Marché financier : Pourquoi la persistance des blocages ?

Il a fallu attendre vingt ans pour voir le nombre des valeurs cotées à la Bourse de Tunis doubler et passer de 36 à 77.

De toute façon ce n’est pas encore le Pérou car nos ambitions de voir la Bourse de Tunis devenir un marché financier à rayonnement régional sont loin d’être réalisées.

En effet, la BMT ne contribue qu’à concurrence de 7% au financement de l’économie et que la capitalisation boursière ne représente que 25% du PIB alors que dans d’autres pays c’est 50% et plus.

Nous sommes donc loin, très loin du compte même si les perspectives sont plutôt optimistes.

D’ailleurs, il a fallu, durant ces quatre dernières années, que les banques tunisiennes connaissent des difficultés au niveau des liquidités pour que les entreprises économiques soient contraintes de s’adresser à la Bourse pour trouver les financements nécessaires afin de développer leurs projets et assurer leur croissance.

C’est dire que les chefs d’entreprises préfèrent les crédits bancaires malgré leur coût élevé et les risques de surendettement plutôt que l’introduction en Bourse.

Mais pourquoi donc ?

Pour plusieurs raisons que nous déclinerons plus loin.

Il y a lieu de remarquer que la Bourse de Tunis, grâce à la loi n°94-117 portant sur la réorganisation du marché financier, bénéficie de tout l’arsenal législatif et réglementaire nécessaire pour sa conformité aux normes internationales de sécurité et de viabilité des transactions boursières.

Un conseil du marché financier pour surveiller la légalité et la transparence des transactions boursières (gendarme de la Bourse), une société de gestion de la Bourse créée par les intermédiaires agrées en Bourse et chargée d’organiser les transactions boursières avec un président élu de façon cyclique.

Un système électronique fiable et convenable de cotation des valeurs, un dépositaire central qui veille sur le transfert des valeurs boursières conformément aux transactions boursières : « Tunisie-clearing ».

Il faut dire que le tissu entrepreneurial tunisien est composé à 85% de PME familiales dont la gestion n’est pas toujours transparente à 100% sur le plan fiscal et social.

Ce qui implique des sous-déclarations fiscales portant sur les recettes en espèces et les ventes sans factures, d’avantages en nature non comptabilisés, de salaires non-soumis aux déclarations CNSS,…

Le lancement de nouveaux produits, les extensions de productions, la promotion de nouveaux projets, les chiffres d’affaires et le montant des bénéfices ne font jamais l’objet d’informations préalables pour éviter toute interférence de la concurrence.

Les chefs d’entreprises craignent de perdre la maîtrise et la majorité du capital de leur entreprise suite à leur introduction en Bourse. Des appréhensions injustifiées.

En effet, toute introduction en Bourse comporte des obligations dont la transparence de la gestion financière et sociale de l’information vis-à-vis de l’opinion publique et l’obligation de rendre compte aux actionnaires de la gestion des responsables et de leurs résultats lors des assemblées générales.

Les administrateurs ont des responsabilités dont celles de la bonne gouvernance et de la gestion des biens sociaux de l’entreprise.

En Tunisie les transactions boursières sont dominées par les valeurs bancaires et par les petits porteurs.

Certains secteurs importants de l’économie du pays ne sont pas représentés à la Bourse comme le tourisme et l’hôtellerie, le textile-habillement, l’agriculture,…

Or c’est à peine si les petits porteurs commencent à être représentés dans les conseils d’administration des entreprises cotées en Bourse.

La culture boursière est encore balbutiante dans notre pays et la plupart des “boursicoteurs” privilégient des “coups juteux” plutôt que la constitution de portefeuilles stables et équilibrés avec une rentabilité à moyen terme.

Les entreprises devraient opter pour un choix équilibré : le financement doit être assuré aussi bien par les banques pour le court terme (fonds de roulement) que par la Bourse pour le moyen et le long termes lorsqu’il s’agit de projets d’extension : diversification ou augmentation de la production, innovation,…

A l’horizon 2020, la Bourse de Tunis devrait atteindre 200 à 300 valeurs cotées pour drainer les investisseurs étrangers et avoir un rayonnement régional. Elle deviendrait alors vraiment liquide.

Pour cela il faudrait aussi agir sur la demande en permettant aux institutionnels d’acquérir des actions boursières pour participer à la réactivation du marché. Des incitations d’ordre fiscal seront sûrement nécessaires.

 

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