La course aux élections municipales est lancée et les partis politiques entament le sprint dans le désordre. Ceux qui ont pour fonds de commerce la négation et le rejet de tout processus et de tout projet de réforme ont vite réclamé le report de ce scrutin. Comment diable, soutiennent-ils, mettre la charrue avant le bœuf et organiser cette échéance en fin 2017, au moment où le code des collectivités locales n’est pas encore adopté ? Pourtant ces mêmes partis n’avaient cessé, dans un passé récent, de réclamer à tue-tête, la tenue rapide de ces élections pour sauver nos villes du délabrement et de l’abandon, à l’origine de la dégradation des conditions de vie des citoyens. Comment expliquer cette obstination qui a investi subitement ces partis politiques, pour la plupart en perte de vitesse, divisés et en mal de popularité, à ajourner cette échéance ? Ce qui est fort loisible, c’est que ces derniers ne se sont pas bien préparés pour affronter un rendez-vous électoral dont l’importance est cruciale. Ayant peu d’emprise sur le terrain,avec un discours décalé et une confiance entamée, ces partis redoutent le verdict des urnes. Invoquer aujourd’hui des faux arguments pour gagner du temps et réorganiser leurs rangs paraît quelque peu saugrenu, indéfendable. Un retournement de position pour le moins étonnant lorsqu’on connaît que ces mêmes partis ont dénoncé, en juin dernier, le report de l’adoption par l’ARP de la loi sur les élections et les référendums, en y voyant une manœuvre de Nidaa Tounes et de son acolyte Ennahdha. Leur mobilisation actuelle pour que ce scrutin ne se déroule pas dans les dates proposées par l’ISIE est loin d’être convaincante et ne risque pas de trouver l’écho souhaité.
Chez les autres partis, qui nourrissent quelques ambitions et de grands espoirs pour contrôler les prochains conseils municipaux, commence un grand bouillonnement avec son lot d’alliances, parfois contre nature, de lancement de nouvelles initiatives à l’effet de remplir le vide créé par les dissensions qui ont fait éclater en lambeaux le parti vainqueur des dernières élections présidentielle et législatives.
Dans leur course, tous ou presque, prétendent jouer le rôle de sauveur, présentent une alternative sérieuse, proposent l’union sacrée des forces politiques et progressistes pour constituer un front anti Ennahdha.
Hormis Mehdi Jomaa qui a osé, enfin lancer son initiative et dévoiler ses véritables ambitions politiques en se présentant comme l’alternative crédible à la désunion et à l’anarchie qui règne dans le pays, ce qui a surpris le plus c’est à l’évidence le lancement du front du salut et du progrès par une multitude de formations politiques (comme l’UPL, Machrou3 Tounes, une aile dissidente de Nidaa Tounes..) que rien ne rapproche et qui se réclament abusivement de la gauche progressiste !
Ce groupe n’essaye-t-il pas de manœuvrer pour dupliquer une nouvelle copie de Nidaa Tounes à l’effet de mobiliser les citoyens et susciter un vote utile en annonçant leur opposition au parti islamiste ? Cette alliance de militants venant d’horizons différents pourrait-elle influencer l’opinion publique et provoquer le même phénomène qui a conduit en 2014 à la victoire de Nidaa Tounes ? Peu probable, parce que la donne a beaucoup changé et les électeurs ne sont plus dupes. En plus, l’absence d’un homme politique de la trempe de Béji Caïd Essebsi ne peut préjuger de la réédition du même scénario.
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Encore une fois, les régions intérieures du pays bougent, expriment leur détresse et leur colère sans que le gouvernement ne parvienne à éteindre le feu, ni à développer un discours cohérent ou, a fortiori, à prendre les devants pour gérer efficacement les situations de crise et de tension extrême. Que ce soit à Tataouine, où les protestataires ont pris le pli de bloquer la production pétrolière pour faire entendre leur voix et demander de l’emploi, ou au Kef , où le risque de fermeture d’une usine employant plus de 400 personnes a pris de court tout le monde et provoqué colère et une grande anxiété, le couac réside dans le profil bas adopté par les pouvoirs publics qui se montrent impuissants à affronter les vrais problèmes, à tenir le langage de la vérité et à faire appliquer la loi. Au-delà de la problématique lancinante de l’emploi et de l’impossibilité manifeste de répondre à toutes les demandes qui s’expriment et au jeu de manipulation des jeunes que certaines parties ont appris à utiliser de façon à pousser le gouvernement dans ses derniers retranchements pour prouver son inefficacité, ces mouvements, spontanés ou non, ont montré la faible réactivité des pouvoirs publics et leur inaptitude à développer un discours convaincant. Alors que les voix des protestataires et des organisations de la société civile investissent les médias en présentant notamment le blocage de l’activité des sociétés pétrolières comme légitime, très peu d’échos nous parviennent du gouvernement qui semble céder aux pressions et prompt à accepter le fait accompli. La grande contradiction qu’on ne cesse de vivre dans nos jours, c’est la concomitance de ces mouvements avec l’entame d’une grande opération de marketing de la nouvelle loi sur l’investissement. Comment peut-on convaincre un investisseur étranger à l’attractivité du site tunisien des affaires, si les pouvoirs publics sont incapables d’appliquer la loi, d’honorer leurs engagements avec les opérateurs économiques et d’assurer la continuité du processus de production dans tous les coins du territoire ?
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