Les images terribles de la barbarie se sont accrues et se sont propagées au Moyen-Orient durant les deux dernières décennies : depuis la prison d’Abu Gharib en Irak où des militaires américains et des agents de la CIA ont torturé des prisonniers irakiens entre 2003 et 2004 jusqu’à la Palestine usurpée où l’armée israélienne s’est donné le «droit» d’assassiner de sang froid la journaliste Shireen Abu Akleh et d’intervenir violemment aux funérailles de la victime, de sorte que la connivence sanguinaire entre Israël et son protecteur américain est devenue, désormais, un fait évident tant au plan de la haine qu’à celui de la fabrication du mal. Les Américains et les Israéliens furent toujours experts dans la manière de manipuler les évènements et d’inventer des mensonges pour exercer leur pouvoir tyrannique. Une telle complicité s’explique en fait par une politique de terreur. Plutôt d’arracher aux peuples occupés leur dignité comme le font les armées coloniales au dix-neuvième siècle, ils les amènent à y renoncer. Ils sont de mèche pour faire régner la terreur dans le monde en vue de mettre en garde tous ceux qui oseraient les défier. D’autres tortures et d’autres assassinats avaient précédé cette barbarie, d’autres allaient suivre, d’une sauvagerie inégalée dans les annales du crime contre l’humanité. Ainsi, n’est-il pas grotesque de continuer à croire aveuglément que la diffusion de ces images horribles dans les médias israéliens et américains est le résultat de la liberté d’expression et donc de la démocratie dans ces deux pays. De même, c’est avoir la vue courte que de ne pas admettre que ces images ont été bien analysées avant d’être communiquées aux médias. Convaincus que leur devoir politique dans un monde totalement déboussolé serait d’harmoniser la terreur pour lui donner une peinture acceptable, les deux pays s’efforcent de garantir la réussite de l’opération sur deux fronts. D’une part, montrer la capacité de la machine de guerre dans les deux pays à savoir utiliser tout ce qui lui paraissait nécessaire à la réalisation de ses fins quelles qu’elles soient, et par là, apporter la preuve immédiate de la force de réplique dont ils sont capables. Ce qui a pour conséquence de dissuader leurs ennemis en faisant valoir le fait qu’ils n’ont jamais perdu leur efficacité guerrière. D’autre part, donner l’impression que cette «barbarie» ne relève nullement d’un choix politique, mais plutôt d’un comportement individuel pervers qui est donc limité dans le temps et dans l’espace, pour ne pas dire qu’il s’agirait d’un cas isolé. Une telle mystification viserait en définitive à préserver la « bonne conscience» et « le prestige moral» de leurs armées. En diffusant ces images, la propagande militaire américaine et israélienne croyait pouvoir occulter un forfait plus grave, à savoir l’occupation de la Palestine. En fait, ces images ont beau trouver du succès auprès d’un public crédule et naïf, elles ne sauront jamais atténuer la colère anti-israélienne.
Cependant, le pire camouflet que la puissance militaire américaine ou israélienne puisse essuyer demeure la similitude des mêmes méthodes utilisées par l’armée russe en Ukraine. C’est ainsi qu’en exploitant les images, les Russes ont montré leur capacité à réagir et à semer la terreur dans les cœurs des Occidentaux. De même, par d’autres images, ils tenaient à montrer le «bon traitement» réservé aux otages ukrainiens dont certains ont été d’ailleurs relâchés pour des raisons purement «humaines» ! Il s’agit de faire appel à l’émotion permanente pour susciter le plus de réactions possible, pour le meilleur, mais trop souvent pour le pire. Ainsi, l’image est devenue une arme à double tranchant, autant elle est utile, autant elle est dangereuse. Le problème ne se limite pas à l’incitation à un voyeurisme passif et extrêmement malsain.
Il participe d’un prosélytisme des plus dangereux. Cette tentation de lynchage médiatique est d’autant plus odieuse qu’elle se fait dans le lâche confort de la «démocratie» et de la «liberté d’expression».
S’il est vrai donc que les Américains et les Israéliens ont su prouver leur suprématie militaire, ils ne pourront jamais remporter la guerre de l’image qu’ils ont eux-mêmes inventée. Tous les signes montrent, au contraire, qu’ils ont totalement échoué.