer un Congrès national du parti, alors qu’il n’y a pour le moment qu’un Comité constitutif. Pendant ce temps, plusieurs députés NT ont été élus présidents de commissions à l’ARP, tels que Bochra Belhaj Hamida, Abada Kéfi et Jalal Ghédira.
La grogne a atteint aussi l’Alliance démocratique de Mohamed Hamdi, qui a pris la décision de “punir” Mehdi Ben Gharbia, l’un des organisateurs du sit-in “Al Rahil” du Bardo pourtant, à qui on reproche d’avoir voté la confiance au gouvernement Essid. Quant au Front populaire il s’agit d’autre chose : Besma Kalfaoui, la veuve du martyr Chokri Belaïd, a taclé Hamma Hammami le jour anniversaire de l’assassinat de son époux. Le président du FP ayant appelé le défunt en lui disant “Dors, camarade, dors”, Mme Kalfaoui s’est déchainée et a clamé “lève toi, Chokri, et n’écoute pas ceux qui te disent de dormir” ! Hamma Hammami a essayé d’expliquer que cette injonction avait été adressée à un martyr par le combattant légendaire Khaled Ibn Al Walid, mais il semble bien que “ça chauffe” entre Besma Khalfaoui et Hamma Hammami depuis qu’elle a avoué avoir voté pour Béji Caïd Essebsi, ainsi que son beau-père, à l’élection présidentielle.
Le président de la République a accordé sa première interview publique à la chaîne Watania le mardi 10 février. Il a tenu d’abord à renouveler ses engagements pris lors de la campagne électorale. S’adressant aux électeurs de Nidaa Tounes, il leur a assuré “qu’il ne les a pas trahis”, comme l’affirment certains barons du parti, dépités de ne pas avoir obtenu des postes de ministres suite au choix fait par le Chef du gouvernement, et approuvé par lui-même. Il s’est aussi expliqué sur la nécessité de la présence de membres d’Ennahdha dans la formation ministérielle puisque le Front populaire a choisi dès le début de se placer dans l’opposition et qu’il était nécessaire d’avoir un gouvernement capable de gouverner sans craindre à chaque problème de ne pas obtenir la confiance de l’ARP. Il a enfin regretté que les forces sécuritaires aient été obligés d’ouvrir le feu sur les manifestants dans le Sud du pays, après l’incendie du poste de la Garde nationale, et a lancé un appel au calme.
Les habitants du Sud doivent comprendre qu’un gouvernement qui vient de prendre les rênes du pays depuis quelques jours seulement, quatre ans après la Révolution et la gabegie des gouvernements qui se sont succédé, ne peut pas faire de miracles et faire disparaître rapidement la pauvreté et le chômage, ni accepter qu’une partie importante du pays soit livrée aux chefs mafieux de la contrebande, qui affaiblit l’économie du pays. L’important est de prendre connaissance de ce qui peut être fait, et c’est pour cela que deux ministres viennent de se rendre à Medenine, Ben Guerdane et Tataouine, même si l’accueil reçu n’a pas été très favorable, ils auront pu se rendre compte des possibilités les plus urgentes, sans oublier les projets prévus par le gouvernement de Mehdi Jomâa et qui, bien que budgétisés, n’ont pas encore connu un début de concrétisation.
Attention danger imminent ! La presse locale du samedi 14 nous révèle ce à quoi nous devons nous attendre : déjà les forces de la faction terroriste “Fajr Libya” auraient encouragé les manifestations du Sud tunisien et se seraient manifestées à la frontière par des relations avec des Tunisiens. Si les forces régulières libyennes tentent de libérer les postes frontaliers du côté libyen, il faut s’attendre à des retombées de notre côté. Ne serait-il pas utile de fermer dès maintenant la frontière et d’amener des renforts consistants sans attendre qu’il ne soit trop tard ?